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Brève Esquisse historique de l’évolution
des institutions universitaires en Haïti

Leslie F. Manigat

Mars 2010

Notes préparées pour donner une information rapide aux membres du Comité international de soutien et d’appui ȧ l’Université d’Haïti sinistrée après l’horrible tragédie du séisme du 12 janvier 2010.

Il s’agit des institutions universitaires haïtiennes à reconstruire, modernes voire exemplaires, au niveau qualitatif des exigences du système éducatif de l’enseignement supérieur en fonctionnement comme modèle de ce qu’est une université dans le monde académique  contemporain. Haïti ne doit pas perdre cette triste opportunité de l’horrible tragédie du séisme du 12 janvier 2010 et, dans cet esprit, un rappel de l’histoire des institutions universitaires haïtiennes peut servir à comprendre les problèmes du passé et ȧ mettre en perspective  les nouveaux  impératifs de changement

Les institutions universitaires ont pris naissance en Haïti dans le contexte de la fin des guerres Napoléoniennes quand l’Europe des traités de paix de 1814-1815 va organiser l’Occident selon un nouvel ordre mondial avec les congrès dits de Vienne sous la houlette de Metternich d’Autriche, avec l’hégémonie de l’Angleterre et de la Russie alors symbolisée par la lutte de l’éléphant (russe) contre la baleine (anglaise). Un concert européen sous le directoire des grandes puissances a alors équilibré le système mondial (balance of power) qui va assurer une période de paix en Europe pour cinquante ans, un demi-siècle.

Les institutions universitaires haïtiennes ont pris naissance dans ce contexte marqué par la conjoncture de 1814-1816. au temps du Roi Christophe en relation, d’un coté, avec l’Angleterre des Wilberforce et Clarkson (Christophe avait des relations épistolaires suivies avec Wilberforce et surtout avec Clarkson, la correspondance avec ce dernier a fait l’objet d’un fort volume publié ȧ Stanford University, Californie) et de l’autre avec la Russie du tsar Alexandre Premier (avec lequel Christophe a inauguré des rapports écrits par l’intermédiaire de Clarkson qu’il a expressément mandaté, en bonne et due forme, pour le représenter auprès du Tsar de toutes les Russies entre 1816 et 1820 en vue de la reconnaissance diplomatique d’Haïti).

C’est en 1816 que Christophe commence en grand, une politique d’éducation nationale et de promotion culturelle qui a été pour lui ce que sera pour Bismarck «une lutte pour la civilisation» contre le clergé allemand et la religion catholique, au nom précisément de la «civilisation», le Kulturkampf. Christophe a été, en effet, dans notre histoire,  le grand «civilisateur» avec son régime et son programme d’éducation nationale et de promotion culturelle sous l’égide du «despotisme éclairé», faisant jouer aux philosophes philanthropes anglais Wilberforce et Ckarkson ses conseillers et précepteurs, le rôle de Diderot et de Condorcet, conseillers et précepteurs de Catherine de Russie et de Joseph II. Il s’est aidé, a cette fin, de la coopération avec l’Angleterre en lui demandant une assistance technique dans le domaine des maitres, des méthodes et des sciences de l’éducation, assurant lui-même le coût financier intégral de toute cette assistance technique.

C’est ainsi que le Roi Henri Premier d’Haïti a établi les premières institutions universitaires haïtiennes à partir de 1816, quand il aura accumulé les moyens de cette politique avec l’essor  de la prospérité  de son royaume.

D’abord, une conception d’ensemble pour l’Université comme une entité et non comme des unités dispersées, éparpillées, les anglo-saxons diraient «piece-meal», en pièces détachées. L’idée d’institutions universitaires avec des fonctions d’un corpus  logé dans un véritable campus embryonnaire  s’est réȧlisée à Sans-Souci. Les Facultés et les Écoles Supérieures avec des chaires d’enseignement (avec leurs titulaires) des lettres, des sciences, des professions  libérales, notamment la médecine, les sciences de l’éducation, les sciences biologiques dites alors «naturelles» à la tête desquelles la chaire d’anatomie se distinguait avec son laboratoire spécialisé,  les arts comme la peinture (Une académie de peinture), les sciences humaines et sociales en tête desquelles l’histoire, tenait lieu de laboratoire pour  les sciences politiques, et la religion pour les sciences morales. L’anglais, avec ses ressources de la civilisation anglo-saxonnes (la conception christophienne dans sa modernité, ne séparait pas la langue et la civilisation) comme étalon des valeurs à inculquer aux haïtiens pour un changement non seulement de langue, mais aussi de religion, et de culture, réalisant une véritable «révolution culturelle» dans cette ancienne colonie française.

