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Université d’État d’Haïti: Qui a peur de la Réforme?

Fritz DESHOMMES

Plusieurs articles parus récemment dans les  quotidiens Le Nouvelliste1 et  «Le National»  situent la crise à l’UEH dans un débat entre les traditionnalistes et les réformateurs.  L’actuel Conseil Exécutif et la plupart des membres les plus anciens du Conseil de l’UEH (CUEH)  feraient partie du camp des traditionnalistes, garants du statu quo, tandis que certains  jeunes professeurs, -  notamment Hérold Jean-Pois2, Lune Roc Pierre-Louis3, Samuel Regulus4, Rochambeau Lainy5 -  plaideraient  résolument en faveur du changement au sein de l’institution.

Le texte qui suit relate la séquence et la tournure des débats au sein du Conseil de ‘UEH sur l’Avant-Projet de  loi organique de l’UEH6. Il montre que ceux qui se présentent comme les réformateurs sont exactement ceux qui  s’en sont pris aux propositions de vraie réforme,  ont ruiné  l’essentiel des innovations introduites par la Commission de Réforme et se sont systématiquement opposés aux débats sur le dit Avant-Projet et dans les Facultés et dans la société civile. Ils avaient réussi à dégager une «majorité automatique» dont certains anciens membres se sont entretemps ressaisis7.

Tout a commencé le 27 mai 2015. L’on s’acheminait doucement vers la finalisation de l’Avant-projet de loi organique de l’UEH, version Conseil de l’Université (CUEH). Les débats sont conduits par une «majorité automatique», mise en branle depuis que la Commission de Réforme eut à proposer des changements substantiels8 dans la composition de l’instance suprême de l’Université, dans le mode de désignation des dirigeants, dans l’organisation générale de l’institution, à la recherche d’une gouvernance plus responsable, plus efficace, plus dynamique, plus inclusive9.

Pour cette majorité, il fallait veiller au grain, filtrer les thèmes de discussion et surtout éviter que les débats ne prennent une tournure "incontrôlable".

Dans cette perspective, tout sera fait pour ignorer les analyses, commentaires et recommandations jugés «politiquement incorrects», pour circonscrire les débats au sein du Conseil et éviter que la Communauté ne s’y mette, pour refuser tout regard «externe», tout apport de personnes extérieures au Conseil. Même sur des aspects qui réclament une compétence technique particulière.

Avec une seule exception: l’organisation académique. Plus précisément, la répartition, la (re)distribution des disciplines entre les facultés. L’on acceptera de faire appel à des experts en la matière. Pas prioritairement pour des raisons techniques. Mais essentiellement parce que les enjeux de pouvoir sur ces questions  sont tels que même au sein de ladite «majorité»’on n’est pas arrivé à s’entendre.

L'effet "Brase Lide"

Point n’est besoin de préciser que dans un tel contexte les lettres que nous avions adressées au Conseil sur divers aspects de la loi organique, de Juillet à Décembre 2013 sont totalement ignorées…

…Jusqu’ à cette séance mémorable du 27 mai 2014. Signe annonciateur: l’atmosphère plus convivial que d’habitude. Très vite et sans que le contexte ne s’y prête vraiment, des points déjà débattus et déjà «résolus»  sont soulevés, sans raison apparente. Et qui pis est, par des membres éminents de la «majorité automatique». Parmi les thèmes «ressuscités», mentionnons:

  • La représentation du personnel administratif à l’organe suprême de l’institution;
     
  • Les modalités des élections pour la désignation des dirigeants des organes exécutifs (décanats, rectorat): candidatures  individuelles, cartels ou élection du seul personnage (recteur, doyen) lequel choisirait ses collaborateurs (vice-recteurs, vice-doyens);
     
  • L’idée de soumettre le document en discussion à un regard «externe»;
     
  • Jusqu'à la perspective des débats dans les Facultés une fois le texte finalisé au CUEH.

