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Le courage des Haïtiens

dans la douleur

22 février 2010

 

Source: Le Nouvelliste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pascale Monnin, Immense charnier qu’est Port-au-Prince en ces jours d’après tremblement de terre.
© Collection Galerie Monnin.

Pascale Monnin

Aux abords de l'Hôpital Adventiste de Diquini (6 kms au Sud de Port-au-Prince), les cris perçants d'enfants, de femmes, de vieillards... appellent à la pitié humaine et au secours des médecins.

Dans la cour de l'hôpital Adventiste de Diquini, situé à Carrefour, pas besoin d'être un spécialiste d'une branche quelconque de la médecine pour jauger la souffrance des gens. Le personnel sur place doit non seulement s'occuper des victimes du séisme mais aussi d'autres cas réguliers d'accouchement, d'hypertension ou de maladies infantiles. Les brancardiers volontaires doivent déployer tous leurs efforts pour se frayer un chemin dans la foule et accéder aux différents services.

Les «guides» de l'Eglise adventiste du septième jour de la localité montent la garde devant les portes. Pas question de dépasser la zone réservée aux visiteurs. La sécurité des patients et de leurs proches en dépend. La situation invite à l'observation.

Dans un coin sur une civière, une vielle dame, vêtue d'une robe à grand motif de fleurs, supportant mal sa douleur, est soignée par un médecin, une belle brune. Notre équipe de reporters tente d'aborder ce professionnel, mais elle ne veut pas se confier à la presse. Elle garde encore en mémoire l'irrespect des journalistes des grands réseaux médiatiques de l'étranger devant la détresse et le droit des patients.

Finalement, elle accepte de nous parler quand des brancardiers arrivent en trombe avec un jeune homme à l'agonie. Un nouveau cas urgent. Nous devons encore attendre. La patience participe elle aussi à la stabilité des malades déjà opérés.

Le médecin, arrivé au pays une semaine après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, s'amène enfin. Dr Yanouchka Labrousse, Canadienne d'origine haïtienne, vient de décliner son identité. Elle est venue sur les lieux du drame en renfort à une équipe déjà sur place et grâce au concours du Centre d'Etude Haïtien et de Coopération internationale (CECI), une organisation non gouvernementale opérant sur le terrain dans différents champs d'activités dont l'assistance humanitaire.

Loin de se plaindre de ses horaires interminables de travail ou de son inconfort vu les conditions d'hébergement disponibles, le Dr Labrousse s'intéresse à la compréhension de cette nouvelle réalité haïtienne, postséisme. «Ce qui nous frappe comme médecin, c'est la force de ces gens. Elles ont une capacité extraordinaire de se remettre assez vite de leurs douleurs», confie-t-elle avec les yeux pleins de compassion.

«Avant le tremblement de terre, nous autre médecins, avions tous envie de visiter notre pays parce que les informations laissaient croire que le pays allait mieux. Cela nous a atterré de savoir qu'une nouvelle catastrophe venait de s'abattre sur le pays. C'est vraiment dommage», déplore Dr Labrousse, fière de pouvoir venir prêter main-forte à la patrie en péril.

«La volonté d'aider..»

Pour sa part, le Dr Coralie Gervais, haïtienne, médecin pratiquant vivant à Montréal, souligne qu'elle est arrivée sur le terrain avec de la tristesse au coeur. «La volonté d'aider immédiatement et de mettre toutes mes connaissances à la disposition des Haïtiens ne pouvait plus attendre», dit-elle. Ce médecin manifeste un désir ardent de revenir au pays le plus vite possible après cette première mission.

Le Dr Gervais compte en effet participer à la reconstruction tant souhaitée de ce pays. «Il est vrai que nous partons, mais jamais sans passer le maillet à d'autres collègues qui viennent eux aussi de Montréal», ajoute le Dr Gervais, d'un air rassurant. 

