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Jé-a bout konyéya?

Monchoachi

15 février 2009

Ce vendredi 13 février 2009 Alfred Marie-Jeanne demande l’arrêt du mouvement social. La population souffrirait trop des gênes dues au mouvement social. Une semaine que cela dure et c’en serait trop. La Guadeloupe, elle,  est dans sa quatrième semaine de mobilisation. Plus mobilisée que jamais. Plus déterminée que jamais. Mais une semaine en Martinique, c’est bon, fini épi sa. Comme ça, on laisse tomber blo nos petits camarades guadeloupéens? On pourrait «arrêter le mouvement et continuer les discussions» dit Alfred Marie-Jeanne. Où a-t-on jamais vu cela? Quel drôle de général que voila! Se démobiliser pour négocier!!! En somme Alfred Marie-Jeanne appelle à un moratoire. A chacun son moratoire, et au bout la reconnaissance, la gloire. L’histoire en Martinique semble une éternelle répétition, attendu qu’elle est mue jusqu’à ce jour par le complexe de la reconnaissance. Marc Pulvar doit se retourner dans sa tombe qui avait perçu cette dérive du mouvement patriotique.

Car il y a belle lurette que le MIM a déserté le front social pour s’installer dans les institutions et gérer. Gérer au mieux. Gérer sans inspiration, sans imagination, sans fulgurance, sans insolence, ne pas tenter d’écart, ne rien explorer d’original dans aucun domaine, gestion ennuyeuse et grisâtre. Surtout éviter de se faire taper sur les doigts.

Dès le début du mouvement social, les hésitations des dirigeants du MIM étaient patentes : ce mouvement était malvenu, hors de propos, malsonnant. C’est toujours un peu comme ça avec le peuple, il s’invite, il débarque à l’improviste, au moment où on l’attend le moins. Il dérange. Justement, au moment où l’on s’apprêtait à s’occuper de «choses sérieuses»: la modification du statut. Passer de DOM à TOM, la constitution française le permet. Reste gentil. Et voilà que ce mouvement social arrive, comme pour bouleverser les plans établis. Il risque d’apeurer une partie de la population, de la retenir le moment venu de «bien» voter. Alors une journée de grève à la limite, ça peut aller, mais point trop non plus. Alors faire mine d’accompagner pendant un temps le mouvement, de le soutenir, pour mieux le saboter. Cela donne le droit d’appeler à la Raison. Ha! Foutue Raison!

Il faut arrêter. Une semaine d’atroces privations, la population souffre. La souffrance de la population martiniquaise après une semaine de menues gênes. Ça tombe bien, Méranville vient lui aussi d’appeler à mollir, «la population souffre». Parlant souffrance, Méranville est dans son rôle, il est évêque de la Très-sainte-Eglise-Catholique-Et-Apostolique-Romaine. La souffrance, c’est son rayon, c’est Jésus sur la croix. Mais à cette aune, Marie-Jeanne pourrait être pape.

Qu’un dirigeant indépendantiste trouve intolérable une semaine de menues gênes causées à la population par un mouvement déclenché en vue précisément d’améliorer le sort de la dite population, en dit long sur le degré de résistance qu’il est en mesure de conduire. Même de résistance pacifique, non-violente, mais toute résistance à l’évidence entraîne désorganisation momentanée mais bénéfique, désordre passager mais salutaire, perturbations, voire gâchis. L’on n’avance pas sans gaspiller de l’énergie.

L’on se perd à songer à ce qu’ont de dérisoire nos menues gênes comparées aux sacrifices consentis par, disons le peuple vietnamien dans sa longue lutte pour l’indépendance et la liberté. Disons, pour aujourd’hui, le peuple palestinien.

Mais un mouvement social et une résistance qui durent sont avant tout occasion inespérée de construire autre chose, d’appendre à vivre autrement, de faire preuve de créativité. Tenez ! D’apprendre à produire et à consommer autrement. De se retrouver et de se parler; de parler non seulement de salaires à augmenter, mais de la façon de Nous vivre Nous-mêmes hors des dispositifs importés qui nous encadrent dans l’éducation, le travail social,  la façon de circuler, la façon de nous  nourrir, de nous habiller  et d’habiter. C’est toute cette richesse qu’apporte un mouvement qui dure et l’on aurait tort de n’y voir que les menues gênes apportées à notre ordinaire. Ou alors tant mieux, puisque c’est cet ordinaire, ce petit ordinaire, précisément qu’il s’agit de changer.

Alfred Marie-Jeanne a choisi de chercher de petits arrangements. A un moment où la colonisation par le peuplement que nous subissons exige des ruptures: Matinik sé ta nou, Matinik sé pa ta yo. Dans une époque qui appelle urgemment une réforme profonde de nos manières de penser et de vivre.

Le, 15 février 2009

Viré monté