Pour bien comprendre le changement, il faut rappeler que ce sont des points sur lesquels la réponse courante était invariablement: "pas question”; ou "à éviter à tout prix. Que s’est-il passé exactement? Comment expliquer un tel revirement,  qui a surpris les uns, désemparé les autres, rendu sceptique plusieurs?

Le saura-t-on jamais? On ne peut s’empêcher de constater que cette séance s’est tenue une semaine pratiquement après la sortie de «Brase Lide sou Refòm nan Inivèsite Leta d Ayiti10», sorte de compilation systématisée et traduite en créole des multiples lettres adressées par l'auteur au CUEH et pointant du doigt de multiples lacunes de la loi organique  dont ceux relatifs aux aspects susmentionnés.. Des références,  timides et voilées, y ont même été faites à cette occasion. Opération de "damage control"? Tentative de jeter du lest sur l'accessoire pour sauvegarder l'essentiel?

Entre parenthèses, notons que certains collègues de la majorité automatique, sans aller jusqu'à l'exprimer ouvertement se sont poses la question de savoir s'il est correct de publier sans une autorisation spéciale les documents distribues par le Conseil. Ils se sont vite rendus à l'évidence que la nature même du Conseil et sa composition font de ces documents des documents publics une fois distribues, étant donné que les représentants des entités et des composantes ont le devoir de les partager avec leurs mandants. Voilà une raison supplémentaire pour questionner la composition de l'organe suprême, envisager les aménagements appropries au niveau des organes de direction de l'Université et faire la différence entre le Conseil d'Administration et le Sénat de l'Université.  Fermons la parenthèse.

En tout cas, de cette séance bon enfant,  est sortie une résolution apparemment anodine mais ô combien lourde de conséquences: le CUEH confie au service juridique du Rectorat le mandat de mettre le texte en cohérence et de lui donner une forme juridique appropriée. Un délai de 5  jours est accordé à partir de la date de réception du document.

Le rapport Dorval

Le rapport de Me Monferrier Dorval11 est présenté lors de la session ordinaire tenue du 6 au 8 juin 2014. Il apporte de l’eau au moulin de ceux qui, depuis quelque temps,  tirent la sonnette d’alarme pour dire que le texte n’est pas encore prêt pour être soumis au Parlement. Les lacunes relevées par le Conseiller Juridique sont de plusieurs ordres:

  • Impropriétés de termes;
  • Confusion sur la nature et les attributions de certains organes (CA, AGUEH, CE)
  • Organisation du texte;
  • Organisation de l’institution;
  • Incohérences diverses.

Un point sur lequel le Conseiller s’est appesanti: la problématique de l'indépendance de l'UEH.

Confusion sur toute la ligne. L'UEH est-elle indépendante? Est-elle autonome? Se référant aux prescrits constitutionnels en la matière et aux dispositions du décret de 2005 sur l'Administration Publique Nationale, Me Dorval établit nettement la différence entre les deux. Tout en regrettant que le texte de l'Avant-projet pourrait laisser croire que le statut privilégié serait celui de l'autonomie.

L'article 1er, indique-t-il, "fait de l’Université d’Etat d’Haïti une institution autonome. La formule selon laquelle "l’Université d’Etat d’Haïti est dotée d’autonomie et classée parmi les institutions indépendantes» semble privilégier l’autonomie sur l’indépendance".

"Ce choix implique des conséquences juridiques distinctes de celles d’indépendance. L’autonomie implique la tutelle, l’indépendance exclut la tutelle".

Le document  de Me Dorval se termine par une proposition de réorganisation du texte,  en termes de titres, sous-titres, chapitres, sections, sous-sections, en vue d’une meilleure cohérence et d’une plus grande rationalité.

