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Je suis d’un pays

Ernest Pépin

Haïtiens

Jeune femme haïtienne dans son habitation de misère, le mari travaillait très durement pour un salaire ridicule dans les campagnes de la Guadeloupe, Avril 2008. Photo F. Palli.

Je suis d’un pays blessé par son histoire
Un pays de mornes rouges
Un pays fonds-massacres
Un pays qui trébuche après chaque cyclone
Et se redresse sur ses jambes de palmier
Un pays qui se souvient
Et circule dans le tunnel de sa mémoire
Je suis d’un pays coléreux
Et qui réclame justice et respect
Pour sa terre empoisonnée
Pour sa tête qui bascule dans la consommation
Un pays qui vit hors de son nid
Et qui importe ses jours à la télévision
Je suis d’un pays que déguise un carnaval hors-saison
Un pays qui marche en vain
Qui tourne en vain dans les ronds-points
Du désespoir
Un pays qui creuse en vain les rides du ciel
Un pays qui vit en vain
Et tend la main aux guichets des fausses bontés
Je suis d’un pays de paillettes en haillons
et de joies inutiles
Un pays où la terre s’amenuise
Où la mer s’assèche
Où les bananiers portent le deuil des vents
Je viens d’un pays qui danse sur sa peur
Un pays qui s’est trompé d’abondance
Un pays-container
Un pays porte-misère
Un pays cache-misère
Un pays qui titube dans la mangrove de la modernité
Mais un pays qui se bat
Et se débat
Un pays qu’on abat
Et qui crie Guadeloupe
Pour se donner la force
D’avoir un lendemain

Ernest Pépin
Faugas/Lamentin
Le 18 novembre 2012

 Viré monté