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Général Jean-Jacques Dessalines: Héros noir
campé théâtralement dans une dimension de l'occultisme

 L'interprète : Badiona Bazin honore sa mémoire

HAÏTI 200 ANS… UN NOUVEAU CHAPITRE

Auteur Germain Gervais
Direction artistique et Mise en scène Maka Koto

Marie Flore DOMOND

Jean Jacques Dessalines

Jean Jacques Dessalines par Serge MOLEON BLAISE, 2003. Carrie Art Collection

Un dramaturge peut exercer du droit fondamental de réincarner un personnage au gré de sa fantaisie en utilisant les artifices adaptés à l'époque et aux circonstances de son récit.

L'auteur de la pièce, HAÏTI 200 ANS… UN NOUVEAU CHAPITRE a voulu dénouer un des nœuds retors de l'outrageante faussé qui sépare les aïeux de la Nation haïtienne de leurs successeurs. Il a donc fait subitement sauter le masque de la menace qui a toujours plané à l'effet que les morts pouvaient «se retourner dans leur tombe» en cas de désobéissance. Une simple expression transposée en démonstration de force. Laquelle force surnaturelle qui est commandée pour rappeler la violation d'un pacte historique et le lien irréductible qui attache chacun de nous à nos libérateurs.

Du théâtre de patriotisme sur demande

Haïti 200 ans...

Comment concevoir cette prescription! Serait-ce une sommation, un ordre formel à l'égard du peuple de la Nation haïtienne qui viserait à régulariser leur force vitale? On ne saurait ressusciter des héros de ce récit historique sans précédent pour le simple plaisir de chevaucher l'écriture théâtrale.

Le fait est que cette pièce a été inspirée sur commande. Et cet endossement a été pris par les membres de la Coopérative de Solidarité des Haïtiens du Québec (CSHQ) qui, à première vue, a jugé nécessaire de mettre sur la sellette les festivités du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti.

S'il s'agissait d'un besoin culturel, l'auteur n'aurait pas entrepris une action de résurrection des protagonistes fondateurs. Sur ce point, j'insiste; je persiste s'il le faut.

La tentative de rétablir le contact avec les esprits ancestraux afin d'exorciser un mal, le mal de s'unir, de consolider notre énergie et nos potentielles, nos valeurs ne ressemble en rien au procédé qui canaliserait les sentiments d'une reconnaissance symbolique à l'endroit de nos figures bâtisseurs dans d'autres circonstances. Le motif initial de cette pièce, à mon avis indique la voie de la résolution: gage du renoncement définitif à nos lacunes, nos tares, notre passivité maintenues dans la complaisance d'anciennes victoires.

L'engagement de renouveler les éléments de base véritables en tant qu'héritiers capables d'achever une œuvre révolutionnaire débutée par nos génies noirs du prix de leur sang et de leur vie. Gardons à l'esprit la fameuse théorie d'un de nos compatriotes.

«La formation historique est une obligation civique et morale: le devoir de vérité.» Wesner Emmanuel, Sénateur et professeur d'histoire.

Germain Gervais - Dramaturge, cinéaste,producteur et réalisateur

Cabale

La diaspora haïtienne s ’interroge à l’écran
sur la double citoyenneté.

Cet artisan s'y connaît en cinéma d'auteur. On se souvient de son long métrage mi-documentaire, mi-fiction: CABALE porté à l'écran à l'été 2000 et qui a provoqué beaucoup de remous au sein de la communauté haïtienne. La double citoyenneté. «La double citoyenneté improprement parlée double nationalité et toute la kyrielle de questions qu'elle soulève entre Haïti et sa diaspora, est le sujet traité dans ce film alternant mise en scène et documentaire. Le réalisateur Germain Gervais a franchi un pas décisif en portant à l'écran un questionnement propre à sa communauté ''déracinée '' (…). - Marie Flore Domond - RÉFÉRENCE Magazine International, volume 1, No 6, Avril 2001- Juin 2001.

Cabale

Tournage d'une scène. De gauche à droite :
Nathacha Paris (assistante-réalisatrice), Judith Lecompte (perchiste),
Eric Godin (directeur photo), Germain Gervais (scenariste-réalisateur)

JEUNESSE DANS L'OMBRE est sa toute dernière réalisation. Autre que le septième Art, il fait montre de sa grande sensibilité et de sa perception unique de la nature humaine quand il chevauche l'écriture théâtrale. Le dramaturge prend plaisir à jeter un regard tantôt sérieux sur les événement marquants, tantôt un clin d'œil amusant sur les petites histoires de la vie courante.

Le mot clin d'œil est bien choisi pour désigner la courte fréquence du message que le créateur veut transmettre sur le plan artistique. La plupart des pièces formant son répertoire à ce niveau, se caractérisent en ketchs d'une durée de 30 minutes. BRASEWÒS et GADE ON LANMOU sont de ceux-là. On peut dire qu'il a un penchant créolophone.

Il est pointé comme étant celui qui favorise le cinéma d'intello à la manière de Woody Allen. Observateur, discret, affable, son sourire en dit long sur l'intensité de ses émotions.

