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Avant - Propos

INDEX : CREOLE - FRANCAIS

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Discussion avec les internautes

Chers amis du site ex-Kapeskreyol (Potomitan), Les auteurs du dictionnaire des néologismes créoles, Serge COLOT et Raphaël CONFIANT, souhaitent établir une collaboration avec vous afin d'amender et de compléter leur travail. Grâce à vous, à votre vigilance et à votre savoir, ce dictionnaire sera régulièrement modifié et donc forcément amélioré, chose qui ne pourra qu'être bénéfique pour ses utilisateurs.

Si vous notez des coquilles, des fautes d'orthographe, des erreurs dans les définitions des mots ou encore des mots qui manquent, n'hésitez pas à prendre votre plume pour nous le signaler. Cette page est la vôtre ! Nous y mettrons vos messages ainsi que les réponses des auteurs.

Ecrivez-nous webmaster@potomitan.info

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Avant-propos

Peut-être est-ce la première fois que vous allez consulter un dictionnaire de néologismes. Et c'est précisément en pensant satisfaire la curiosité tant des lecteurs créolophones que francophones que nous avons conçu celui-ci comme un dictionnaire bilingue.

Il s'adresse peut-être surtout aux traducteurs, car l'expérience de la plupart des grandes langues du monde, dont l'anglais au premier chef, démontre que la traduction a été l'une des principales voies empruntées par celles-ci pour devenir des langues écrites de plein exercice.

Le créole dispose d'une tradition relativement ancienne de traduction de textes religieux,en particulier de la Bible. D'autre part, des auteurs courageux tels que l'Haïtien Félix Morisseau Leroy ou le Martiniquais Georges Mauvois se sont colletés à des pièces grecques antiques telles que “Le Roi Créon” ou “Antigone”.

Jean-Pierre Arsaye a récemment traduit un recueil de nouvelles de Guy de Maupassant intitulé Une partie de campagne en s'aidant de nombre de néologismes proposés dans le présent ouvrage et de créations de son cru.

Mais ce mouvement doit être aujourd'hui amplifié et cela non seulement à partir de textes écrits en français, mais aussi en anglais et en espagnol qui sont deux des langues les plus parlées de la Caraïbe.

Sont aussi directement concernés par notre ouvrage les essayistes car là aussi, le créole doit franchir un pas et pénétrer le domaine des sciences humaines, en particulier ceux de l'histoire et de l'anthropologie. Il est tout à fait possible d'écrire des ouvrages en créole sur telle ou telle révolte pré ou post-esclavagiste, par exemple l'Insurrection du Sud à la Martinique en septembre1870. Ou encore sur tel aspect du vaudou ou du Bondié-Kouli (hindouisme créole).

Cet ouvrage, déjà paru en 2000, a été entièrement revu et enrichi: nous avons, suite aux travaux lexicologiques de Serge Colot mettant en relief les règles lexicogéniques créoles, minutieusement réétudié le dictionnaire dans son ensemble et épinglé quelques néologismes présentant des défauts de fabrication sur les plan syntaxique, sémantique, morphologique ou phonologique. Ces derniers ont été soumis à l'oreille et au jugement de locuteurs natifs, dont l'avis a été ici pris en compte; car il ne faut pas oublier qu'en dernier ressort, seuls les locuteurs (/scripteurs) ont le pouvoir de faire entrer dans l'usage tout mot nouveau mis sur le marché de la consommation lexicale.

Le linguiste et l'écrivain linguiste que sont les auteurs respectifs ne verront leurs efforts récompensés que s'ils parviennent à satisfaire l'appétit du locuteur, que s'ils parviennent à relancer la consommation des produits locaux au menu lexical… Suite (en pdf, 284 KB).

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Discussion

3

21.12.2004

J'ai lu votre dictionnaire des néologisme en ligne (j'espère que je ne me suis pas trompé d'adresse).

