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Navia MAGLOIRE
Navia Magloire, née au Cap-Haïtien dans les Antilles surnommées dans le temps la Méditerranée de l’Amérique. Elle débute sa scolarité des l’âge de 2 ans à Saint-Joseph de Cluny où elle termine ses études primaire et secondaire classiques. Elle complète des études universitaires, en science de l’éducation et de psychologie à l’Université Jean Price-Mars (UJPM), et sera en contact intellectuel avec les meilleurs professeurs de l’institution dont Pradel Pompilus, Chavannes Douyon, Philippe Lerebours, docteurs respectivement en Linguistique, Psychologie et Lettres. Ses études terminées, elle quitte Haïti pour entreprendre des études en France où elle décroche d’abord une Licence et ensuite une Maîtrise en Psychologie clinique à l’université Lumière Lyon II, un diplôme Inter Universitaire (DIU) en audiophonologie de l’adulte à l’Université Claude Bernard Lyon I. |
Ce parcours, tout en la destinant à la profession de psychologue, ne l’a pas éloigné des milieux littéraires tels que l’Alliance française où, au cours de ses longues visites à sa bibliothèque, elle dévore les produits de la littérature française dans le but d’augmenter ses connaissances, se familiariser avec les écrivains français et ainsi donner corps à son ambition, celle de publier ses propres œuvres dans un avenir pas trop éloigné.
C’est durant son séjour aux États-unis d’Amérique qu’elle se familiarisera avec la poésie d’Anthony Phelps (et plus tard de Saint-John Kauss) qui devient pour elle un exemple à suivre, et qui la pousse à considérer l’écriture comme un exutoire à sa révolte. Depuis ce premier contact avec les poèmes d’Anthony Phelps, elle consacre son temps entre la littérature et l’enseignement du français ainsi que d’autres matières dans les institutions scolaires américaines.
Œuvres
Blessures de l'âme 2012 |
TOURNURE
Je ne veux plus rêver des hommes
Cheminant le vent des caraïbes
Je préfère imaginer leurs ombres
qui s’aventurent dans le jardin de ma conscience
Je me fais entremetteuse d’un monde connu
et celui de l’ inconnu
Avec eux, je suis ruine déshonorant mes
parterres de parfum, de naturel et de quiddité
Sans eux, je suis fortune d’imagination, de sourire
et de spontanéité
Je ne veux plus penser aux hommes
menaces pandémiques d’une société
asociale
désormais je les invente au coup
d’éclair de ma raison conditionnée
Je me fais paraphrase du réel et de l’irréel
Pour eux, je suis bonne chair, gourmet, désir
Loin d’eux, je suis pensée, divine et immortelle
Je ne veux plus parler des hommes
Je désire les créer dans des fibres d’amour
qui transcende le virtuel et peut-être
qu’un de ces matins apparaîtra l’homme
que j’ai rêvé
AGAPÈ
Combien j’ai envie de m’abandonner
à la prière amère de mes larmes
car j’habite un corps dont l’amour a déserté
les carrefours dès la jeunesse du matin
Sans amen je cherche l’abri de mon ombre
sans merci il me fuit
j’habite un corps désert
un corps fantôme
un corps liquide
un corps pétrifié
Combien hélas j’ai envie de marcher dans
la mémoire glissante de mes larmes
Car j’habite une ville fumée
depuis la traversée impersonnelle
de mon corps en transit
Sans relâche je furète sa vividité
Sans relâche il se tait
j’habite un corps évaporé
un corps fumant
un corps dilué
un corps périmé
Je suis poussé à voyager
les remous de mes larmes
car je cherche au participe passé
l’Agapè d’un corps inédit.
TERRE D'AGONIE
J’entends le souffle poussif d’un peuple
dans l’enceinte funeste d’une île assassinée
Ô Haïti, Nécropole de souvenirs oubliés
avortés de leurs âmes, ces haïtiens
sans traces, ni race errent
dans un brouillard primaire
perdus dans la trame dénaturée
de leur histoire
Ô Haïti
Sarcophage de trésors violés
le murmure de ta plainte échoue
dans l’esprit liquéfié de surnaturel
de tes pères
dépatriée, cette plèbe est une embolie
dans la venelle bicentenaire
Ô Haïti
Urne d’ancêtres hypothéqués
Le trille amnésique de tes intellects
fait violence dans la mêlée politique
l’oubli transcende le psychisme de tes fils
accablées de viols tes filles se vendent
La mort est transcodée
Ô Haïti
Traumatisme d’une traversée
non intégrée
MÉTIS
Ta peau d’outre-mer
se confond à la voie
lactée, mais ton langage
à l’arôme du café noir
ton parfum subtil et sensuel
est celui du terroir
alors que tes yeux
décrivent le bleu de
leur ciel
ta musique a des accords de
violon blancs
mais tes pas égrènent
le rythme de nos tam-tam
Tu es tout, mélange, tandem
Tu te dis nègre et savoure
le sucre crème de nos
pommes cannelles
Tu te fais blanc et épouse
les lys au havre
du paradis
et ta mère, Métis
meurt, délaissée
dans cette hutte engloutie
par le poids de sa peau
elle est noire couleur
corbeau, signe de
mauvais présage
porteur de débines
porteur du néant.