Jeunesse dans l'ombre

Le maître d'œuvre a opté pour un décor funeste où les morts surprennent les vivants dans leurs rituels traditionnels. Le cimetière devient le plateau central d'un panorama à deux niveaux. La rétrospective de la vie des ancêtres défile successivement en hauteur (danse folklorique, lutte, confrontation, mode de vie, habitation, champs, plantations, combites et autres) Tandis que les esprits dominants formulent leurs complaintes et hantent les vivants qui franchissent leur lieux de repos. C'est ainsi que manifeste le Général J.J. Dessalines, vaillant guerrier et intrépide gouvernant. Le héros s'insurge dans la vie moderne en exigeant des comptes à travers un débat animé. De son côté, le public semblait si froid...

Maka Koto

Maka Koto: Acteur, comédien.
Metteur en scène et directeur artistique de la pièce
Haïti 200 ans…
Un nouveau chapitre
Actuel député de Saint-Lambert
1er député africain à siéger à la Chambre
des Communes à Ottawa.

Rien ne se passe réellement dans l'obscurité. Des faisceaux lumineux sont projetés sur les tombes, signe évident, que le réalisateur n'a aucunement une vision fataliste. Un excellent travail au niveau de l'éclairage. Une bonne maîtrise des mouvements de la troupe de danse MAPOU GINEN. Par moment on dénote une certaine discordance de la musique d'accompagnement par rapport au contexte des événements. Toutefois, il faut bien rendre justice aux prestations des reines de la chanson traditionnelle haïtienne. En l'occurrence, Yanick Dutelly, Barbara Guillaume et Meryem Saci.

La part de vérité dans le fonctionnement du réalisme merveilleux

Le Général, J.J. Dessalines interprété magistralement par le comédien et animateur Badiona Bazin se veut personnage immortel traversant la dimension de l'au-delà accompagné de son âme sœur éternelle, Solette Milius dit Claire Heureuse.

Dure réalité, ils sont accueillis comme des intrus en raison de la méconnaissance de l'histoire du jeune Fara Flériscar alias Thomas qui incarne la nouvelle génération. D'ailleurs, il porte bien son nom. Incrédule, entêté arrogant par surcroît, il confond grossièrement la bravoure à l'insouciance. L'intermédiaire des deux mondes (réel et imaginaire), Rony Bastien, surnommé le fou n'est si cinglé qu'on le pense. Car, il pose à chaque intervention un regard réaliste sur les faits. «Dans ce pays les balles pleuvent comme la pluie elle n'épargnent ni les adultes, ni les enfants, ni les nouveau nés.»

Quant aux deux protagonistes complémentaires, d'un côté Joanne Degand, l'excentrique Catherine complique la situation en faisant fie à la croyance vodouesque au profit de sa foi chrétienne et Gérald Joseph dit Paul prouve son endoctrinement inébranlablement des coutumes de son peuple au-delà du temps et des frontière.

Cependant, les thèmes évoqués, entre autres la solidarité pour soutenir et justifier ladite cause me semble désuets. Pour l'haïtien l'appel à la solidarité est un sujet réchauffé, dépassé, ruminé à répétition démesurée. Il nous faudrait d'abord bannir notre culture de traîtrise qui engendre la méfiance pour enfin atteindre la maturité du rassemblement, l'alliance ensuite, envisager le rapport d'égalité.

Des fondateurs exemplaires

S'il faut désigner des personnalités influentes parmi nos aïeux, l'Empereur J.J. Dessalines et son épouse, Claire Heureuse se retrouvent en tête de la liste.

L'histoire retrace l'impératrice comme la figure dominante de toutes les dames de son temps. Une parfaite héroïne dit-on. Première infirmière de guerre, elle ne craignait ni danger ni obstacle pour déployer son aide humanitaire, principalement à la guerre du Sud où elle soignait les malades, s'occupait de la nourriture, regroupait les jeunes femmes en vue d'une formation similaire à la sienne.

Comme elle exerçait une grande influence sur son mari, elle n'hésitait pas d'intervenir dans des conflits que confrontaient le chef d'État afin d'imposer ses conseils qui se sont toujours avérés judicieux. Autrement dit, derrière tout grand homme abrite une femme. De nombreux éloges ont été recueillis à l'égard de l'Impératrice. Femme légitime de l'Empereur Jean-Jacques Dessalines.

Les sujets affirment que c'était une impératrice de bon cœur qui a sauvé la vie de beaucoup de monde. Les conditions de devenir l'épouse de son prétendant étaient basées sur un ultimatum à l'effet qu'il libère d'abord tous les prisonniers politiques avant qu'elle lui accorde sa main. Du chantage émotionnel ou exercer le pourvoir d'influence? A vous de choisir!

Nous en sommes encore au point de la réouverture du manuscrit de la saga historique d'un des héros haïtiens de façon spectaculaire, à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti. On nous raconte la vaillance et la bravoure des hommes et des femmes d'honneur, d'une époque de victoire. Mais il nous reste à triompher de toutes nos privations actuelles. Terminons sur cette pensée.

«La première loi qui s'impose à l'histoire est de ne rien oser dire de faux, la seconde d'oser dire ce qui est vrai». - Cicéron  

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 Viré monté