Le CUEH a dû se rendre à l’évidence: le travail est loin d’être achevé. Une nouvelle  résolution est prise séance tenante: formation d’une commission devant encore travailler sur la loi organique. Sa mission est de «rechercher la cohérence globale de la proposition d’Avant-projet de loi et sa mise en forme juridique12». Elle est composée des professeurs Raymond Noel, Antonine Phigareau, Rochambeau Lainy, et de l’étudiant Balthazar Henry-Claude. Elle bénéficiera de  l’accompagnement du service juridique. En outre, il est admis que «le texte sera finalisé avant d’être envoyé dans les Facultés pour débats13».

Nouvelle Commission, nouvelle version de l'Avant-projet

Faut-il rappeler que tous ces points ont été signalés par lettre au CUEH en date du 22 juillet 2014. Nous avions même expliqué que la Commission en question, à l'époque avait travaillé, sur une version attardée de la loi organique, entretemps bonifiée par la Commission de Réforme (sur demande et instructions du Conseil lui-même). On pourrait se demander pourquoi a-t-il fallu attendre un an pour en tenir compte? Pourquoi a-t-il fallu que les considérations et suggestions deviennent publiques, à travers la sortie de l’ouvrage, pour qu’elles aient l’heur d’émouvoir les collègues de la majorité automatique.

En attendant,  revenons à la Commission Balthazar-Lainy-Noel-Phigareau.

L’ampleur de la tâche requise aura nécessité plus de trois mois de travail. Dans son rapport soumis le 2 octobre 2014,  la Commission souligne avoir:

  • relevé un ensemble de confusions, de manquements ou d'imprécisions, appelés points critiques, sur lesquels il est souhaitable que le Conseil de l'Université se prononce de façon non équivoque;
     
  • proposé une structure organisationnelle qui rende l'UEH plus lisible;
     
  • souligné les principes et valeurs qui sous-tendent l'organisation et le fonctionnement de l'UEH"14.

En réalité, cette nouvelle version de l'Avant-projet (octobre 2014) représente un pas qualitatif important:

  • Elle  est mieux écrite, mieux structurée, plus lisible;
     
  • Elle se positionne plus clairement sur des questions fondamentales, notamment celles relatives au statut constitutionnel de l’UEH;
     
  • Elle  est plus inclusive, le personnel administratif y trouve droit de cité;
     
  • Elle propose une organisation administrative plus rationnelle, précisant un peu mieux les rôles et les fonctions.
     
  • Elle  permet de récupérer plusieurs innovations introduites par la Commission de Réforme;

Bien entendu, la Commission n’a pas osé traiter frontalement certains points fondamentaux, notamment les questions qui fâchent comme l’introduction de représentants en provenance d’autres secteurs de la société, la restructuration de la composition de l'organe suprême,  pour ne citer que cela. Elle a préféré les  aborder indirectement sous la rubrique de «points critiques», lesquels devraient faire l’objet de débats supplémentaires. Par la même occasion, elle recommande la tenue de débats facultaires et d’un débat général.

Pas moins de 22 points critiques

Il est intéressant de lister les points critiques15 identifiés:

  1. Constitution de l'Assemblée Générale
  2. Nature et Composition du Conseil Consultatif Externe
  3. Composition des organes de consultation
  4. Conditions d'éligibilité des recteurs
  5. Président de l'AGUEH vs Recteur de l’UEH
  6. Modalité de désignation du Secrétaire général
  7. Attributions des recteurs, vice-recteurs, chanceliers, doyens
  8. Nombre de vice-recteurs
  9. Mode de présentation aux élections (cartel ou individuel)
  10. Catégorisation du personnel académique et scientifique
  11. Protecteur de l'université
  12. Sécurité universitaire
  13. Régime général et Régimes spéciaux
  14. Régimes pour les formations de cycle court, d’ingénieurs et de médecins
  15. Symboles (logo, devise, emblème, couleurs) de l’UEH
  16. Dénomination des responsables d’UFR
  17. Conseil exécutif vs Rectorat
  18. Directions techniques et administratives
  19. Mandat des élus (recteurs, chanceliers, doyens, directeurs de département)
  20. Intitulé des diplômes
  21. Admissions à l’UEH
  22. Ordre universitaire

Au niveau de la "majorité automatique", stupeur. Panique presque. Car avec plus de 20 points critiques, presque plus de tabous. Tout redevient discutable. Le risque demeure qu'il en sorte une véritable réforme, propre à faciliter un fonctionnement plus responsable et plus efficace de l'institution.