MAUX D’EAU
Il pleut des rivières dans ma tête
Mon île ne rêve plus
les voix du passé obnubilent son imaginaire
Il pleut des tempêtes dans ma tête
mon île a délaissé son rêve
ses troubadours décriés s’empoissent
dans la gabégie
Il pleut à verses dans ma tête
Mon île a gommé son rêve
les tambours de ses contes s’obstinent
dans l’amnésie
il pleut, il pleut des larmes dans ma tête
mon île ne rêve plus
la cohorte des dieux a déserté l’oraison
de ses rites
il pleut dans ma tête en eau
ses semences chaotiques ont perdu
leur impulsion
mon île est un immense vase
de pleurs
Elle a cessé de rêver, mon île !
L’ÉPITHÈTE NOIRE
Je vis une arythmie de vie, dans un présent obsolescent un présent de plomb un présent asymptotique dans une île illicite. Une île suicidaire dont les entrailles analgésiques fécondent des paralexies d’hommes.
Je régresse dans une claudication, je ne sais où je vais comme l’ensemble ne sait où il va. Ils se nomment bohémiens. Ils disent : je suis descendant de Français… ils disent: mes arrière-grands-parents étaient des Allemands, ils disent : je viens d’une «Haïti autre» …
Ils ne se disent pas Haïtiens ces visages jaunes, blancs, marrons et noirs atteints de paralalie. Nos nègres, nos mulâtres, nos nègres blancs ont l’esprit embué par une mémoire subliminale. Ils ont peur de rêver noir, peurs d’enfanter noir, ils ont peur de jouir noir, peur de parler noir, ils ont peur d’être noir.
Je vis une arythmie de vie, je parle créole, je danse créole, je mange créole mais je ne sais pas qui je suis, ni d’où je viens ni où je vais. Je suis obnubilée par une réalité agonisante, une réalité mortifère.
Je suis l’ébène on me dit!
Pourtant les femmes d’ébènes n’ont pas la cote, les femmes d’ébènes n’ont plus de sexe, elles n’ont pas de pères, donc pas de pères pas d’amant. Pas de pères pas de promesses d’amour, pas de pères pas de dot. Pas de dot pour réitérer la peau d’ébène.
Les femmes d’ébène ne sont pas des femmes. Elles ne sont que des épithètes de misères dans une île erratique. Tandis que nos nègres, nos mulâtres et nos nègres blancs ont des femmes adjectives : elle est blanche ma femme, elle est métisse ma femme, elle est mulâtresse ma femme, ma femme elle est française, belge, cubaine, dominicaine.
Elles ne sont que des adjectives leurs femmes: femme d’amour, trophée de femme, femme de familles, femme de rêve.
Mais Toi l’ébène, quelle est l’épithète de ton nom de femme? Quel mensonge se tapit dans ta féminité pour être traité en anathème ? Quel sacrilège a-t-on jeté à ton sexe nubile?
Terre arc en ciel
Le tambour de Dahomay
s’est éteint à Vertières
son roulement subversif
travesti en furie
assassine ma terre Arc-en-ciel
je décèle dans un bourdonnement
un désir de rédemption
mais hélas !
Le tam-tam des Peuls
s’est immobilisé à la Citadelle
son souffle subversif
perverti en folie
dévoye l’esprit de la gente intellect
je découvre dans ce bourdonnement
un refrain de guérison
mais hélas !
Le son des cornes des Nagos
s’est tû à la Crête à Pierrot
son esprit subversif
annihilé par le tribalisme
obscurci la vision futuriste
de ma terre Arc-en-ciel
se dénoue dans ce bourdonnement
une aversion tribale
et
l’avenir se coagule