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«Galère en autobus»,
un récit à goûter

André Fouad

Publié le 2018-03-13 | Le Nouvelliste

 

 

 

 

 

Galère en autobus, Claude Bernard Sérant • maison d'Edition Toussaint (MET)
2017
90 pages.

S'il y a un problème épineux qui retient l'attention de plus d’un, dès qu'on foule le sol d'Haïti aujourd'hui, c'est bien celui du transport en commun. Nous autres, Haïtiens, nous tissons les toiles d'araignée à notre manière, dans notre sens très poussé de la débrouillardise quotidienne pour l'obtention du pain de vie.

J'ai pris un immense plaisir à savourer l'ouvrage «Galère en autobus» (Premier tome) de l’écrivain-journaliste Claude Bernard Sérant, édité sous les presses de la maison d'Edition Toussaint (MET) – Collection jeunesse – à la fin de l'année 2017.

«Galère en autobus» est un voyage passionnant dans l'univers du transport en commun en Haïti. Rien n'est laissé au hasard par l'auteur avisé qui met en évidence les moindres faits et gestes des passagers de tous poils, commentant les faits importants de l'actualité socio-politique, et même religieuse dans leurs conversations. Huit histoires, les unes plus percutantes que les autres, se succèdent et ne se ressemblent pas. Dans un style limpide, imagé et truffé d'expressions tirées de notre langue vernaculaire qu'est le créole, les dialogues des personnages provoquent le rire, la colère, l'indignation, la révolte, dépendamment de la situation.

Dans l'histoire intitulée «Bouffe et ronron des passagers», mettant en vedette Malatyong, Francis, Viergela, il dénonce la question de la restauration communément appelée «Chen janbe», qui se fait dans des conditions sanitaires les plus douteuses. L'insalubrité revient à l'ordre du jour.

«Si je savais que tu allais accepter, je ne t’aurais proposé, dit-elle, en envoyant au fond de sa bouche, le contenu tassé dans le creux de sa main.»

«Pendant que les jumelles s'empiffraient, éructaient, d'autres avaient l'eau à la bouche et bâillaient. Francis et Annie, de leur côté, faisaient craquer des papitas sous leurs dents tout en jetant un regard sur les chaudières de manje kwit préparé près de la pile de fatras et sur les passagers qui mangeaient copieusement cette nourriture».

Dans «Bagarre entre travayè», il revient sur la question de la violence qui ronge la société haïtienne avec la confrontation de «Malatchong» et de «Balendjo Awoyo». Bien qu'elles soient différentes dans leurs approches, toutes les histoires ont le même dénominateur commun – la dénonciation du désarroi, du mal-être des passagers dans les autobus tant à la capitale que dans les villes de province.

L’écrivain-journaliste Claude Bernard Sérant fait preuve d'un rare talent de narrateur dans la tradition d'un Justin Lhérisson, d'un Fernand Hibbert et, plus près de nous, d'un Gary Victor en parfaite harmonie avec le réel haïtien.

«Lage m Sodo! An n al Sodo, répète, sans arrêt, comme une mélopée, Malatyong, le travayè de l’autobus Vierge Miracles. En quête de passagers, cet assistant, bon à tout faire, crie au milieu des ronrons des moteurs et la clameur des marchandes de la Croix-des-Bossales. Il va ici, il va par là, charge des sacs, vend des tickets, rend la monnaie, engueule les gens à la ronde, dans l’étouffante chaleur du mois de juillet.»

On sent, chez Sérant, le désir de toucher la plaie du doigt, d’explorer la problématique du transport en commun à travers des personnages issus de différentes classes sociales.

Accompagné de vivantes illustrations et de trois rubriques («Mon lexique», «Mes points d'interrogation», «Mes matières à réflexions», Galère en autobus de Claude Bernard Sérant, se révèle un bel ouvrage à caractère didactique que la maison d'Edition Toussaint (MET) met à l’honneur. Ce matériel peut servir à nos écoliers et étudiants à mieux cerner, à mieux appréhender ce réel haïtien à la fois tragique et comique.

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