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Failles, répliques sismiques, risques de tsunami, croyances et prévisions:
le point par un spécialiste

Maurice Lamontagne

Pascale Monnin, Port-au-Prince janvier 2010, Untitled. © Collection Galerie Monnin.

Afin de répondre aux principales questions que chacun est en droit de se poser face aux multiples répliques subies depuis mardi dernier, nous avons interrogé M. Maurice Lamontagne, séismologue au Secteur des sciences de la Terre de Ressources naturelles Canada. Source: Forum Culturel Haitien.

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Madame Tassot,
 
Pour faire suite à votre message, voici quelques faits sur la situation séismologique dans la grande région de Port-au-Prince.
 
La période que les habitants de Port-au-Prince et des régions environnantes vivent n'est pas différente de celle qui suit tout grand tremblement de terre. Des séismologues et géologues ont présenté des hypothèses sur des séismes à venir, mais on doit se rappeler qu'il s'agit de possibilités à plus long terme que les jours ou semaines qui viennent.
 
Peut-on prévoir les séismes?

Dans l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible de prévoir l'imminence d'un séisme, encore moins la date, l'heure et le lieu exacts où ils se produiront. On ne peut donc pas faire de prévision à court terme (jours, semaines, mois) du lieu ou de sa magnitude. On peut, dans certains cas bien précis, évaluer la possibilité de séismes mais dans le meilleur des cas comme en Californie ce sera sur de longues périodes de temps (décennies ou plus). 
 
Qu'est-ce que la magnitude d'un séisme ?

La magnitude est une mesure de la quantité d'énergie libérée pendant un séisme. Un séisme de magnitude 7 comme celui du 12 janvier libère environ 30 fois plus d'énergie qu'un séisme de magnitude 6, et environ 1000 fois plus d'énergie qu'un séisme de magnitude 5.
 
Répliques sismiques:

Dans les jours suivant un séisme fortement ressenti comme celui du 12 janvier dernier (magnitude 7,0), d'autres secousses peuvent être, et ont d'ailleurs été, ressenties.

  • Dans presque 100% des cas, ces secousses (appelées répliques) seront beaucoup plus faibles que le choc principal (avec un maximum possible d'environ 6 degré à l'échelle de Richter pour un séisme principal de magnitude 7).  Les vibrations causées par une réplique seront donc moins fortes que le choc principal.
     
  • Ces répliques sont un phénomène normal et n'annoncent pas un séisme plus fort. Elles indiquent un rajustement de l'écorce terrestre après le séisme principal.
     
  • Le nombre de répliques ressenties est fort variable et, donc, imprévisible. Il peut y en avoir quelques par jour ou seulement quelques unes par semaine.  Plusieurs d'entre elles peuvent être ressenties si elles sont supérieures à magnitude 4,0 sur l'échelle de Richter.
     
  • La fréquence de ces répliques diminuera avec le temps, mais leur magnitude ne décroit pas progressivement de la même façon, il peut avoir des soubresauts.
     
  • Il est impossible de prévoir la magnitude maximale qu'atteindra une réplique ou le nombre des répliques. Ces données varient d'une région à l'autre, suivant des facteurs qui sont encore mal connus, même des spécialistes. De façon générale, la magnitude maximale de la plus grande réplique sera d'environ 1,0 degré de moins à l'échelle de Richter, donc autour de magnitude 6 pour une réplique de la région d'Haïti.   On a eu jusqu'à maintenant (21 janvier) deux séismes de magnitude 5,9.
     
  • Les répliques augmentent le stress des personnes dans la zone épicentrale et si elles sont fortes, magnitude 5,5 ou plus, elles peuvent ajouter aux dommages d'édifices déjà affaiblis. Pour cette raison, il est indiqué de ne pas réintégrer des édifices à moins que les autorités compétentes les désignent comme sécuritaires.

Les failles:

  • Physiquement, un séisme est le résultat d'un mouvement brusque de deux blocs de roc le long d'une cassure (faille) située en profondeur dans l'écorce terrestre.  Dans le cas du séisme du 12 janvier, la profondeur était d'environ 10 km.
     