Mais cette  majorité, un moment désarçonnée,  se reconstitue très vite. Les changements proposés n'en étaient que trop. D'autant plus que l'impact pressenti et craint de la parution de "Brase Lide ..." ne s'est pas confirmé. L'ouvrage est écrit en créole et n'est pas lu par un large public. Elle se rend compte que l'opération "dammage control" n'est plus nécessaire.. C'est pourquoi des points sur lesquels elle paraissait prête à des concessions lors de cette  mémorable session du 27 Mai 2014 font une fois encore l'objet de revirement, cette fois dans l'autre sens, notamment l'intégration du personnel administratif à l'organe suprême, l'admission de cartels électoraux et même les débats dans les Facultés,...

Majorité automatique et minorité silencieuse

Par la même occasion, l'on découvre qu'il existe au sein du Conseil une "minorité silencieuse" qui n'ose pas toujours s'exprimer mais qui reconnait les dérives et errements constates tout au cours du processus d'élaboration (ou de réélaboration) du document et qui est prête à s'animer quand l'occasion parait favorable.

Pour revenir à la majorité automatique et à ses réactions, tout en reconnaissant la valeur du travail de la Commission, elle lui reproche d’être allée au-delà de son mandat et d'avoir changé le sens de certaines dispositions déjà convenues.

Elle exige:

  • Une présentation détaillée du contenu du travail de  la Commission;
     
  • Une comparaison article par article entre les deux versions.

Demandes tout à fait légitimes. Qui ont toutefois provoqué un sourire en coin de la part de ceux qui se  rappellent un épisode du même genre datant de mars 2013. Les mêmes acteurs qui, aujourd'hui, expriment ces demandes, justes et fondées, sont ceux-là même qui avaient refusé de s'y plier. Ils avaient été chargés de mettre en cohérence la version de l'avant- projet de loi proposé par la commission de réforme avec leur propre version ainsi que d'organiser des débats dans les facultés. Ils se sont contentés de consacrer leur version, ils se sont battus pour éviter la présentation de leur travail ainsi que la comparaison des deux textes. L'argument soutenu à l'époque pour se soustraire à cette procédure normale, qu'ils exigent maintenant: le temps. On était pressé. Pas de temps pour expliquer ce qu'on a fait, pour permettre de déterminer si le mandat a été respecté. Pas de temps non plus de recueillir les points de vue des mandants. C'était en mars 2013, un an et demi auparavant16.

En vertu de ces manquements, ne serait-il pas légitime d'affirmer aujourd'hui qu'il existe encore deux versions de l'Avant-projet de loi organique de l'UEH: celle de la Commission de Réforme et celle de la Commission du Conseil? Et que la version idéale se situerait entre les deux et s'abreuveraient aux deux propositions?

Mais empressons-nous de fermer la parenthèse, laquelle pourrait être perçue comme une énorme  hérésie. Et revenons vite à la session d'Octobre 2014 et au mouvement de reflux amorcé à l'occasion.

 La majorité automatique s'est donc ressaisie. Elle  a  repris le contrôle des débats et obtenu gain de cause sur nombre de points, au risque de réintroduire les incohérences, contradictions et autres lacunes qui avaient été comblées dans le texte d'octobre 2014. Le texte final sera voté le 2 novembre 201417. Ouf de soulagement pour plusieurs qui se rappellent toutes les péripéties que ce document a connues depuis son dépôt en juillet 2012 par la Commission de Réforme, laquelle y travaillait depuis longtemps. Il était temps!

