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Penser pays pour mieux panser ses plaies
en état de putréfaction

Jacques Pierre


Source Le Nouvelliste.

De loin, la diaspora entend le cri de ses frères et sœurs en détresse. Peut-elle rester indifférente et insensible à tout cela? A chaque catastrophe, indépendamment des obligations financières envers les siens et quelques proches qui se trouvent en Haïti, la diaspora ne cesse de contribuer pour venir en aide à ses compatriotes vivant en Haïti.

Ce n’est pas exagéré de dire que la diaspora est fatiguée de constater que le pays est sous-administré depuis bien des années. Quelle en est la cause? Sans sourciller, j’assume la responsabilité de dire que la majorité de nos dirigeants sont d’une incompétence et d’une méchanceté sans comparaison aucune. Il est temps que l’on ait des dirigeants qui priment le cerveau sur les testicules pour donner l’envie à la jeunesse de rêver d’un lendemain meilleur.

Certes, la plupart de nos hommes politiques vont faire usage de toutes les envolées lyriques, voire parler comme un moulin, pour faire croire au commun des mortels qu’ils ont tout essayé pour faire progresser le pays. En revanche, ils ont tous réussi à s’en mettre plein les poches. De belles maisons, des voitures, des femmes un peu partout, des comptes en banques bien achalandés en dehors du pays, sans faire cas des souffrances les plus épouvantables de la jeunesse. Pour faire court, ces dirigeants ont fait le contraire de ce pourquoi ils étaient élus.

Tous les dirigeants de n’importe quel pays n’ont d’autre miroir que l’état dans lequel la majorité de ses concitoyens vivent. Sans ambages, je dis à toutes celles et à tous ceux qui ont fait leur fortune sur le dos de ce peuple si docile combien ils/elles sont d’une laideur implacable. Honte à vous! A regarder vos frères et sœurs patauger dans la boue puante, les enfants quémander un peu partout pour un bout de pain, les jeunes filles faire des passes juste pour pouvoir survivre, que vous êtes méprisable et chiche, nos politiciens! En fait vous êtes bien des leaders au cœur d’airain s’exhibant une laideur qui n’attire que la fureur.

Dans ces conditions, que faire? Ce système inhumain qui tient le peuple dans la misère la plus abjecte mérite d’être mis à plat. Sinon, les heures les plus sombres sont devant nous. Idiot/e celui/celle qui croit que sa fortune, ses relations sociales puissent l’épargner de toute catastrophe engendrée par la faim et l’abêtissement de la grande majorité d’un peuple.

Ainsi, j’invite tous les gens de bonne volonté, de conviction inébranlable, et particulièrement les gens connus pour leur sortie au canon sur la misère, la corruption, à s’organiser pour faire front aux bandits de grand chemin qui s’accaparent de toutes les arènes du pouvoir pour en faire leur beurre. Il est venu l’heure aux gens conséquents et compétents qui sont porteurs d’un discours pouvant répondre aux inquiétudes de la société, de se mettre ensemble pour confronter certains de nos politiciens, rhéteurs, sophistes, qui ne savent autre chose que faire passer les leurs avant les autres.

Cette confrontation sera longue car l’on doit s’en prendre à un système vieux de plus de deux siècles. Pour bien de gens, c’est trop tard. Non, il n’est pas trop tard. Plus on laisse pourrir la situation, plus c’est difficile à résoudre. Les défenseurs de ce système pourri jusqu’à la mœlle sont légion, et Ils se trouvent dans toutes les catégories sociales. Sinon, le système aurait explosé depuis longtemps. Donc, il est impératif que les gens qui ont la colonne vertébrale se retroussent les manches pour que la génération à venir puisse vivre debout. Et pour celles et ceux qui veulent l’entendre, vaut mieux mourir debout que de vivre humilié.

Dans ce pays où la majorité de nos jeunes sont frustrés, comment peut-on leur demander de ne pas avoir de vilains souvenirs de ce pays qui les a vus naître? En fait, cette jeunesse est prise en otage par une pléthore de bandits politiques, économiques et intellectuels dont la mission n’est autre chose que de l’ asphyxier.

A tout un chacun pétri de conviction pour un changement en profondeur de notre société, ne laissez pas mourir vos convictions. La phase d’observation est révolue. Aux employés de la fonction publique qui sont victimes de toutes les insultes, de tous les mauvais traitements, de toutes les épithètes pour avoir constamment refusé de participer à aucune action louche, je vous tire le chapeau. Le pays a besoin de vous. Je vous invite à parler dru et cru de toutes les combines qui mettent en péril nos institutions. Il ne sert à rien de subir l’insupportable dans le silence le plus total durant toute la vie.

En somme, il est du devoir de tous les honnêtes citoyens de s’engager davantage dans la politique et le volontariat pour faire bouger les choses dans le sens de la collectivité. Certes, on sera confronté de tous bords par celles et ceux qui veulent pérenniser ce système défaillant qui fait de nous la risée du monde, pour peu que cela aille à leur avantage. Peu importe le prix à payer pour notre confrontation. N’ayez pas peur. C’est par la confrontation positive des idées que l’on finira par sortir le pays de la misère. En d’autres termes, panser ses plaies pour qu’il puisse plaire à tout le monde, (y compris celles et ceux qui l’ont maintenu dans cet état d’indignité.)

Jacques Pierre
@PJacquespie
Duke University

"NB: Article paru pour la première fois le 25 octobre 2016 dans Le National."

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 Viré monté