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Poème du décours

Robert Berrouët-Oriol

Lauréat de poésie
Prix Ouessant du livre insulaire 2010

 

 

 

 

 

 

Poème du décours, Robert Berrouët-Oriol • Éditions Triptyque
ISBN 978-2-89031-671-3 • 93p • 16 $ CAN

Poème du décours

Il nous a produit ici une poésie très originale.

Par le sujet universel qui met en avant la devise de Julia Kristeva: - «Je vis avec de désir de sortir de moi ( …).» Sortir de l’île en chacun de nous donc. Tout cela dans une tonalité pudique, délicate mais lourde de sens. Il découvre que les mots ont une mission : nous réapprendre à vivre –

Une poésie originale par la forme aussi.  Des paragraphes libres qui juxtaposent les mots sans aucun signe de ponctuation.

Cette absence de ponctuation ouvre justement la lecture: tout est dans la sonorité et le rythme, que chaque lecteur veut imprimer à chaque paragraphe chargé d’images. Ce lecteur a alors l’impression d’avoir acquis la liberté qui corrige sa fragilité d’île.

Un petit passage pour le plaisir de la lecture à voix haute:

«L’amphore posée à l’invite des lèvres j’ai mis la table aux couleurs des cinq saisons de l’Age selon la tradition d’Edmond l’aïeul y puiser gisements nouveaux étonné de mes cicatrices est affaire de présages ou de vanité dis-tu puisque marcher à l’aube parallèle de mes artères brûlant icônes de ma nuit (…) je risque enfin de faire décompte de mes lampes en aller simple vers moi-même» (p. 60)

Dans une langue finement travaillée où rythmes et sens s'accouplent et se télescopent sur plusieurs registres, ce livre interpelle la figure emblématique d'Angélique, négresse esclave et rebelle qui, en 1734, fut accusée d'avoir incendié Montréal et pendue au terme du plus important procès tenu sous le régime français en Nouvelle-France. Il nous invite à voir, dans le plissement musiqué du poème en prose, une originale métaphore de la géographie des corps souffrants et morcelés comme lecture de nos passions, sorte de grammaire du désir, de l'absence et des migrations urbaines modernes.

[extrait]

toutes marges ourlées au front de mer moquant la houle
qui vrombit en ses crêtes ses cathédrales raillant aussi les
amulettes grosses de présages à refaire sans doute en vain
le tour des mappemondes je reviens vers mon quai d’attache
arceau lové à geste comptée tu sais si j’ai traversé bien des
frontières c’est qu’on les disait interdites de séjour à la soif
des rétines et mon ultime voyage vers moi vers cette île
banquise que je porte dans ma tête aura été tracé
par décours de mes lampes

 

« (…) la poésie de Robert Berrouët-Oriol (…) donne l'immense plaisir d'un langage opulent, presque gastronomique. (...) En fait, le livre ramène à la mémoire la figure d’Angélique, (…) elle est toutes les femmes caraïbes, l'essence même de la passion du feu érotique (…) Mais il y a plus, car le poète s'attarde à la modernité des rapports humains traversés, maintenant, de mille octets, de courriels «distanciateurs», de désirs de paroles entendues dans l'oreille. (…)» - Hugues Corriveau, journal Le Devoir, Montréal, 6 février 2010.

 

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