C'est pour moi assez surprenant de voir ce genre de dictionnaire, et donc g qqs questions a vous poser :

Premièrement, n'est il pas un peu dangereux qu'un phénomène naturel comme l'évolution linguistique soit déclenché artificiellement par un si petit nombre de créolophones ? 

Je pense que vous vous efforcez de conduire cette évolution comme elle se serait conduite naturellement, mais en accéléré. 

Deuxièmement dans ce cas, pourquoi si peu de mots ont pour origine une langue d'Afrique noire, alors que c'est quand même une racine non négligeable de notre langue ? 

Cela vient-il d'une volonté de la part de l'auteur du dictionnaire, ou de la méconnaissance de ces langues?

Que les noms communs concrets aient pour origine une langue indo-européenne parait assez normale puisque ces noms ont été les plus faciles à comprendre pour l'esclave ne comprenant pas le français... Mais s'il s'était avéré que beaucoup de noms abstraits étaient restés dans le créole, il y aurait fort à parier qu'ils soient d'origine africaine.  Il serait donc assez naturel d'aller les chercher par la ou non? (C'est une question franche, je n'ai pas vraiment d'avis la dessus)

Bon, ben c'est tout...

Odjis Munkilewe

Nous n'avons pas envie que le créole finisse comme la plupart des langues d'Afrique noire c'est-à-dire marginalisées, écartées de l'affichage public, des formulaires administratif, de l'enseignement universitaire et des médias modernes.

Combien de journaux en wolof au Sénégal ou en éwé au Bénin? Les enseignes des magasins de Libreville sont-elles en fang? Les débats au parlement du Mali sont-ils en bambara ?

Bref, pour qu'une langue accède à la modernité, il faut la... moderniser. Et qui dit moderniser, dit créer des mots nouveaux permettant d'exprimer les réalités du monde globalisé dans lequel nous vivons. Cette tâche de modernisation linguistique ne peut reposer sur les épaules du paysan togolais ou de la marchande de poissons antillaise. Elle repose sur celle des écrivains et des linguistes car on voit mal comment un paysan togolais ou une marchande de poissons antillaise pourrait inventer un mot comme "logiciel" dans sa langue maternelle.

Certes, on ne peut pas forcer la marche d'une langue et souvent l'action entreprise aujourd'hui porte (ou non) ses fruits des siècles plus tard. Mais il ne faut pas non plus rester les bras croisés et attendre que la langue se défende toute seule. Car, globalisation oblige, nous sommes dans un monde où règne "la guerre des langues" et celles qui n'auront pas été défendues, équipées, armées, sont vouées à disparaître à moyen ou long terme. C'est ce qui, hélas, menace 90% des langues d'Afrique noire, sauf en Ethiopie.

Notre dictionnaire vise donc à apporter notre pierre à l'édification d'une langue créole modernisée qui puisse affronter à la fois la concurrence séculaire du français et celle, plus récente, de l'anglais. Il vise surtout à faire redémarrer le processus de créativité lexicale qui s'est grippé à partir des années 50 du 20è siècle à cause de la scolarisation massive en français des populations antillaises.

Quant aux mots concrets dérivant du français et aux mots abstraits dérivant des langues africaines, c'est justement exactement le contraire! Les mots africains contenus en créole relèvent du magico-religieux (ex. "govi": cruche du vaudou), du culinaire ("boukousou: pois) ou de la faune ("Zamba": éléphant) tandis que les mots "abstraits" sont d'origine française: "lanmitié" (amitié), "lanmou" (amour), "lapè" (peur), "lavolonté" (volonté) etc...

Il est vrai, par contre, qu'au-delà des mots, il existe une manière de penser, une vision du monde partiellement africaine dans le créole rural.

Nous demander de créer des mots créoles à partir des langues africaines signifierait que ces langues possèdent des mots pour dire "ordinateur", "logiciel" ou "satellite". Or, tel n'est pas le cas puisque ces langues se contentent d'emprunter ces mots européens en les africanisant légèrement du point de vue phonétique.

