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Axel Gauvin part en voyage

avec les Bidochon!

 

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Messié-madame Bidochon Dann zot lauto, Binet, trad. Axel Gauvin • Epsilon éditions• 54 pages - 21,5 x 28,5 cm • novembre 2011 • ISBN 978-2-917869-22-2 • 9,50 €.

Bidochon

«Messié-madame Bidochon dann zot lauto» est le premier album des Bidochon en créole réunionnais et la première bande dessinée traduite par Axel Gauvin.

Les Bidochon en créole…  pari tenu! Et pourtant, quoi de commun a priori entre ce couple de Français moyens que forment les Bidochon et la langue maternelle d’une large majorité des habitants de la Réunion? Peu de chose, mis à part la conviction que la langue créole n’est pas – contrairement à ce qui est entendu parfois – réservée à la sphère privée et aux sujets «réuniono-réunionnais» mais qu’elle peut parler de tout…

Cela dit, en y regardant de plus près, des points communs entre le créole et les Bidochon, il y en a plus d’un: l’inévitable salon de l'auto, l’amour excessif pour la carrosserie, les radars au bord des voies rapides… En fin de compte, si ce n'était le béret de Robert Bidochon, on jurerait que ce texte a été écrit spécialement pour l'automobiliste réunionnais!

La série de Binet

La série «Les Bidochon» a été publiée à partir de 1979 dans Fluide glacial. Elle trace le portrait satirique de Robert et Raymonde Bidochon, un couple de Français moyens dont le quotidien est fait de petits travers et influencé par la société de consommation. L'album «Les Bidochon usagers de la route» a paru en français en 1988.

Axel Gauvin et l’écriture du créole

Président de l'Office de la langue créole, Axel Gauvin tente d'aider au développement de l'utilisation du créole dans la société réunionnaise, dans le cadre du bilinguisme français/créole. Il essaie de valoriser les atouts du créole, sa simplicité et sa souplesse qui en feraient un outil à haute valeur poétique et facile à employer. Cela passe par l'élévation des sentiments linguistiques pour la prononciation du créole et la prise en compte des compromis qu'impose le cadre bilingue à la transcription de cette prononciation.

Dans cette perspective, Axel Gauvin élabore une graphie qui tente de tenir compte des variétés phonologiques du créole et de sa lisibilité. «Je sais que cela heurte le besoin d'identité de nombreux Réunionnais, affirme-t-il, mais si ces quelques recours à l’étymologie constituent la solution pour que notre écriture soit lue, il n'y a pas à hésiter. D'autant plus que c'est dans les tournures réunionnaises, sa grammaire, son vocabulaire que se trouve la véritable originalité de notre langue. Ce sont ces derniers que nous devons cultiver.»

L’éditeur

Depuis 2005, Epsilon BD publie en français des bandes dessinées d’auteurs réunionnais. En parallèle, Epsilon édite les classiques de la bande dessinée franco-belge en créole réunionnais: Tintin, Lucky Luke, Spirou, le Petit Spirou, Boule et Bill, Gaston, les Bidochon, … Epsilon édite aussi des albums ludiques et éducatifs destinés aux jeunes enfants, qui font la part belle aux notions de tolérance et de citoyenneté.
A découvrir sur Epsilon éditions.

Bidochon

Pour que notre langue soit lue

En matière d'écriture du créole réunionnais, un fait est incontestable: toutes les façons d'écrire notre langue ont été utiles à un moment ou un autre. Elles ont permis la transmission de textes, de documents qui sans elles auraient été perdus; elles ont encouragé la création littéraire et artistique.

Cela dit, toutes ont montré leurs limites:

  • Dans le contexte actuel où la reconnaissance des créoles comme langue est acquise, l'écriture francisée, en essayant de faire entrer notre créole dans un moule créé pour une autre langue, n'est plus acceptable;
     
  • Les trois autres, basées sur l'écriture des sons – lékritir 77, la KWZ, l'écriture 2001 (Tangol) – ne sont pas non plus réellement fonctionnelles: des tests menés avec toute la rigueur scientifique possible, montrent que les difficultés de lecture, même pour des personnes ayant des années de pratique sont supérieures à celles de la lecture du français.

La cause essentielle de ces difficultés vient de l'idée qu'il suffit de noter les sons d'une langue pour l'écrire. Cette idée est fausse: l'écrit n'est pas né de l'oral, il ne met pas en jeu les mêmes mécanismes mentaux. La notation des sons est certes un moyen pour arriver au sens, mais à lui seul, il ne suffit pas toujours. Il est prouvé – voir en particulier les écrits de Charles Perfetti et Stanislas Dehaene – que la première étape de la lecture (qui est inconsciente, involontaire, automatique) exige la reconnaissance directe, immédiate du mot.

Deux conséquences sont à tirer de cela:

  • La première: pour le créole réunionnais, toutes les écritures qui n'imitent pas celle du français nécessitent un apprentissage;
     
  • La deuxième: deux mots de sens différents qui s'écrivent de la même façon (mots homographes) ne peuvent être reconnus directement. Ils exigent le recours au contexte.

Or, comme le dit Alain Bentolila: «Les travaux menés notamment par Perfetti montrent de façon très convaincante que se sont les mauvais lecteurs qui se servent du contexte pour reconnaître les mots, alors que les bons lecteurs n’y ont pas recours. Il explique ce constat par le fait que chez les bons lecteurs les mécanismes de décodage sont très rapides, ce qui fait que “le contexte arrive trop tard“; par contre, les mauvais lecteurs décodent lentement et le contexte arrive alors à temps pour leur fournir l’aide nécessaire.»

Certes, dans de nombreuses orthographes, ces homographes existent, en français par exemple. Dans bien des cas, ils ralentissent la lecture… d'une façon supportable puisqu’on s'en accommode. Pour le créole réunionnais l'abondance de ces homographes, la diversité de leurs natures et de leur fonctions, les positions stratégiques qu'ils occupent souvent, les rendent insupportables dans leurs conséquences sur la lecture.

Il faut donc distinguer, autant que faire se peut, les mots les uns des autres. Quelquefois un simple tiret suffit: Boug-la, et le «la» démonstratif, quitte la foule des autres «la». A l'opposé, dans certains cas, seul un appel à l'étymologie offre une solution «culturellement acceptable»: le temps, lauto, ça.

Je sais que cela heurte le besoin d'identité de nombreux Réunionnais, mais si ces quelques recours à l’étymologie constituent la solution pour que notre écriture soit lue – et c'est ce que j'ai fait dans «Messié-madame Bidochon dann zot lauto» – il n'y a pas à hésiter. D'autant plus que c'est dans les tournures réunionnaises, la grammaire réunionnaise, le vocabulaire réunionnais que se trouve la véritable originalité de notre langue. Ce sont ces derniers que nous devons cultiver.

Pour le reste de l'écriture utilisée, j'ai choisi, à peu de choses près, l'écriture des traductions des albums de Tintin publiés par le même éditeur, écriture adoptant elle-même l'essentiel de l'écriture 2001 (Tangol), la plus élaborée, et surtout la plus tolérante de toutes nos écritures.

Axel Gauvin

 

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