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Anatole dans la tourmente
du Morne Siphon

Sabine ANDRIVON-MILTON

Beaucoup d’entre nous avons un parent, oncle, grand-père ou arrière grand-père qui a participé à ce que nous appelons: Ladjè 14, La Première Guerre ou la Grande Guerre.

 

 

 

Anatole dans la tourmente du Morne Siphon, Sabine ANDRIVON-MILTON •
L'Harmattan  •  Juillet 2010 •  ISBN 978-2-296-12594-0 • 13,00 €.

Anatole dans la tourmente du Morne Siphon

D’où nous vient une certaine admiration pour les Anciens combattants? Connaissons-nous le dernier poilu martiniquais mort récemment? Comment vivaient nos parents au moment de la guerre? L’historienne Sabine Andrivon-Milton a chois, le genre romanesque pour la vulgarisation de ses travaux de doctorat.

Sabine Andrivon-Milton nous livre donc son premier roman qui nous fait revivre que dis-je, vivre intensément  à travers les personnages de Morne Siphon. Ce morne à la particularité d’être n’importe quel quartier de la Martinique et le lecteur se reconnaît dans ce lieu familier du début du siècle au moment de la guerre.

C’est par la voix d’Anatole, dit Totole, du haut de ses 12 ans que nous est conté ce pan de notre histoire qui date de presque un siècle.

Le roman début par un acte horrible. Le lecteur apprendra que cet acte fut posé précisément par désespoir et parce qu’en voulait en finir avec cette période on n’a pas hésité à consulter le quimboiseur. Le magico religieux reste donc une dimension importante de notre culture. On y apprend comment la Martinique est délestée de ses jeunes qui vont s’engager pour sauver la Mère Patrie des allemands. Dans le même temps aussi beaucoup de compères lapins vont faire le débrouillard pour ne pas s’y rendre au front car ils pressentaient les difficultés et les rudes conditions de vie. Malheureusement parmi ces débrouillards traités de «lâches» appelés aussi «les autres» beaucoup vont bénéficier de passe-droit pour ne pas faire la guerre. Parmi eux nombreux sont soupçonnés de s’être enrichis durant cette période. Certains «puissants» vont comme d’habitude protéger leurs biens, leurs fils voire leurs «bons» ouvriers qui vont bénéficier de consultation particulière par être déclarés inaptes au service militaire.

Le roman est une excellente analyse sociologique où l’on apprend beaucoup sur les comportements de notre peuple. L’on a des images surprenantes sur le travail des femmes mais aussi sur l’attitude de certaines attendant sur les allocations au point où le gouverneur envisageait même de les supprimer. «Selon le gouverneur, les femmes aussi avaient refusé de travailler leur propre terre et se contentaient des allocations p 44.

De nombreux thèmes sont abordés comme par exemple la discrimination à l’encontre des soldats martiniquais au front; la difficulté du climat où beaucoup de soldat mourrait de pneumonie ou souffrait d’engelures jusqu’à la perte de membres; des réactions indignées de certains soldats «-Qu’est ce que cela veut dire? Nous sommes incapables de nous battre en hiver? Pourquoi nous considèrent-ils comme des enfants? Nous devons être traités comme les soldats de la métropole. Il nous faut payer l’impôt du sang»

Pour beaucoup de jeunes de l’époque, leur joie s’était de s’entendre déclarer BSA (Bon Service Armé). Tout ceci dans une ambiance cocasse où parfois des morts se retrouvaient sur la liste des hommes appelés. Dans cette ambiance le drame pour Totole, parce que son père n’a pas été retenu, il était considéré comme le fils d’un «lâche», ses copains ne vont pas hésiter précisément à le lâcher.

L’on y apprend que se rendre à Fort-de-France était une véritable expédition pour prendre le bateau qui partait pour France.

La vie sans les hommes partis au front, l’ambiance délétère pour tous ceux qui sont restés. Ils devaient travailler dur dans les usines pour faire du rhum et en même temps soupçonnés d’être des poltrons parce que absents du front.

On y apprend la peur des allemands, on craignait jusqu’à perdre la nationalité française et être obligé d’apprendre cette langue. «Certains se voyaient sous la coupe allemande, obligés alors de changer de langue» p. 43.

On comprend aussi la peur de pénurie de certains produits alors que le rhum était la vedette au point que Fort-de-France craignait de vivre un autre incendie comme au début du siècle.

Du point de vue sociale nous apprenons des choses relativement curieuses s’agissant des mariages et des reconnaissances qui vont jusqu’au drame p.54 «Fimine m’expliqua que Damase ne voulant pas partir à la guerre, avait décidé de reconnaître les enfants de sa mère car les pères de famille nombreuse n’étaient pas mobilisés»

Le drame des familles à l’annonce de la mort d’un proche. L’inquiétude quand on est sans nouvelle d’un parent. Le retour de soldats complètement mutilés. L’arrivée de certaines lettres, qui ont échappé à la censure, qui montrait les horreurs de la guerre p.74.

En une centaine de pages Sabine Andrivon Milton nous fait vivre ce pan de notre histoire à travers celle de Totole. Nous découvrons une somme historique considérable que nous avalons avec délectation. Tous ces éléments épars nous incitent à retourner ou découvrir les ouvrages majeurs comme:

  • La Martinique et la Grande Guerre, parut chez le même éditeur L’Harmattan en 2005. Rappelons que cet ouvrage a reçu le Prix de Ecrivains Combattant en 2006.
     
  • Le livre d’or des soldats martiniquais mort pendant la guerre en 2006.
     
  • La Martinique pendant la Grande Guerre, recueil de poèmes et chants

Tous ces ouvrages ont été autoédités et c’est tout à l’honneur de cette historienne militante qui se bat pour la reconnaissance de nos aînés et une meilleur prise en compte de l’histoire. Nul doute que cet ouvrage s’adresse à des adultes mais aussi à des élèves.

I rivé ay chèché’y.
Jid

boule

 Viré monté