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Cadavres marassas dans Rue des Pas-Perdus de Lyonel Trouillot Kathleen Gyssels Article paru dans «Bücher», Supplément du
Rue des Pas-Perdus, Lyonel Trouillot • Actes Sud • 1998 (2002) • |
Nous sommes à Port-au-Prince, ville infectée par une violence quotidienne, d'une pauvreté aveuglante, d'une corruption insoutenable. Depuis la nuit des temps, la littérature haïtienne explore les "maux du pouvoir", essayant de résister à ceux-ci par "les mots de pouvoir", selon le célèbre titre du critique et du professeur haïtien Jean Jonassaint (1983). Mais depuis longtemps, on ne lisait rien d'une manière à la fois si crue et vraie, si réaliste que très peu fictive...
Résumé de "Rue des pas-perdus"
Ils sont trois à raconter " la nuit de l'Abomination " - nuit mi-fictive, mi-réelle - lors de laquelle l'histoire récente d'Haïti revêt des allures d'apocalypse.
C'est la vieillissante tenancière d'un bordel qui la première prend la parole: véhémente, ironique, désespérée, elle mêle à sa chronique imprécations et prophéties, dénonçant la corruption, citant les noms des acteurs et des victimes de la boucherie permanente dont l'île est depuis trop longtemps le théâtre. A la fois mémoire et oracle, elle tient le registre et l'état civil de la catastrophe.
Dans une maison retirée, chez un intellectuel, on écoute la radio, on s'inquiète, on débat encore.
Mais cette nuit-là, le jeu des controverses politiques - et amoureuses - risque bien de ne plus faire le poids.
La troisième voix est celle d'un chauffeur de taxi, heureux possesseur d'une Toyota - sa raison de vivre et sa fierté. Cette nuit-là, il va perdre son client, sa voiture et sa jambe gauche.
Avec rue des Pas-Perdus, Lyonel Trouillot a, dit-il, écrit un " livre d'humeur ". S'élevant contre la lutte sans merci que se livrent les derniers représentants de la dictature et les tenants d'un nouveau populisme rivalisant pour exploiter à leur seul profit la "rage" des laissés-pour-compte, l'écrivain donne à entendre, à voir, à ressentir - et à comprendre - ce qu'il en est d'un pays laminé par l'irresponsabilité criminelle de ceux qui reconduisent sans trêve la logique de la violence.
Généreuse, libre et sûre, dotée d'un souffle impressionnant, la langue de Lyonel Trouillot ébranle, surprend et bouleverse dans sa manière saisissante de substituer à une information prédatrice un lyrisme radical seul à même de rendre justice à l'infini de la souffrance.