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Sur «Partition Noire et Bleue»
de Monchoachi

Jacques Josse

Revue Remue-net

 

 

 

 

 

Partition noire et bleue, Monchoachi • 2016 • Obsidiane • Collection Les Solitudes •
ISBN 978-2-916447-6-74 • ? pages • 17 €.

Partition Noire et bleue

«Longue cascade de sons, / La voix parle comme le tambour», Monchoachi

Le poète martiniquais Monchoachi continue d’explorer la vitalité et la profondeur de l’héritage africain. C’est l’extraordinaire fonds – en partant des rituels et des mythes – du continent noir qu’il sonde et magnifie dans ce second volume du cycle poétique Lémisté. Conçue en huit parties, cette nouvelle partition interroge les mystères, les traditions, les mémoires en sachant que les réponses ne viendront pas uniquement de la parole des seuls êtres humains. Les plantes, les pierres, les animaux, les éléments et les astres ont également leur mot à dire. Tout comme les morts. Qui ne le sont jamais tout à fait et qui parlent (en un langage approprié) à qui sait les entendre.

«Les paroles claires marchent devant nous,
les paroles claires sont nos ancêtres,
les paroles sont nos enfants,
elles nous regardent de derrière:
nos enfants sont nos ancêtres.»

L’axe premier de sa quête est la voix. «Voix des sans-bouches qui sourd des rhombes, / Voix qui court sur les eaux, ébranle la montagne.» L’écoute est essentielle. La collecte des sons, des chants, des contes ne peut se concevoir sans que s’en suivent interprétation et transmission. Il s’intéresse parallèlement à ce que peuvent dire les danses et les masques. Il lui faut tout capter, être totalement disponible. En accord permanent avec la nature. C’est elle qui filtre l’essentiel. Elle qui donne parole à l’eau, aux racines, aux vents et aux esprits. Elle que l’on célèbre dans des cérémonies que Monchoachi parvient à restituer. C’est ainsi qu’il emporte, embarque son lecteur en se donnant totalement, entre transe et incantation, dans un véritable corps à corps avec son poème.

«Mâle le feu qui ravage, fimelle l’eau qui rafraîchit
Mâle l’eau du ciel, fimelle l’eau de la terre
Mâle l’eau-semence de l’animal mâle,
Fimelle l’eau semence de la belle,
Mâle le ciel du sommet (...)
Fimelle la terre qui s’ouvre à la semence,
Mâle l’oiseau qui se perd dans l’éther, l’esprit de la brousse,
Fimelle le coquillage nacré, le poulpe»

Il manie la langue avec une rare virtuosité. Ne laisse aucune sonorité au hasard. Si un mot, ou une expression, en créole permet de donner plus de vitalité et de percussion à son poème, il n’hésite pas. Le chant doit être intense et rythmé. Il doit porter en lui le souffle de présences visibles et invisibles qui ont l’habitude de communier ensemble en ne se payant jamais de mots mais en donnant toujours beaucoup de sens à ceux qu’ils emploient.

«Que le corps magique chamantise le murmure
Qu’il laisse river le monde
Que les étoiles infatigables le convoient.»

boule

 Viré monté