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Moi, poète d’expression créole

 

Publié le 2017-12-26 | Le Nouvelliste

 

 

 

 

 

 

 

Depuis l'année 1983, le 20 octobre est décrété par l'Unesco «Journée internationale de la langue et de la culture créoles ». Plus de 19 millions de gens à travers la planète Terre sont des créolophones. Ils viennent, entre autres, de Guadeloupe, de Martinique, d’Haïti, de la Réunion, des Iles Seychelles, de Guyane française, des îles Mandingues, de l'île Maurice, de Dominique et Sainte-Lucie, pour les créolophones dont la langue est à base lexicale française.

En effet, mon expérience avec la langue créole ne date pas d'hier. Dès mon adolescence, j'ai manifesté un intérêt particulier, un amour sans précédent pour le domaine littéraire, notamment la poésie d'expression française et surtout créolophone. Avec l'aide, les conseils salutaires des journalistes critiques d'art, en l'occurrence feu Gary Augustin, l’éditeur Rodney Saint-Eloi, le romancier Dominique Batraville et l’écrivain Lyonel Trouillot, j'ai publié mes premiers poèmes dans l'anthologie Conjonction «Lamadel 100 poèmes créoles» de l'Institut français d'Haïti en 1992.

L'année 2000, ce fut un tournant décisif dans ma carrière en tant que créateur- poète, j'ai mis en circulation mon premier ouvrage poétique «Bri Lan Nwit» (juin 2000, éditions Page ailée), une initiative de deux passionnés de la littérature, en l’occurrence Jean-Euphèle Milcé et Wilkair Fegond. À dire vrai, j'affectionne la poésie aux accents révolutionnaires de Georges Castera, l'engagement-citoyen de Félix Morisseau Leroy durant les années 50-60, l'érotisme de Syto Cavé, le réalisme merveilleux chez Dominique Batraville et Manno Ejèn, le spiralisme de Franck Étienne.

En fait, la poésie créole m'a toujours interpellé, tant par sa force, sa puissance et sa véracité, son hardiesse, son humour, ses multiples interprétations dépendamment de la région ou l'on réside, comme l'aurait dit Stéphane Mallarmé, l'une des figures de proue de la poésie moderne. «Il faut donner un sens aux mots de la tribu.»

Chaque mot, chaque phrase, chaque proverbe puisé dans notre langue vernaculaire traduit en quelque sorte le vécu, les aspirations, les tourments, les désidératas de notre peuple, de notre nation ayant connu tant de calamités que de dures épreuves à travers l'histoire de l'humanité. En ce sens, écrire pour moi en créole se révèle au fil du quotidien un combat permanent, un combat incessant dans notre société ravagée par les préjugés, les clivages sociaux pour le triomphe enfin de l’idéal du vivre-rnsemble.

N'est-ce pas l'objectif de la littérature comme l'a souligné le théoricien bulgare Tzvetan Todorov dans son livre culte «La littérature en péril»? «Elle peut nous tendre la main quand nous sommes profondément déprimés, nous conduire vers les autres êtres humains autour de nous, nous faire mieux comprendre le monde et nous aider à vivre.»

Aujourd'hui plus que jamais, à l'heure où l'on parle de globalisation, il s'avère nécessaire que les autorités puissent créer plus d'espaces pour la langue créole dans les médias, les réseaux sociaux, les universités, car elle reste et demeure une langue à part entière, ayant ses propres repères, ses propres règles et son propre champ lexical. Alors j'écris en créole, donc j'existe en tant que citoyen de l’île des 27750 kilomètres carrés.

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