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Khokho
Joseph René-Corail

Introduction

Renée-Paule Yung-Hing

 

 

 

 

 

 

 

Photo Jean-Guy CAUVER.

Khokho

 
Il y a dix ans disparaissait Joseph René-Corail.

Homme-colère
Homme-volcan
Homme-cratère
Homme-amour
Homme-action
Homme-passion
Homme-identité
Homme-engagement

La Martinique a inspiré Corail. Il n’a eu de cesse d’en exprimer les paysages, les gens, les mœurs, les tragédies. Ses créations, aux orientations plastiques multiples, ont été une arme au service de l’affirmation identitaire qu’il souhaitait pour son peuple. Parce que la culture de Martinique subissait l’écrasement de la puissance coloniale, il est allé chercher dans les tréfonds de ce pays, des repères, des signes, des valeurs propres à ce dernier (mais aussi des hardiesses nouvelles), qu’il va exhiber, glorifier.

Des milliers de lignes, des dizaines d’articles ont tenté d’expliquer, de raconter ce Martiniquais hors du commun. Et bien d’autres écrits lui seront encore consacrés.

Mais cette profusion, parfois anecdotique, n’a pas évité que l’artiste de tous les superlatifs, qui a tenté de réveiller nos sensibilités esthétique et politique (avec l’insolence, la verve endiablée qu’on lui connaissait), reste relativement – étonnamment – oblitéré dans notre présent culturel. Malgré les efforts qu’il déployait pour nous ouvrir les yeux, et bien qu’il n’ait jamais cessé d’habiter notre mémoire collective, le legs qu’il nous a laissé est aujourd’hui menacé.
Menacé (nombre de ces œuvres, aujourd’hui abandonnées, se délitent) parce qu’on ne prend pas suffisamment la mesure de cet héritage. Et malgré le fait que nous ayons toujours su que Corail était important, nous n’avons pas toujours su dire en quoi il l’était et l’est encore.

Cet ouvrage qui lui est consacré a le projet de contribuer à répondre à ceci: pourquoi Joseph René-Corail est-il important pour nous Martiniquais? Pourquoi est-il important pour l’art en général?

Il se veut aussi un témoignage. Témoignage de l’œuvre d’un artiste que d’autres civilisations auraient qualifié de «détenteur d’un bien culturel intangible».

Ce volume offre une histoire de l’insoumission artistique, politique de Corail, un aperçu de ses propositions. La vie et l’œuvre de ce mèt-piès qui a révolutionné l’art en Martinique sont exposés en trois séquences.

La première est consacrée à l’homme et s’organise en plusieurs scènes.

Le rideau se lève sur la vie de Corail, son enfance à Beaufond, aux Trois-Îlets, si chère à ses yeux. Une enfance déterminante pour sa vie d’adulte et d’anticolonialiste. Jean Marie-Louise narre cette période dans le texte «Joseph René-Corail: artiste et militant».

Puis l’itinéraire du créateur dans la Martinique des années soixante-dix à quatre-vingtdix est retracé par Renée-Paule Yung-Hing dans: «L’homme aux fresques exaltées».

Dans la scène suivante, «Saison d’avocats», Gerry L’Étang évoque une rencontre fortuite avec l’artiste, autour d’un féroce. L’élaboration de ce plat par Corail est ici la quête d’une certaine essence de la culture martiniquaise.

«Naissance d’une galerie, souvenirs de voyages» est relaté par Catherine Césaire, qui dirigea la galerie Khokho René-Corail et eut souvent l’occasion d’assister le plasticien dans ses déplacements.

Dans la deuxième séquence: une césure. Corail livre à son ami Laurent Farrugia la plus intime des confessions. À chaque lever de rideau des Mawakif, un exposé de sa vie, où s’entremêlent espérance et joie, angoisses et peurs, déceptions et attentes, entre mythe et réalité. Extraordinaire exploration d’un homme en halte.

La troisième séquence s’intéresse à l’œuvre proprement dite.

Dominique Berthet, dans «L’esthétique dans l’œuvre de René-Corail», analyse la relation du plasticien au lieu, son ancrage au pays et la hiérarchie des choix qui en a découlé.

Suivent les regards croisés d’André Lucrèce avec «Les mythologies animales», et de Philippe Montjoly à travers «Les grandes bêtes taciturnes». Ces auteurs s’attachentà une présentation du bestiaire, thème majeur de l’oeuvre de l’artiste.

Avec «Nom de baptême, Sainte-Croix», Victor Permal, ami de Corail, témoigne des errements et des doutes que ce dernier développait dans ses relations avec le sacré et le politique.

Enfin, Jean Benoist nous promène sur l’océan dans «Bleu de mer et d’outre-ciel». Du bord de mer paisible aux flots déchaînés, la mer de Corail se récite, se décline, du visible à l’invisible, du senti au ressenti. Poème de la relation autobiographique qu’entretenait l’artiste avec un élément naturel qui lui était cher.

Ce livre a été voulu par Alfred Marie-Jeanne. La valorisation de l’identité culturelle du pays martiniquais et de ceux qui y ont œuvré lui paraît essentielle. Elle doit révéler à nous-mêmes, comme à ceux qui nous observent, ce que nous sommes, ce que nous sommes capables d’être.

Renée-Paule Yung-Hing

Christ

Christ (église de Sainte-Thérèse) 1967, Technique mixte, 153 x 153 cm.

boule

Khokho
(Joseph René-Corail)