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Vers un plaidoyer pour la bonne gouvernance en Haïti

Jean-Rony Lubin
Conseiller en plaidoyer et communication

Depuis 1987 Haïti a fonctionné dans un vide institutionnel chronique: la non application de la loi sur les collectivités territoriales. Cet état de fait a eu pour consequences l’affaiblissement des institutions étatiques du pays. Les différents gouvernements qui se sont succédé au cours de ces 29 dernières années n’ont, semble t-il, jamais crû bon d’œuvrer en vue de l’application de la loi portant sur les collectivités territoriales pourtant clairement définies dans la constitution de 1987 amendée. D’où un vide institutionnel qui n’est pas sans conséquences sur la gestion et.- ou, la gouvernance des assemblées des sections communales, des assemblées communales et départementales.

Nous sommes en 2016. En pleine modernité où la notion de la gouvernance est plus «liée à l’idée de gestion qu’à celle du pouvoir et réapparait à l’intérieur d’un courant de pensée assez hétéroclite au début des années 1990, qui entend redéfinir les processus classiques de prise de décision, en tenant compte de la multiplicité naissante au sein d’un monde en pleine transformation.» (MCD)

«En effet, avec la chute du mur de Berlin qui symbolisait la fin du monde bipolaire, il semblerait que l’État ait perdu son caractère central dans l’action politique, et ce dans trois domaines essentiellement: 1. Le rapport aux pouvoirs locaux; 2. Les régulations économiques; 3. Les relations internationales.

De ce contexte de crise de l’État moderne, il est apparu nécessaire de repenser les rapports entre les différents acteurs, que ce soit au sein des entreprises, dans les États nationaux ou dans le système mondial. Cette nouvelle approche en terme de partenariat de pluralité d’acteurs et de pouvoir multicentrés, rejette l’analyse classique des rapports de pouvoirs concus sur le mode de la verticalité entre autorités ordonnancées de manière hierarchique. Elle privilégie plutôt l’analyse en réseaux, au seins desquels une pluralité d’acteurs échangent et interagissent sur le mode de la coopération ou de la concurrence, ce qui impllique une nouvelle forme procédurale à la fois de prise de décision.» (MCD)

À la lumière de cette nouvelle théorie de la gouvernance de tout État moderne, on est en droit de constater qu’on ne saurait s’attendre à une meilleure performance de l’État haïtien durant les trois dernières décennies. Force est de  constater qu’il ne peut y avoir de la bonne gouvernance en absence d’un levier aussi important qu’est la décentralisation à travers la mise en œuvre et l’application de la loi sur les collectivités territoriales reconnues par la constitution haïtienne.

Qu’entend-t-on par décentralisation?

«La décentralisation est un processus d’aménagement de l’État unitaire qui consiste à transferer des compétences administratives et techniques de l’État vers des entités ou des collectivités locales distinctes de lui». «Elle favorise le transfert des pouvoirs de l’État vers des personnes morales de droit public distinctes de lui et qui disposent d’une autonomie plus ou moins grande en fonction des limites prévues par la loi eu égard à ses champs de compétences.»

Si l’on s’en tient à la définition de la décentralisation susmentionnée, on est en droit de d’affirmer qu’il ne peut y avoir de décentralisation sans la mise en place des collectivités territoriales. La démocratie participative et la bonne gouvernance sont un leurre sans un fonctionnement efficace des collectivités territoriales qui sont le poumon même des mécanismes de décentralisation des différentes structures de l’État. Elles sont l’aspect concret de la décentralisation et la capacité des pouvoirs locaux d’identifier, de piloter, d’animer, de sensibiliser et de décider eux-mêmes de leur destinée dans les limites de leurs champs de compétences et de leurs attributions.

Pourquoi autant de banalisations envers les collectivités territoriales?

Le spectre de la longue dictature des Duvalier plane encore dans «l’imaginaire haïtiens». Ils sont habitués à un pouvoir autoritaire hierarchisé et centré où tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme tout puissant. Les différentes organisations de la société civile, les groupes de défense des droits humains et les instances qui veillent au respect de la constitution semblent se prêter au jeu de banalisation des collectivités territoriales également. Ce constat vient du fait, semble t-il, que la quasi-totalité des gens qui occupent des postes au sein des différentes structures locales que constituent les collectivités territoriales n’ont pas de compétences requises en la matière.

Il semblerait également que ce constat ne soit pas un hasard. Les pouvoirs politiques voient une sorte de menace dans la décentralisation en occordant plus de pouvoirs aux collectivités. La république de Port-au-Prince veut avoir le dessus sur tout ce qui se fait sur le plan administratif et politique et ce, même si la constitution amendée de 1987 a dans les article 61 à 84 clairement défini les collectivités territoriales.

Les différents paliers de gouvernement, au sein de l’appareil étatique accorde peu d’importance aux assemblées des sections communales, aux assemblées communales et départementales ainsi qu'au conseil des sections communales et départementales et ajouté à cela le peu de moyens dont ils disposent pour assurer leur fonctionnement laisse comprendre que ces différentes structures ont très peu sinon aucune importance aux yeux des instances décisionelles de l’État Central.

Au regard de ce qui a été fait par le programme de coopération volontaire PCV-Haïti dans le département de l’artibonite dans le cadre de la redynamisation des collectivités territoriales, ayant abouti jusqu’ici à un (CTD) conseil technique départemental, qui a produit un outil de capitalisation solide, cet article se veut un vibrant plaidoyer pour l’appropriation de cet outil et de ce qui a été fait aux Gonaives auprès des groupes organisés des instances décisionnelles pour un renforcement véritables des pouvoirs locaux.

C’est dans la perspective d’un fonctionnement efficace des collectivités territoriales que s’inscrit le mandat d’un Conseiller en plaidoyer et Communication en gouvernance au sein du programme de coopération volontaire (PCV-Haïti), qui es géré part un consortium de quattre ONG du Canada, qui, sous le leadership de CECI, offre un programme d’assistance technique et de solidarité fondé sur la coopération volontaire.

Il faut opter pour un réveil des consciences de la majorité silencieuse et ce, quelque soit l’appartenance politique des uns et des autres, il faut savoir que si on veut faire un pays basé sur les valeurs démocratiques, on ne saurait passer outre les valeurs de la bonne gouvernance qui sous-tendent vers la décentralisation qui est la résultante d’un fonctionnement efficace des collectivités territoriales lesquelles favorisent le leadership au niveau départemental pour la prise des décisions dans les limites des compétences administratives qui les concernent.

Juillet 2016

boule

 Viré monté