Potomitan

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Forêt des songes

Ernest Pépin

Tu es brûlante forêt
J’y entre sans peur
Les flammes douces viennent boire au creux de mes mains
Elles repeignent ma vie
Etreignent mon souffle
Et font de mes cendres un sabbat de chenilles rougeoyantes
Est-il plus bel oiseau que celui-là
Qui s’envole avec la paille de ton sourire
Et déroule tout doucement un tapis à prières
Est-il plus bel oiseau
Feu magique d’un culte rendu aux orishas
Feu magique
De belle tendresse et de soif belle
Aucune nuit ne peut éteindre les étoiles qui s’embrassent
Torche sublime et force parfaite
Qui prennent racine dans la graine close du plaisir
Nous en sommes la matière
L’élément nourricier
Que l’univers grignote pour mieux l’agrandir
J’ai collé mon oreille contre ton sexe
Et j’ai entendu gronder et rugir l’intensité
Par la bouche des volcans
A force de t’arracher aux danses des reptiles
J’ai dénudé la colonne de lumière
Qui s’élève
En toi
Par toi
Hors du quotidien en poignées d’étincelles
Suffocante fureur
Qui m’étreint à distance
M’éclate et me rassemble
Me déferle
Comme un spacieux vertige
Serait-ce que le feu pleure
Nous en sommes façonnés
Feu effrayant et si complice
Feu où nous engouffrons comme dans un guet-apens
Feu qui nous ressuscite
A chaque révolte des reins
Feu innocent et très pur
Accorde-nous l’extase des grandes messes
Et ce nourrir qu’offre la nudité
Et ce mourir de tout ce qui nous porte au rouge
L’amour levé
Comme un printemps immédiat et vorace
Une brûlure
Un brûlis
Un tison d’arrière-saison
Une mer rouge qui s’ouvre devant ton armée
Et fait fondre un midi tapissé de scorpions fous
De nos îles sifflantes
De nos îles-sérénades où conspirent les amants
Je recueille les tessons éclatés d’un feu torrentiel
Le tremblement vert des lianes
La bonne sangsue du songe
Et nos corps perdus
Tordus
Répandus
Jaillissant de la gaine illuminée des arbres endormis dans leur berceau de flammes bues
A corps perdus
Le brasier cisèle
A vif
Sous le sabot des flammes
Un serpent joueur
Qui inaugure un soleil de fin du monde
Plus juste
Plus vrai
Forêt déferlante lâchée dans le ventre des danseurs
Notre amour est humble
Il porte la traine d’un ciel brûlant
Il torture nos reins
Maitresse du bal
Maitresse de la noce
Par les deux bouts de l’humain
Notre amour se consume
Par les deux bouts

Ernest Pépin
Faugas/Lamentin
Mercredi 03 Octobre 2012

 Viré monté