Les institutions universitaires christophiennes étaient intégrées au sommet d’un enseignement aux trois niveaux primaire, secondaire et supérieur par une Chambre Royale d’Instruction Publique, avec son chancelier, ses dignitaires et ses inspecteurs des trois branches. L’Almanach Royal plaçait individuellement et nommément les dignitaires dirigeants de la Chambre Royale d’Instruction Publique, chacun à sa place sous l’autorité de De la Taste comme président, de De Dupuy comme vice-président et de De Vastey, comme Secrétaire. L’imprimerie royale de Sans-Souci publiait les ouvrages de ce qu’on peut appeler les Presses Universitaires d’Haïti comme ce Manuel d’inspiration anglicane , de théologie, édité à Sans-Souci, sous la forme d’un livre bilingue (français-anglais)  en usage dans les écoles christophiennes. Enfin, il est à noter que l’assistance technique et la coopération étrangères (exclusivement britannique) devaient placer l’Haïti de Christophe dans le concert des nations de la civilisation de l’Occident chrétien. C’était l’homme du despotisme éclairé qui avait Frédéric II le Grand comme modèle et ce fut comme symbolique que le palais de Postdam ait été le domaine royal prussien de Sans-Souci comme le palais christophien du même nom comme par hasard. Le tsar Alexandre Premier, disait à Clarkson, au sujet de Christophe, «que c’était plus que surprenant et qu’il était vraiment enchanté de voir un noir surgi au milieu des ténèbres de l’ignorance, fonder un empire nouveau sur les piliers d’une éducation inspirée par des principes chrétiens» et qu’il «espérait voir ce nouvel état rivaliser avec les blancs en tout ce qui était grandet bon».

En apprenant la mort de Christophe, Wilberforce a déclaré: by all standards, he was a great man. Le roi Henri d’Haïti était un CIVILISATEUR.

Telle a été la conjoncture de naissance des institutions universitaires chez nous à la genèse de l’État indépendant d’Haïti par le génie christophien dans le Nord du pays.

Une ombre au tableau: elle date du temps de Boyer. La politique obscurantiste de celui-ci en général et en matière d’éducation et de culture en particulier, a valu à la partie de l’Est, hispanophone, de voir cesser pour un bon bout de temps les activités de l’Université de Santo Domingo, la plus vieille Université des Amériques, orgueil des Dominicains..

Un deuxième moment fort de l’évolution des institutions universitaires en Haïti, après le coup d’éclat fondateur de Christophe, a été la conjoncture de l’avènement de Salomon (1879) à l’occupation américaine de 1915, avec un saut qualitatif a la fin du 19ème siècle et au début de 20ème siècle marqué par la tenue et les prolongements des congrès pédagogiques du tournant du siècle consacrant un renouveau de l’enseignement supérieur fondé sur la rénovation du secondaire dont l’organisateur, le facilitateur et l’animateur a été Windsor Bellegarde, de l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Ce moment fort s’est situé au fort de l’apogée de «la Société Haïtienne de Législation» dont Dantès Bellegarde a écrit  qu’elle était «une véritable Académie des Sciences sociales et politiques».

