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Marcel Zang Juillet-Août 2007 |
Né en 1954 à Meyitta dans le sud du Cameroun, Marcel Zang arrive en France à l'âge de 9 ans. Après des études de lettres, il se consacre à la formation et à l'écriture. Auteur prolixe en théâtre, poésie, nouvelles et scénarios, il est l'exemple même de la rigueur et du renouvellement de la littérature contemporaine africaine. Son dernier Livre, Pure Vierge, viens de paraître chez Actes Sud-Papiers. Rencontre un homme sans équivoque.
De son enfance en Afrique, il ne garde que des bons moments... à grimper aux arbres, à se ramasser parfois la gueule et à se bâtir un univers de geysers multicolores avec des bouts de ficelle et des flammèches de brindilles odorantes. Ce petit chenapan céleste et émerveillé, taloché et fessé à l'occasion, qui rêvait d'être magicien et colonel dans l'armée de l'air, pense que «le progrès n'est qu'une fatale escroquerie de prothèses que des petits malins s'acharnent à nous refiler à coups de Game-Boy overdosés.» Le souvenir du père qui hante Pure Vierge, ainsi que la mise en jeu de la vie de l'autre représentent certainement sa part de sacrifice pour survivre à ses démons. Et l'auteur de s'interroger: «Qui donc fixe les règles du JE(U)? Qui donc berce l'univers dans ses bras, sinon le Père? Au commencement, on a tous un père en point de mire, autrement dit une limite, une frontière, un indépassable à traverser, à dépasser (ou à tuer) -pour rejoindre l'Autre, le vide, l'inconnu, autrement dit l'espace du jeu, du je, de la fiction, du risque, de l'émotion, de l'amour pour vivre/survivre(à ses démons).»
Le souvenir tenace d'un père suicidé le hante à coup sûr, ainsi que celui d'un pays d'enfance où il n'a plus jamais remis les pieds. Pour Marcel Zang, l'acte d'écrire devient alors un acte d'exil, réalisé par «l'assassin/écrivain», pour qui il est «difficile de grandir sans s'amputer, sans perdre, sans se perdre même en rêves, difficile de rencontrer/de jouer/d'aimer sans s'exiler et perdre une part de soi, difficile de créer sans corps à corps, sans spectres.»
La vie ne serait-elle qu'un jeu, un va-et-vient entre le connu et l'inconnu? Ce qui en fait un jeu, pense-t-il, «c'est tout le vide, l'inconnu, qui environne le plein, l'identité, le fixe...».
Il n'hésite pas au risque de choquer les «bien-pensants» à se servir de la cruauté des mots, sans équivoque. «Vivre c'est faire l'expérience de cet inconnu, de l'Autre, autrement dit du risque. La fiction et l’infini commencent avec l'Autre, qui marque aussi la limite; et dès lors qu'on franchit cette limite, on rentre dans Le lieu du risque, de la jouissance, au cœur du danger et de tous les possibles, dans l'espace de la fiction». Si la vie n'était pas un jeu, on serait déjà tous morts, affirme-t-il, «de certitude et de trop plein de soi, d'identification et d'immobilisme.»
Lorsque l'on rencontre MarceI Zang, il semble toujours en retrait, comme en observation de l’Autre. Sa parole est parcimonieuse, mais toujours pertinente. C'est dans l'écriture qu'elle se cristallise, se nourrissant de sa respiration, parce qu'à son sens «c'est toujours l'Autre – Le différent qui nous fait écrire, qui nous fait vivre.» Pour lui, l'identité et ta différence participent de la même vitalité: «Ce n'est que par les différences qu'on accède à l'abstraction et à la pensée.» Celui qui aime trouver aux mots leur essence précise, afficher leur crudité, est un homme à la révolte intériorisée, aux textes provocants de pugnacité. L’écriture de Marcel Zang est comme une mise en abîme indispensable à ta compréhension de son monde intérieur et extérieur. Quelque-chose au-delà de l'Histoire. Il sait que l'écrivain est «celui qui fait apparaître ce qui est (de l'autre côté) -comme un magicien-celui qui sort l'étoile du fumier comme le fou hilare, et qui "(dé/nomine" et dit le caché, celui-là même, le poète, qui "devine" l'histoire du monde-quand les historiens s'arrêtent, ne sachant plus rien.» C'est donc tout naturellement qu'il se considère «comme un passeur qui fait de la résistance, résistance à la mort et à ses valeurs.» Mais à dire vrai, il aimerait bien n'être considéré que comme un poète, rien qu'un poète magicien des mots.
Caya Makhélé
Marcel Zang, Président de Passerelle noire, Responsable de «La Marche des esclaves»