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Le séisme fait ressurgir des cauchemars qui ne datent pas d'hier 29. mars 2010 |
Palpitations, maux de tête, crises d'angoisse: les blessures infligées aux Haïtiens par le séisme du 12 janvier sont aussi psychologiques. Et souvent anciennes. Car le traumatisme a fait ressurgir chez certains des expériences cauchemardesques, vécues bien avant la catastrophe.
Du haut de ses 28 ans, la psychologue haïtienne Djenane Marhlen Jean Charles est aux avant-postes de la bataille contre ce mal insidieux.
D'un calme olympien, le Dr Jean Charles est à la tête d'une équipe de psychologues de l'ONG Médecins sans Frontières (MSF) installée au Club de golf de Pétionville, dans la banlieue de Port-au-Prince, qui accueille 40.000 réfugiés.
"Beaucoup de gens ont peur de revivre le séisme", dit-elle. Les maux de tête, crampes d'estomac et autres palpitations sont les symptômes qu'elle et ses collègues observent le plus souvent.
"Ceux qui ont perdu des membres de leur famille ou des amis se sentent coupables parce qu'ils ne sont pas morts avec eux ou parce qu'ils pensent ne pas en avoir fait assez pour les sauver. Et puis beaucoup d'autres n'ont pas vu les cadavres de leurs proches. Dans ces conditions, il est très difficile" de surmonter la douleur qu'engendre la perte d'êtres aimés, explique le Dr Jean Charles.
Il y a ceux, totalement dépassés par les événements, qui n'arrivent pas à se représenter l'avenir. Ceux qui ont tout perdu et ne savent pas combien de temps ils devront passer dans le camp.
Et c'est sans compter les contingences matérielles auxquelles sont confrontés tous les réfugiés. Les Nations unies ont beau se démener pour tenter de les ramener chez eux; bien souvent ils n'ont aucune idée de la suite des événements, tout simplement parce qu'ils attendent d'être pris en main.
A cela s'ajoute les conditions de vie dans le camp.
Amnesty International met notamment en garde contre les risques de viol. Dans un rapport publié la semaine dernière, l'ONG estime que "des milliers de femmes vivant dans des camps provisoires risquent d'être victimes de violences sexuelles".
"La violence à caractère sexuel est très présente dans les camps où vivent certaines des personnes les plus vulnérables du pays", estime la chercheuse Chiara Liguori qui a participé à la rédaction du rapport.
Le Dr Jean Charles dit n'être au courant que d'un seul cas de viol perpétré dans le camp de Pétionville.
Mais chez certains, le traumatisme engendré par le séisme fait ressurgir de vieux souvenirs.
Lors d'une consultation, une jeune fille, a éclaté en sanglots à l'évocation des viols et des coups infligés par des membres de sa famille bien avant la catastrophe du 12 janvier.
"Elle est revenue et a commenté notre première rencontre en disant qu'elle était très reconnaissante et soulagée d'avoir enfin pu parler avec quelqu'un. Elle continue de venir", explique le Dr Jean Charles.
Pour que cette jeune fille ne soit pas la seule à se libérer de son poids, les médecins de MSF sillonnent les camps armés de haut-parleurs et d'affiches pour inciter les Haïtiens à venir les voir.
Et cela marche, à en croire Katarina Brock, qui travaille dans un hôpital de MSF à Cité Soleil, l'un des innombrables bidonvilles de Port-au-Prince.
La psychologue mise sur la thérapie de groupe.
"Lorsque certains ont des cauchemars qui se nourrissent d'expériences traumatiques, ils sont heureux d'entendre qu'ils ne sont pas les seuls à avoir ces problèmes. Ils prennent conscience qu'ils ne sont pas les seuls à perdre les pédales", explique Katarina Brock.