 C’est la France qui, cette fois, sert d’inspiration et de modèle pour la création des institutions universitaires en Haïti parce que d’une part, la réforme de l’enseignement secondaire a été largement tributaire de la mission française recrutée à Paris par Guillaume Manigat pour le lycée national Alexandre Petion, dans le programme du Ministre de l’Instruction publique François Saint Surin Manigat, lequel a donné le ton à la République des lettres dans ses salons d’Eden Villa et dans  les débats parlementaires au cours desquels «le grand maitre de l’Université haïtienne» exposait ses vues pédagogiques (voir l’évocation de ce lustre intellectuel du moment  dans le livre de Paul Déléage «Haïti en 1886»), sous le gouvernement de Salomon, et d’autre part les diplômés haïtiens des universités françaises revenaient au pays mettre leurs connaissances au service de leur patrie, tout en soignant leur clientèle des professions libérales privées (médecins, avocats, ingénieurs, agronomes, enseignants, fonctionnaires).  Louis-Joseph Janvier est parmi les toutes premières promotions de diplômés de la vite célèbre  «École des Sciences Politiques» récemment fondée à Paris. Janvier, barré de diplômes universitaires,  est non seulement politologue, historien, anthropologue et journaliste, bien introduit dans les milieux parisiens, au point qu’on le choisit pour prendre la parole aux funérailles de Victor Hugo, mais il est aussi diplômé de la Faculté de Médecine de Paris, et diplômé de la Faculté de Droit de Lille, d’où il fignole ses thèses sur la nécessité d’un régime civil en Haïti. C’est le moment où Anténor Firmin rédige et publie sa fameuse monographie sur les problèmes de l’instruction publique en Haïti, dans son livre «Lettres de Saint Thomas», la première analyse scientifique avec le support d’un important appareil de statistiques scolaires de références, mettant le doigt dans la plaie. Audain l’avait dit: il faut «une réforme de notre système d’enseignement public qui substituera à cet édifice lézardé, disjoint, branlant, un édifice nouveau, d’architecture rationnelle, solide et stable, puissant et magnifique». Avec de telles idées fusant de partout, l’essor est donné pour cette seconde flambée des institutions universitaires proprement dites. Frédéric Doret, encore étudiant en génie  dans les années de 1897 à 1900, va devenir un des ingénieurs éminents des premières années du 20ème siècle haïtien.  Le Dr  Léon Audain, diplômé de France, ancien interne des hôpitaux de Paris, est devenu une célébrité médicale. Rentré au pays pour y fonder l’Ecole de Médecine .d’Haïti vite connue pour son art du diagnostic à la française, il se fera une réputation notoire par un genre qu’il aura cultivé avec succès: «l’étude sociale». Il jouera un rôle de premier plan au second congrès pédagogique de janvier 1904 qu’il présidera et clôturera. C’est le genre d’homme-orchestre de «la haute société»  qu’un ministre de l’instruction publique aimait citer, lui que le  Dr  Audain a salué comme «le grand maitre de l’Université haïtienne», titre que se disputait chaque nouveau ministre de l’Instruction Publique depuis Manigat.

L’École de Droit, fermée après une inauguration en grandes pompes sous Geffrard avec l’aura du ministre Elie Dubois, reprend naissance sous Salomon, à la suite d’une initiative  privée qui deviendra étatique comme Faculté de Droit de Port-au-Prince grâce à une pléiade de diplômés de Paris et de Bordeaux principalement. Boyer Bazelais, célébrité politique haïtienne du 19ème siècle et fondateur du parti libéral, avait fait ses études de droit à la Faculté de Droit de Paris. Sténio Vincent, «le surdoué» de l’intellectualité du début du 20ème siècle, a illustré par son éloquence hors pair les vertus de l’art oratoire dans les prétoires et lors des jubilés de grands maitres du barreau et de la magistrature, tout en ayant été l’homme du diagnostic sûr du mal  d’Haïti dont il accablait les élites traditionnelles. «Par tous ses pores, la société haïtienne suppure». Le Droit au service du social!  En paroles d’abord, laissant pour plus tard au verbe de se faire chair… avec succès ou non.

Ce moment fort est la dernière étape avant la création de l ‘Université d’État d’Haïti définitive avec la conjoncture d’éveil culturel et artistique des années 1940-1960. Je fais référence souvent à cette «conjoncture d’éveil» à laquelle j’ai consacré une monographie dans mon livre «Nouveaux combats pour l’Histoire Vivante d’Haïti». Cette conjoncture de 1940-1960 a jeté les fondements préparatoires à l’édification du nouveau système éducatif qui allait accueillir les nouvelles institutions universitaires haïtiennes. On a judicieusement étendu à la période toute entière le mot emblématique de «Renaissance»  trouvé sur une pancarte de la Rue du Centre, du côté opposé au Pénitencier National qui, lui, inspirait à un humoriste une  autre pancarte  «On est mieux ici qu’en face»! La trouvaille du mot de «renaissance» était une aubaine car elle rappelait le grand moment exceptionnel d’épanouissement des lettres et des arts  né au Quattrocento italien qui, à partir de Florence, a conquis toute l’Italie par ses œuvres inspirées de l’Antiquité et qui mettent l’homme au centre de tout en un humanisme universalisant. et qui s’est répandu en Europe au XVIème siècle. On a vu une comparaison fertile pour l’épanouissement intellectuel et artistique haïtien de 1940-1960 et après (par exemple la peinture haïtienne naïve, primitive ou moderne avec ses chefs d’œuvre). sa littérature exprimant le «merveilleux» du génie culturel haïtien, vodou comme religion et créole comme langue, compris naturellement et la valorisation de tout ce qui est «nôtre» en pensée, en parole et en action, et qui a constitué «le miracle haïtien».

