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Éloge de la lecture

Raynaldo Pierre Louis

Lire, c’est amasser des trésors de part et d’autre, pour formidablement construire sa pyramide intérieure. C’est agrémenter de perles les zones flexibles et sensibles de la conscience.

Ceux qui se sont véritablement livrés à la grande aventure de la lecture, expérimentent toujours une croissance ontologique considérable; ils  acquièrent une nouvelle manière d’être au monde, une nouvelle stratégie pour appréhender la complexité du réel, qui diffère évidemment de celle de l’homme du commun, ou des personnes allergiques à la lecture lorsqu'elle n'est pas une exigence sociale.

Un homme qui lit de sa propre initiative est un homme fortifié par mille combats intérieurs. Quêteur de Sagesses essentielles, il voit progressivement tomber les murs de ses illusions vaines et cet heureux désenchantement lui fait encore ancrer et s’enraciner de plus en plus en soi  —  à mille et une lieues des colifichets sociaux et autres mythologies populaires  —  car c'est lui-même qui procède à des analyses et en tire des réflexions.

La lecture est une expérience enrichissante porteuse de sens lorsqu'elle s'applique à une diversité d'œuvres de toutes origines, lorsqu'elle  n'est pas une simple distraction qui sublime les préjugés et les modes sociétales. Alors elle fournit à son pratiquant un socle, où observer, éveiller ou réveiller une abondance de modalités de la conscience (conscience morale, spirituelle, conceptuelle, esthétique, etc…). Elle est une source jaillissante de la sève de l’âme dans son exubérance, (re) met en vigueur ou réhabilite le vrai équilibre dont notre machine mentale a besoin pour se catapulter dans  la vie cosmique.

Si on ne la confine pas dans les perspectives figées des langues de bois et des identifications hypnotiques, la lecture devient génératrice d’une praxis donnant forme, sens et élégance à l’existence. Les vrais bouquins inspirés  ou simplement sincères savent thaumaturgiquement agir sur le cerveau comme un philtre ou une formidable potion magique, pour éveiller notre esprit si nous savons à la fois nous identifier à l'auteur et prendre nos distances avec sa destinée particulière.

Lire de façon intellectuellement active et libre est un acte de résilience et de résistance, voire d’héroïsme intérieur face aux mœurs putrides de l'humanité prédatrice. La satisfaction  que procure la lecture des grands vivants qui ont amélioré l'identité humaine au-delà même de leur parcours de chair, fournit à notre propre participation  consistance et  densité.

Les poètes et les philosophes qui m’ont donné du souffle, continuent à nager en moi inexorablement et perdurent dans mes profondeurs intimes. Ils m'interpellent comme un immense écho polyphonique qui résonne dans les tréfonds de mon humanité- toujours en devenir- et produisent  en mon for intérieur un effet de kaléidoscope, comme sur un paquebot merveilleux dont les couleurs me donnent la légèreté de traverser l'océan de la vie. Je me perçois comme une symbiose unique de l’ADN intellectuel qu'ils ont partagé, je m'assume dans une identité culturellement métissée, je redécouvre sans cesse une nouvelle façon de les percevoir. En effet il serait bien illusoire de prétendre être soi-même par la dénégation de ce qu'ont produit les rencontres, les alliages, les hybridations multiples qui nous ont fait réfléchir ou nous extasier...

La longue traversée du désert de la condition humaine puise ses saveurs et ses espérances et ses vertus à travers ces rencontres intersubjectives et les errances que nous rend possible une bibliothèque pluraliste, oui par cette écoute du  tohu-bohu de tant  de voix  fascinantes voire instructives, qui nous renvoient à  une circumnavigation à l’intérieur de nous-mêmes , et parfois jusqu'aux ultimes confins vivables des trésors enfouis là dans le vaste océan de l’être…

L’identité…, se forge au seuil de ce chaos sublime et transformateur.

© Raynaldo PIERRE LOUIS,
Poète et écrivain.

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