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Agaléga
Petite Île

R.P. Roger Dussercle

Agaléga
Agaléga

Agaléga - Petite Île • R.P. Roger Dussercle • Édition du Hecquet • Les Jamalacs, Rue du Vieux Conseil, Port-Louis, Maurice • 2006 • ISBN 999492210-6

Le R.P. Roger Dussercle, C.S.Sp., (30.12.1902 — 6.4.1975) est ordonné prêtre à Chevilly en 1926. L'année suivante, ce missionnaire spiritain reçoit son affectation à Maurice où il exerce son apostolat sacerdotal jusqu'en 1950.

Il sera tour à tour vicaire à Mahébourg et curé de St-François-Xavier et de Saint-Jean. Fin musicien, il compose plusieurs Messes solennelles, Requiem, Te Deum, exécutés avec chorale et orchestre lors de diverses cérémonies officielles. Il collabore régulièrement à La Vie Catholique, hebdomadaire fondé en 1930.

A partir de 1933, il effectue, chaque année ou presque, des tournées apostoliques dans nos îles lointaines, qui nous valent tous ses livres sur les Chagos et sur Agaléga. Il rédige aussi un recueil de Contes de ma Normandie (le nom de son kiosque à son presbytère portlouisien). On lui doit aussi une biographie de la fondatrice de la Congrégation des Filles de Marie, un petit catéchisme en créole et un «Manuel de Littérature Française».

Cette 2e édition de son Agaléga petite île reprend le texte de l'édition originale de 1949. Les rares modifications sont dues à quelques corrections d'orthographe et à l'édulcoration de quelques termes, moins acceptés aujourd'hui qu'à l'époque.

Agaléga

INVITATION

Chers Lecteurs, je vous convie encore une fois à un voyage aux Iles. Aujourd'hui, cependant, je ne vous emmènerai pas à travers ces vastes déserts écumeux des Chagos où s'égrènent Diégo Garcia, Péros Banhos, Salomon, les Six Iles et l'Ile d'Aigle au terrifique souvenir...1

C'est un peu plus près que nous irons: à 580 milles de chez nous, à Agaléga... Agaléga... Edénique jardin au sein de l'océan, terre tranquille et reposante, sans cesse caressée par la brise marine qui se joue dans les palmes de ses hauts cocotiers, et sans cesse bercée par la vague qui lutine ou plus souvent se fâche sur les coraux du rivage... Agaléga... dont la visite chaque fois m'a rempli d'un charme sans pareil, mais aussi qui me laisse, à chaque retour, dans une nostalgie complexe et indéfinissable où s'allient intimement des souvenirs de simplicité et rusticité, d'immensité, de bien que l'on a conscient d'avoir opéré... et de regrets — le séjour est si bref — le tout enveloppé comme dans une atmosphère morale qu'une brise subtile maintiendrait en haleine au-dessus de nos âmes terrestres assoiffées d'infini...

Amarrée au quai de Port-Louis, la Diolinda nous attend... C'est une toute petite goélette latine à trois mâts, ne jaugeant pas plus de 95 tonneaux, aux lignes suprêmement fines, à l'élégante coupe, si coquette et si fière surtout lorsque sa voiture, large éployée comme des ailes, s'argente de soleil. Quand elle file sous le vent, on dirait un envol de mouette ou de goéland. Avec une grâce exquise, elle entre dans la vague. Point de heurt: ce n'est pas l'animal qui se cabre; mais, docile, un peu comme le poète, elle suit, elle poursuit l'inspiration; et c'est avec une souplesse douce qu'elle invite la vague à la laisser passer, à la prendre, à l'emporter. Elle ne commande pas à la vague; elle l'engage. Et cette étroite entente entre la vague et elle, accompagnée de l'haleine parfumée de la brise qui chantonne, fait comme une chevauchée jumelle aux galops feutrés sur des tapis de mousse. Et si, parfois, guidée par la main inhabile d'un novice à la barre, son étrave brusque un peu le bercement du flot, le flot rit en écume tissée aux couleurs du prisme...

Mais que l'océan s'avise de changer sa calme majesté en révoltes furieuses; que les rouleaux des vagues s'entrouvrent en abîmes, et que les moutons blancs se muent en chevelures de sorcières shakespeariennes; que la brise se mette à souffler en tempête; que le vent s'engouffre avec brutalité dans la voile arrondie, et que son cri dans les cordages ressemble aux sifflements aigus de serpents excités; alors elle devient le "stormy bird", l'oiseau tempête que l'on rencontre aux approches de l'orage, caracolant d'un gouffre dans un autre, mouillant son aile aux embruns qui éclatent, et qui, insouciant de la colère des flots, casse l'espace, brise le vent, nargue la vague, cavale marine indomptée.
A la coupée, le Capitaine Voss nous tend une main engageante... Une bonne figure de capitaine anglais, aimable, affable au possible, d'un type nordique parfait, dont les yeux profondément bleus semblent refléter l'immensité du ciel et de la mer par une journée magnifique... comme celle-ci, par exemple, où, sous l'impulsion d'un bon vent de sud-est, nous n'avons qu'à mettre le cap sur le nord et nous laisser glisser.

Le moteur auxiliaire va nous permettre de sortir sans retard de la rade de Port-Louis; et, très crâne, la Diolinda prend le chemin de la haute mer. Doucement, régulièrement, le petit coeur mécanique lui assure une marche paisible; et lorsque nous sommes près d'arriver à la bouée qui marque la limite du port, les ailes blanches se déploient, offrant leurs grands carrés de toile à la caresse simultanée du soleil indulgent encore aux heures premières de la matinée, et de la brise légère.

Tout près de nous, car nous suivons la côte pour monter vers les Iles Plate et Ronde avant de gagner le champ libre et vaste de l'océan, le rivage mauricien, discrètement ourlé d'écumes aux créoles langueurs, déroule sa féerie dans la verdure déjà lumineuse de ses cocoteraies d'où émergent les cimes pointues des filaos plus sombres. Et c'est comme une dentelle finement découpée sur le fond rapproché des montagnes dont les crêtes, sous des moiteurs qui s'amenuisent en volutes d'argent, commencent de briller.

Très légère, la brise... car nous sommes encore sous le vent de Maurice. Mais, le moteur aidant la voile, nous...

  1. Voir mes précédents ouvrages
    .
boule

ENCYCLOPÆDIA Mauritiana : Agalega Islands

Histoire de l'église catholique à Agaléga.

Le peuple d'Agaléga est victime d'un véritable génocide! par J-M Labour.

Viré monté