C’est dans ce contexte que des unités nouvelles viennent alors étoffer le tissu des institutions universitaires en Haïti avec l’ethnologie pour laquelle sont créés une École d’Ethnologie (qui deviendra plus tard une Faculté d’Ethnologie, premier doyen Jean-Baptiste Romain) et un bureau d’ethnologie sur lequel Jacques Roumain laissera sa marque indélébile, une troupe folklorique nationale d’état avec ses ballets haitiens de réputation internationale, une Ecole Normale Supérieure d’Haïti, pour l’enseignement des Lettres et des Sciences (premier directeur Pradel Pompilus), un Centre d’Art (premier directeur Dewitt Peters) et un Foyer des Arts plastiques qui seront les pépinières de la future ENAERTS (Ecole Nationale des Arts), une École Nationale des Hautes Etudes Internationales (premier directeur Leslie F. Manigat), (qui deviendra l’Institut National de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI), une Faculté des Sciences, une Faculté de Linguistique, un Conservatoire National de Musique,  un Centre d’investigation en sciences sociales (CHISS, premier directeur Hubert Deronceray), un Centre National de la Recherche Scientifique à la franҫaise dont la création a été officiellement annoncée pour ouvrir ses portes a la rentrée d’octobre, s’ajoutant aux noyaux initiaux et classiques de la Faculté de Droit, de la Faculté de Médecine et d’Ontologie, de l’École Polytechnique (anciennement Ecole des Sciences appliquées), de la Faculté d’Agriculture). Un rectorat est créé, qui sera placé sous l’autorité du Dr Jean Price Mars, médecin-ethnologue,-historien-internationaliste, l’auteur de «Ainsi parla l’Oncle», bref le fleuron de l’intellectualité haïtienne de réputation mondiale.

Voici venir maintenant, pour une conclusion sur le «que faire» haïtien en matière des besoins de renouvellement des institutions universitaires haïtiennes en vue de faire mieux comprendre la situation du pays déjà avant et surtout après l’horrible séisme du 12 janvier 2010, un exposé de la problématique et de quelques problèmes de quelque importance qui s’ensuivent ou y sont liés, car le Comité International de soutien et d’appui à la nouvelle Université d’Haïti aujourd’hui si durement frappée et actuellement sinistrée, est sans doute plus que d’autres, intéressé à se rendre compte de l’œuvre à entreprendre pour contribuer  moralement et matériellement à mettre sur pied de fonctionnement une université haïtienne digne de ce nom.

  1. La première question est sur la nature et la fonctionnalité de l’Université d’Haïti. Ne doit-elle pas profiter de cette triste épreuve pour se poser la question si elle doit continuer à être du «secondaire prolongé» comme je l’avais dénoncé en une saute d’humeur de constat justifié ou devenir une authentique université, cessant de faire du cours magistral, l’essentiel de l’enseignement supérieur alors qu’il en reste l’ossature principale? Rien ne saurait remplacer un bon professeur d’Université dans un cours magistral porteur et distributeur des connaissances académiques au plus haut degré  du savoir humain. Mais depuis toujours, on lui a voulu un accompagnement de travaux pratiques, de travaux dirigés, de pratiques de laboratoires, d’essais probatoires dont l’importance est reconnue au moins depuis la diffusion de la méthode expérimentale de Claude Bernard. On en est encore, dans certains cas d’utilisation de la chaire, au «par cœur» dicté en salle de classe et à «rendre» sans omettre une virgule pour satisfaire aux examens  moyenâgeux des facultés d’un autre temps. De profundis, du tréfonds de la détresse haïtienne présente, l’impératif d’une authentique université de qualité est d’être conforme aux exigences d’être capable de constituer une tête pensante au sommet de tout le système éducatif du pays. A nos vrais amis, de nous y aider.
     