Le peuple haïtien, constate-t-elle, est comme une plante qui n'a besoin que d'un peu d'eau pour grandir. D'un geste de solidarité pour affronter les fortes turbulences. A l'image de Rosie, âgée d'une trentaine d'années qui vivait à Grand-Goâve (40 kms au Sud-Ouest de Port-au-Prince) au moment du séisme. Cette dernière a failli perdre Claudie, son bébé de 18 jours. La petite Claudie n'a eu la vie sauve que grâce à la présence de ces médecins de l'hôpital Adventiste venus aidés la population haïtienne en détresse. Sa mère, blessée et anémique, a pu être transfusée et trouver les soins nécessaires. Rosie est aujourd'hui très reconnaissante envers ces médecins qui, dit-elle, sont d'une gentillesse remarquable.

Une collaboration sans précédente

La nouvelle configuration du personnel médical de l'hôpital Adventiste de Diquini porte désormais les responsables à adopter des mesures de gestion urgentes pouvant faciliter le travail des nombreuses équipes et organisations venues de l'extérieur.

Le Dr Lesly Archer, directeur médical, estime actuellement que l'institution qu'il dirige est à l'instar d'un centre médical international, tant la collaboration est intense entre l'équipe haïtienne sur place et les divers spécialistes venus de divers pays étrangers dont le Canada, les Etats-Unis, le Mexique, la République Dominicaine et l'Allemagne. Une collaboration sans précédente selon le médecin pressé par l'urgence.

Le Dr Archer se souvient encore des premières minutes qui ont suivi le sinistre: «Il fallait faire évacuer les malades du bâtiment alors que les blessés et leurs proches avaient littéralement pris d'assaut tous les coins de l'hôpital. Tous les médicaments et toutes les ressources ont été mis à profit des blessés.» Concernant ce centre hospitalier, ce médecin fait remarquer que la réaction de l'international a été aussi rapide qu'efficace.

Une seule cause: sauver le plus de vies humaines

À l'Hôpital Adventiste de Diquini, transformé en un vaste camp, des patients, des non patients, des sinistrés, des spécialistes de différents domaines médicaux (chirurgiens, orthopédistes...), des sages-femmes, des sapeurs-pompiers, des cuisiniers, tout ce monde se côtoie. Pour la bonne cause, diraient les victimes du séisme du 12 janvier. Celle de sauver des vies. Les regards croisés, les insatisfactions des uns sont adoucies par la sagesse des autres. Le moment est à la compréhension, à la charité, à la prière et au pardon, avancent certains résidents du lieu.

Le directeur médical de l'Hôpital Adventiste de Diquini prédit un nombre important d'amputés dans le pays en raison du manque de soins prodigués aux blessés graves durant les premières heures ayant suivi le désastre. Car certaines victimes ont dû attendre plus de 72 heures et voire davantage avant de sortir des décombres.

L'Hôpital Adventiste de Diquini a traité quelque deux mille cas dans les premières 48 heures qui ont suivi le séisme. Les interventions chirurgicales se sont chiffrées à une cinquantaine par jour durant la première semaine. L'expérience est enrichissante aux yeux des membres de la délégation canadienne qui comptait également dans ses rangs une équipe de «Cuisiniers sans frontières» venus aider leurs homologues haïtiens, à partir d'une formation expresse, à préparer des repas équilibrés destinés aux patients et leurs proches, également des victimes.

Si le Dr Yanouchka, de retour après cinq ans d'absence dans le pays, espérait revenir à l'alma mater dans un moment plus tranquille, comme plusieurs de ses collègues, elle ne tarit pas d'éloges à l'endroit du peuple haïtien qui, selon elle, fait preuve d'un courage exemplaire face à un tel drame.

Ce médecin dont le cœur reste fortement attaché à ce pays meurtri pense que si tout le monde y met de l'effort, du courage et surtout de l'engagement, la reconstruction d'Haïti sera possible.

Dieudonné JOACHIM

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