  • Après de très forts séismes, ce mouvement peut être visible en surface sous forme de déplacement latéral entre les deux côtés de la faille.  On n'a pas d'évidence qu'un tel mouvement s'est produit lors du séisme du 12 janvier.
     
  • Beaucoup de gens croient à tort que, lors des séismes, le sol s'entrouvre pour engloutir de malheureuses victimes. Cette conception des séismes, bien incrustée dans notre subconscient, ne correspond aucunement à la réalité; on la doit plutôt à l'imagination des producteurs d'Hollywood!
     
  • Après un fort séisme, il se peut que des fissures soient visibles sur le sol. Il ne s'agit pas de failles, ni de crevasses qui se refermeront. Ces fissures sont probablement apparues en raison du tassement (compaction) du sol que les vibrations ont causé.
     
  • Une faille géologique s'étire de la République Dominicaine jusqu'en Jamaïque.  Seule une portion de cette faille a été réactivée le 12 janvier entre un peu au sud de Carrefour jusqu'à Petit-Goâve environ.  Sur les centaines d'années à venir, il est possible que cette faille connaisse des séismes importants sur toute sa longueur, mais une portion à la fois .

Les dommages:

  • Ce sont les vibrations du sol qui causent la plupart des dommages associés aux séismes.
     
  • En général, des forts séismes (magnitude 7 et plus) produisent des mouvements du sol de grande amplitude et de longue durée.
     
  • Des forts séismes produisent des secousses plus fortes qui sont ressenties sur une plus vaste région que des plus petits séismes.

Est-ce que la terre s'ouvre pendant un séisme?

Non!  Une idée fausse mais fréquemment crue c'est qu'un trou s'ouvre dans le sol pour avaler des victimes malheureuses. Cela n'a aucun rapport à la réalité mais c'est la version des séismes de Hollywood. Après un fort séisme, quelques fentes peuvent apparaître dans le sol. Ceux-ci ne sont pas des failles, ni des crevasses prêtes à refermer. C'est probablement le tassement du sol qui les a produites.
 
Risque de tsunami

  • Les tsunamis sont de grandes vagues océaniques qui peuvent être produites de deux façons:
     
    1. Par un mouvement vertical du fond de la mer directement causé un rejet d'une faille causé par un séisme de forte magnitude (magnitude 7,0+).  À moins qu'un autre très fort séisme se produise, ce qui est très improbable, il n'y a plus de danger qu'un tsunami affecte les rivages d'Haïti.  Ceci est appuyé par le fait que le mécanisme du séisme du 12 janvier n'est pas favorable à un tel mouvement vertical du fond de la mer, et que la majeure partie de la faille se trouve sur la partie terrestre de la péninsule du sud et non pas au large des côtes.
       
    2. Un tsunami plus local peut aussi être engendré par le déplacement d'une grande quantité d'eau engendré par un glissement de terrain sous-marin ou par l'éboulis d'une falaise côtière.
       
  • Un séisme assez fort (magnitude 6 ou plus) peut causer un mouvement du fond de la mer (1) ou un glissement de terrain (2).  Il est donc suggéré de s'éloigner du rivage si un fort séisme se produit.  La plupart du temps, l'arrivée imminente d'un tsunami se détecte, dans les minutes après un fort séisme, si la mer se retire rapidement loin du rivage. On doit alors gagner les zones plus élevées (15 m ou plus au-dessus du niveau de la mer).  La possibilité d'un tsunami causé par une réplique sismique est considérée très faible en ce moment.

 
En espérant que ces quelques précisions seront d'intérêt, je vous prie d'agréer l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
 
Maurice Lamontagne, ing., Ph.D.
Séismologue / Seismologist
Secteur des sciences de la Terre / Earth Sciences Sector
Ressources naturelles Canada / Natural Resources Canada
http://gsc.nrcan.gc.ca/dir/index_f.php?id=9387

séisme 2010

Ruines. Photo Garry Jean, source metrololehaiti.com.

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