  2. La seconde question est la nécessité d’organiser la recherche, autre compagnon de l’enseignement magistral qui implique déjà, il faut le reconnaitre, une large part d’investigations sur sa matière par le professeur d’Université. C’est une obligation de son magistère intellectuel de renouveler son cours en se recyclant constamment. Je me rappelle, au début de ma carrière, un collègue se gargarisant des notes écrites sur papier jauni qu’il exhibait avec une suffisance satisfaite. Mais c’était hier!... Aujourd’hui, la recherche en tant que telle, en dehors de la besace professorale individuelle, est organisée en un corps dédié aux investigations scientifiques. Les centres de recherche scientifique pullulent partout et c’est à la bonne heure. Aujourd’hui la recherche dépasse l’enseignement professoral dans l’enrichissement des connaissances, recherches individuelles (des thésards, par exemple ou des chercheurs des écoles postdoctorales)) ou recherches collectives (les équipes de recherches dont les produits d’investigations appartiennent aux équipes elles-mêmes ou sous le label des centres privés ou publics au nom connu et prestigieux. On appartient à telle ou telle écurie. La circulation des équipes de recherche entre les pays est le signe nouveau de la suprématie des choses de l’esprit dans les nouvelles technologies du savoir humain dans l’humanisme des chiffres. Il faut orienter davantage les investigations scientifiques haïtiennes vers la recherche collective.
     
  3. Cernant de plus près les problèmes des institutions universitaires haïtiennes,  il faut mettre l’accent sur ceux à qui on enseigne et quoi leur enseigner. On a pris l’habitude de penser que l’Université, ce sont les professeurs. Et la population estudiantine? Vient-elle seulement pour suivre les cours? On a vu que l’Université accueille 50.000 étudiants à l’enseignement supérieur dont la moitié fréquente régulièrement l’Université d’État (UEH).organisée en 13 facultés et Écoles Supérieures. Les besoins de ce petit monde sont relativement énormes. Et le problème des bourses par exemple, n’est pas résolu selon les critères d’appropriation et de justice voire des besoins prioritaires de la nation. Quid d’une prise en charge partielle et sous contrôle de la solution de ce problème? On pourrait même intéresser davantage la coopération étrangère dès l’amont de la sélection pour préparer l’aval des destinations nationales et internationales.
     
  4. Le problème d’un campus universitaire avec des résidences universitaires pour professeurs et étudiants comme en France ou comme à l’University of the West Indies (Mona, Jamaïque),  a buté, je le sais par expérience, sur l’obstacle de la méfiance gouvernementale à concentrer une population étudiante à capacité subversive. À deux reprises, on a eu la chance de préparer un site pour un campus central, l’un à Cotes-Plages et l’autre au ranch de Jean-Claude, les maquettes pour chaque Faculté et Ecole Supérieure étant techniquement préparées par une firme spécialisée. J’en parle en connaissance de cause, ayant eu en mains la maquette de l’Ecole des Hautes Etudes Internationales mise au point sur mes instructions des besoins de l’Ecole après consultations avec les étudiants les plus concernés. Le problème se repose aujourd’hui en termes différents et puis, il y a des nouveaux campus existant et fonctionnant comme l’Université adventiste disposant de vastes espaces multifonctionnels, y compris les activités sportives, à Diquini. Avec la déconcentration, les délocalisations et la décentralisation envisagées, on aura l’occasion de donner un nouveau visage au paysage universitaire haïtien dans le cadre d’une régionalisation à venir alors que la constitution a omis la région dans la liste de ses collectivités territoriales.
     
  5. Le problème nouveau des universités privées. Il y a prolifération d’universités privées  qui poussent comme champignons actuellement sous la poussée de la massification numérique et sociale des bacheliers venant du baccalauréat par plus d’une centaine de milliers par an. La seule université est incapable de les accueillir. On ne serrait pas à moins de trente mille bacheliers hors de l’UEH inscrits aux universités privées dont la plupart sont du «business», c'est-à-dire financièrement lucratives. De même que les écoles «borlettes» du secondaire, il y a contamination d’universités «borlette». Un loustic optimiste commentait qu’il vaut mieux avoir des universités «borlette» que ne pas en voir du tout !Il y aurait 150 institutions universitaires privées dont une quarantaine reconnues par l’État! La proportion enseignement supérieur public et enseignement supérieur privé est préoccupant car l’ajustement de la coexistence pose problème. Par exemple, la Faculté d’État de Médecine admet chaque année un maximum de deux cents étudiants par nouvelle promotion d’entrée. Une seule Université privée parmi les plus sérieuses comme l’Université Notre Dame ou l’Université Quisqueya en admet le double ! Les stages en médecine dans les hôpitaux publics pour être valables et reconnus sont au compte-gouttes et les diplômes du privé doivent être avalisés par l’État. Certaines spécialités ne se trouvent qu’à l’UEH. La rivalité entre l’état et le privé  relève de l’époque de l’antagonisme entre curés et maires dans les films de Marcel Pagnol. Evidemment, je caricature un peu. Il est à noter que les meilleures universités privées sont à la pointe du progrès dans leurs branches d’activités, avec l’aide de la coopération étrangère. Enfin, des anciennes écoles de commerce réputés mais de niveau et d’accès au-dessous du baccalauréat, se sont converties en Ecoles supérieures de format universitaire admis. Ici aussi il faut mettre de l’ordre dans la nouvelle maison universitaire haïtienne pour assurer son fonctionnement régulier désirable.
     