Rien qui puisse nous intéresser donc...

Raphaël Confiant

2

24.9.2004

Chers monsieurs,

Tout travail de diffusion du savoir dans le net est oeuvre importante et bienvenue.

La mise en-ligne de ce dictionnaire est particulièrement importante pour tous ceux qui, à l'étranger (par rapport à vous, bien sûr :-))) apprécient et étudient la littérature antillaise, mon cas, ou ceux qui l'apprécient seulement. Car si nous parlons français, il est bien rare que nous parlions créole. Mais notre curiosité a été éveillée par les petits extraits ici et là dans les livres de M. Cesaire, M. Chamoiseau, M. Confiant, M. Depestre, M. Glissant, ceux dont j'ai déjà lu un certain nombre d'œuvres. Et j'avoue que j'essaye de comprendre comment elle fonctionne cette langue qui me semble bien sonore.

A ces écrivains et essaystes mes remerciements particuliers, surtout à M. Confiant. La lecture de Eau de Café m'a ouvert le chemin d'une littérature belle, riche de sens, vivante, profonde, proche de nous d'Amérique du Sud, du Brésil, et en même temps diverse. Grâce à lui j'ai lu R. Depestre, J. Roumain, P. Chamoiseau, Franketienne, Césaire.

C'est la première fois que j'ai l'opportunité de pouvoir remercier un écrivain car son travail m'a servi de guide et entrée pour des traces, routes, chemins divers. Les autres grands guides, Machado de Assis et Lima Barreto, sont mort depuis longtemps. Alors, grand merci M. Confiant, par votre œuvre, et merci aux deux professeurs, chercheurs qui partagent leur savoir avec tout le monde.

Regina Rodrigues

Celui qui s'engage a tisser un coutil pour couvrir la nudité des fesses de l'éléphant s'est obligé à réussir une œuvre extraordinaire. - Ahmadou Kourouma.

Il n'y a pas de littérature sans amour de la langue, surtout lorsqu'il s'agit d'une langue menacée de disparition telle que le créole.

Dans les "grandes" langues, les écrivains s'efforcent de sortir de la langue commune, de la plier à leurs désirs personnels, voire dans certains cas à la démolir.

Dans les langues menacées au contraire, surtout celles sur lesquelles pèsent une forte oralité, cela n'est pas possible: au contraire, l'écrivain se fait maçon, archéologue et prophète. Maçon parce qu'il fabrique une langue littéraire détachée de l'oral; archéologue parce qu'il part à la recherche des vieux mots et des expressions tombées en désuétude afin de les revitaliser à l'écrit; prophète aussi parce qu'il est amené à inventer, à créer de toutes pièces des mots nouveaux.

C'est pourquoi l'écrivain doté d'une langue doté d'une très ancienne littérarité est un "orfèvre" alors que celui qui est doté d'une langue orale ou menacée est plutôt un "forgeron".

Merci mille fois de vos compliments !

Raphaël Confiant

1

1.8.2004

C'est délassant et revigorant à lire, époustouflant parfois de fantaisie folâtre. On peut inventer à l'infini.

Le co-auteur étant guadeloupéen, on  s'attend à trouver des néologismes des deux îles et pas seulement des madininismes.

Comment s'assurer, avant que de généraliser, qu'une étiquette au départ désobligeante comme Bondié-Kouli est perçue de la même manière par le colleur fustigeur et le flacon penaud.

Matière à débattre.

Jean-S. Sahaï

Le dictionnaire est composé de "madininismes" pour la raison toute simple qu'il a d'abord été redigé, puis publié (aux éditions Ibis Rouge) par un Martiniquais.

D'ailleurs, en examinant bien le texte original, on s'aperçoit que le plus souvent, cet auteur avait indiqué des variantes "karukeriennes'.

