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«Mélodie des mots II»

Publié le 2021-08-18 | Le Nouvelliste

Roland Léonard

On a beau faire, on a beau dire: définitivement la musique, la chanson et le disque sont les meilleurs véhicules et média pour amener la poésie vers le grand public. Cela saute aux yeux. Cette évidence est de plus en plus incontournable, en dépit du caractère grincheux, aristocratique de certains poètes, introvertis, navrés et opposés à ces complaisances envers une audience plus large et populaire.

Dans le fond ce n’est pas nouveau, c’est un retour aux origines des choses, de cet art vers sa source: l’oralité.

Dans beaucoup de civilisations anciennes, au commencement était la chanson, au commencement était le dire musical ou «Canso», débouchant insensiblement sur le poème dit mais accompagné musicalement (lyre, harpe, cithare, N’Goni… etc.). Les psaumes de la Bible étaient chantés ; ils sont d’un usage verbal depuis des siècles jusqu'à nos jours.

Beaucoup de modernes, souples d’esprit, ont su tirer profit intelligemment de ces moyens de diffusion, de vulgarisation, élargissant leur public. Comme Aragon avec Léo Ferré, Jean Ferrat et Brassens, comme Louis Amade avec Gilbert Bécaud, comme Paul Fort avec Brassens. Chez nous, il y a Syto Cavé avec Boulo Valcourt et Réginald Policard… et l’excellent André Fouad avec Wooly Saint-Louis Jean.

André Fouad est un jeune poète très branché musique, très fasciné par cet art et ses genres savants ou populaires tels le jazz, la bossa-nova, la musique folklorique de chez nous, il est donc logique et naturel qu’il ait pensé à une symbiose et une osmose entre les deux domaines. Dans son CD «Mélodie des mots II», Wooly Saint-Louis Jean est son complice, mettant en musique et chantant six de ses poèmes sur un total de douze. Les six autres sont dits avec chaleur, diction et émotion par Fouad. Soit une alternance régulière du dit et du chant, accompagné à la guitare. Des interludes et préludes musicaux de Tom Mitchell, entre chaque pièce, soulignent l’importance de la musique.

Présentation

Douze pistes alternant régulièrement les voix du poète-diseur André Fouad et du compositeur-interprète Wooly Saint-Louis Jean:

1- «Se konsa» (André Fouad)

Le thème de l’errance en solitaire: «Mwen se yon pye poudre) / Lari deboucante». Pour  compagnon et aiguillon: le vent.

2- «Zanfan Solèy» ( Wooly Saint-Louis Jean)

Accompagné à la guitare électrique, Wooly évoque le pouvoir créateur par le rêve, la poésie et le jeu de l’enfance dans le bidonville de Solino. Oui, malgré la misère les enfants sont joyeux, rient, fraternisent et s’aiment. Bossa-boléro lent, en majeur.

3- « Flè Zili » (André Fouad)

C’est un poème érotique chantant les charmes et le plaisir pris avec une belle créole, une belle Erzulie. C’est une savoureuse équivoque. On peut parler d’une métaphore principale, conductrice, presque «filée» et de métaphores secondaires tout aussi surprenantes et délicieuses, telle celle-ci: «Ou se Djo Kannèl mwen»; clin d’œil à nos compatriotes du Cap-Haïtien.

4- «Renaissance» - (Wooly Saint-Louis Jean)

Accompagné par la guitare et un harmonica en background et «fill-ins»; une transposition presque «bluesy», en mineur, de ce poème de Fouad.

Images mystérieuses et fortes

5- «Latibonit-o» (André Fouad)

Toujours l’errance mais avec peinture de la violence urbaine et partout ailleurs. Hyperboles, métonymies : « Vil yo ap senyen ».

6- «Mak pye» (Wooly Saint-Louis)

Une bien joyeuse et agréable bossa-nova, conçue et chantée par Wooly, grand amateur du genre. Refrain et vers mystérieux «Mwen se yon ti moso lalin toutouni / Van pweze»! En majeur, accords superbes.

7- «Vini vini» (André Fouad)

Superbe. Imagé. Un érotisme «solaire» comme on dit. «Manvi kouri dèyè w kou bann rara nan Léogâne»

8- «Sispann mache» (Wooly Saint-Louis Jean)

Bossa-nova en mineur, jalousie. Même contre la rue personnifiée; mais s’agit-il plutôt de metonymie par association : les badauds, les passants, les politiciens, les voyeurs ? Possible.

9- «Frekans tan an» ( André Fouad)

Toujours le thème du vent. Le vent est personnifié : « Van an bade, Van an boude »

10- Kpris van an (Wooly Saint-Louis Jean )

11-  Tololo (André Fouad)

12- Rèn solèy, Rèn Chantrel (Wooly Saint-Louis Jean), meringue populaire un peu rara. En mineur. «Demonte moulin».

Un assez bon travail qui plaira aux amants et amantes de la poésie comme de la chanson.

Personnel

Diseur et auteur (poète): André Fouad

Vocaliste, chanteur: Wooly S.L. Jean

Guitare et arrangements: Sylvaint Hilaire / Wooly.

Flûte-interludes: Tom Mitchell

Harmonica: Eddy «Didi» Crève-coeur # 4

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Viré monté