  6. Une autre question en débat sans faire trop de vagues est celle du choix entre le savoir fondamental spéculatif et esthétiquement préférentiel classique (l’agréable?) et le savoir à des fins pragmatiques (l’utile?), autrement dit entre d’une part les connaissances théoriques et philosophiques de l’héritage gréco-latin des Platon et Aristote et, d’autre part, les formations pratiques du pragmatisme anglo-saxons, forme survivante de la vieille querelle des Anciens et des Modernes. On se souvient que nous avions trouvé le problème posé dans notre étude sur «la substitution de l’hégémonie américaine à la prépondérance française dans la conjoncture 1910-1912». On a laissé faire le cours des choses sur le problème et cela a débouché sur des enjeux stratégiques importants pour la nation: élitisme ou massification, libre choix ou dirigisme, ces deux héritages de la tradition culturelle que j’ai placés dans la longue durée Braudélienne et dont Mirlande Manigat vient de signaler le caractère discriminatoire dans leurs effets. Le laisser-faire individuel et familial l’a emporté, mais la pression sociale a peine à en  corriger les spontanéités.
     
  7. Le projet de loi sur l’enseignement supérieur toujours en gestation, tarde à régler des questions en suspens de l’ère de la modernisation et de la mondialisation pour les institutions universitaires en Haïti. C’est dans cette catégorie qu’il faut lister l’importance de l’indice du développement humain dans les choix stratégiques à faire en praxéologie, la formation administrative et technique du personnel de support universitaire et de son entrainement spécifique sectoriel, dans les institutions universitaires en Haïti, le recours aux nouvelles technologies, l’internet à l’école, l’aménagement et l’utilisation des locaux scolaires et universitaire, la diversification du contrôle continu des connaissances, la mesure de la croissance comparée dans les politiques promotrices et correctrices du progrès humain selon les critères liés à la personnalité de base de chaque civilisation. La coopération internationale doit et va régner dans ces domaines de l’intervention humaine, et Haïti doit saisir son malheur comme un bien pour les sauts en avant que nécessite non son «arriérisme» (cela ne se dit plus) mais  l’archaïsme de son stade de développement.

Le Comité international de soutien et d’appui à l’Université d’Haïti éprouvée avec six universités privées détruites et presque toutes les autres, la publique et les privées, dans les villes-martyres de Port-au-Prince, de Léogâne, de Petit Goâve, de Grand Goâve et de  Jacmel,  endommagées alors qu’elles se sont signalées parmi les meilleures du pays, ne peut que comprendre et épauler l’élan de solidarité compensatoire du malheur qui accable le pays haïtien dans la détresse, et qui est en état de grâce auprès de l’opinion internationale superbement émue et mobilisée devant l’infortune injuste que le peuple haïtien ne méritait pas. Le beau mot de solidarité est le mot de passe en faveur d’Haïti.

Leslie F. Manigat
Président du Comité International de soutien et d’appui à l’Université Haïtienne.

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À tous et a toutes, j'offre avec plaisir, pour leurs dossiers, ce document sur l'histoire de l'université haïtienne de Christophe à nos jours, problématique et problèmes d'un cheminement bicentenaire, susceptible de contribuer à un débat souhaitable sur l'enseignement supérieur haïtien, surtout au moment ou l'horrible désastre du 12 janvier 2010 pose le problème et les perspectives de la reconstruction de l'université en termes de modernisation nécessaire de ses structures, de son fonctionnement et de son avenir, avec l'obligation d'en faire une réalité conforme a ce que doit être une universite dans le monde d'aujourd'hui.

En tant que président haïtien du Comite international d'appui et de soutien a l'Université d'Haïti, je dis un grand Merci a toutes les éminentes personnalités du monde académique de trois continents, d'accepter d'épauler moralement, matériellement et institutionnellement l'effort haïtien de reconstruction de l'enseignement supérieur de notre pays en une entreprise de longue durée. Un savoir académique de qualité est une des clefs de l'avenir haïtien a forger dans le concert international d'une mondialisation humaniste.

Leslie F. Manigat

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