Cette nouvelle édition sur le Web resulte d'une collaboration entre l'auteur madininien et un lexicologue karukerien en vue d'améliorer, d'amender, le texte premier. Quel plus bel éxemple de collaboration madinino-karukerienne !

Peut-être qu'au lieu de toujours critiquer et encore critiquer, les critiqueurs devraient-ils produire quelque chose d'eux-mêmes. Ce dont nous avons besoin, c'est de bosseurs.

Raphaël Confiant

Tchipdjip!  L'un n'empêche pas l'autre, la critique (d'ailleurs sollicitée ici) est positive et stimulante, nullement dégonverdée. Et pourquoi une saine critique empêcherait-elle la création, puisque chez nous l'une et l'autre s'imbriquent et se briquent. Goudloup!

J.S. S.

Bonjour,

Le dictionnaire des néologismes créoles n'est point le lieu de «fantaisies folâtres», mais répond à la nécessité d'équiper la langue créole dans tous les domaines où le vocabulaire lui fait défaut, souvent parce que les locuteurs ont pris l'habitude machinale de recourir au vocabulaire français pour désigner certaines réalités techniques, scientifiques, économiques, politiques, littéraires, etc.

Le dictionnaire propose donc (sans imposer !), des alternatives plus compatibles avec la logique de la langue.

Par ailleurs, il n'y a aucune raison de voir dans ce dictionnaire une accumulation de «madininaïsmes», car non seulement tous les néologismes proposés présentent les variantes martiniquaises et guadeloupéennes (parfois gyuanaises) si la prononciation diffère d'un dialecte à l'autre, mais encore, un néologisme n'est pas martiniquais ou guadeloupéen, il est créole.

La question de savoir si l'auteur de tel ou tel néologisme est guadeloupéen, martiniquais, ou autre importe peu, et d'ailleurs, les auteurs du dictionnaire insistent bien dans la préface qu'ils ne sont pas les auteurs exclusifs des néologismes qui s'y trouvent : Raphaël Confiant en a créé certains, Serge Colot également, d'autres ont été relevés dans les ouvrages de divers auteurs de langue créole.

L'alliance des élans et des réflexes créateurs des uns et des autres est précisément censée faire l'unitarisme de la démarche néologique.

Sé braré pou nou maché, avan nou chèché sav ki mak a moun-la ki mété pawol-nef la dèwò.

Serge Colot

A propos des néologismes qui ne sont pas que martiniquais.

Dans l'article "Vulnérable" du dictionnaire, on lit ceci:

En créole martiniquais "flandjé" signifie "couper de part en part, lacérer".

  1. Je crois qu'on écrit "de par en par".
      
  2. En créole guadeloupéen on dit aussi "flangé", (au lieu de flandjé, comme on dit zendien au lieu de zendjen ou "kenbé" au lieu de "tchenbé"). Se pourrait-il que le verbe vienne du français "flanquer"? Lorsqu'une lame bien effilée tranche une pâte à pain ou une chair mollasse, elle s'ouvre, et en guérissant elle laisse la trace du "flangaj", comme une plaie ouverte qui a guéri sans que les lèvres aient pu être rapprochées et recousues.

Bon folatraj,

Jean-S. Sahaï

De «part en part» s'écrit bien avec «t».

D'autre part, j'ai du mal à décrypter le sens de la remarque à propos de «landjé/flangé», puisqu'il est clairement indiqué dans le dictionnaire une variante guadeloupéenne avec «g» au lieu de «dj» : cette remarque ne fait donc que répéter ce qui est déjà indiqué.

Enfin, il est effectivement très probable que «flangé» vienne du français «flanquer» avec le son [g] au lieu du son [k] (représenté par «qu»). Cette alternance entre les deux sons intervient dans quelques autres mots créoles, plutôt rares, comme «lakangrenn» (gangrenne), karipuna/garifuna, etc.

Serge Colot

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Viré monté