Flux et reflux

Et puis peu de temps après, nouveau rebondissement. Deux des quatre membres de la "Commission Réformatrice" de juin 2014, Raymond Noel et Antonine Phigareau, montent au créneau. Pour protester en règle contre la version adoptée. Pour dire leur déception face au reflux constaté. Et ils ne manquent pas d'arguments!

Ils commencent par pointer du doigt les modifications apportées à leur version. Ils   expliquent: "les modifications portent sur la représentation dans les organes, la déconsidération du personnel administratif, la suppression de la fonction de Protecteur universitaire, la suppression de la collégialité dans les UFR, l'allégement des critères d'éligibilité aux postes de recteur et de vice-recteur, l'intégration d'un étudiant dans le bureau de l'AGUEH et aussi la suppression de la modalité obligeant le gouvernement à financer et à garantir la mise en application de la loi organique de l'UEH"18.

En foi de quoi, ils regrettent "la précipitation avec laquelle le CU a approuvé un certain nombre de modifications et le fait que tout cela a été mené malgré l'absence de deux membres de la commission Balthazar - Lainy19 - Noël - Phigareau qui ont travaillé ardument sur la restructuration et la bonification de la proposition. Le déficit d'échanges a pour effet malheureux de réintroduire dans le texte une certaine dose d'opacité, de flou et d'incohérence qui aurait été évité", expliquent-ils.

A titre d'exemple, ils soulignent:

  • un sérieux flou existe dans le texte quant au rattachement hiérarchique des organes de consultation de l'UEH;
     
  • il y a une différence notable entre les conditions d'éligibilité académique au niveau central et celles relatives à l'élection des autorités au niveau périphérique;
     
  • l'introduction de l'organe dénommé "conseil académique" s'est faite sans harmonisation avec le conseil scientifique et sans articulation avec l'AGUEH;
     
  • aucun organe n'est désormais chargé de proposer à l'AGUEH les grandes orientations en matière de formation et de coopération;
     
  • la direction des affaires estudiantines a la lourde tâche d'organiser et de superviser les activités para-académiques (???) de l'UEH"20.

"Incohérences, contradictions et points critiques"

Par ailleurs, ils estiment que "la nouvelle version laisse encore beaucoup de points critiques pendants ou insuffisamment définis". Les exemples abondent en ce sens:

  • Attributions des recteurs, vice-recteurs, chanceliers, vice-chanceliers, doyens et vice-doyens
     
  • Nombre de vice-recteurs et vice-doyens
     
  • Contenu des structures administratives existantes (rectorat, décanat) et à créer (chancellerie)
     
  • Mode de présentation aux élections (cartel ou individuel)
     
  • Régime général et Régime spéciaux
     
  • Régime pour les formations de cycle court, d'ingénieurs et de médecins
     
  • Symboles (logo, devise, emblème, couleurs) de l'UEH"
     
  • Directions techniques et administratives
     
  • Intitulé des diplômes.

De telle sorte qu’il reste encore beaucoup de points de débats qui méritent encore des réflexions, des approfondissements et des décisions.

Cela dit, il importe de reconnaitre que par rapport à ce qu’il était avant le 27 mai 2014, le texte a connu des améliorations en dépit du reflux susmentionné.

Mais, dans le même temps, d’autres points fondamentaux méritent d’être abordés:

Comment organiser la composition de l’organe suprême de l’institution, qu’il se nomme Conseil d’Administration ou Assemblée Générale,  de telle sorte que:

  • Ses membres n’ont plus  tendance à privilégier les intérêts des entités qu’ils représentent au lieu de ceux de toute l’université?
     
  • Ses membres ne se sentent plus obligés de prendre parti, perfas et nefas, aveuglément, en faveur du corps auquel ils appartiennent (étudiants, professeurs, membres de décanat) plutôt que d’aller dans le sens de toute la communauté;
     
  • La différence puisse être établie à tout moment entre le Doyen de la Faculté,   hiérarchiquement inferieur au Recteur et au Vice-recteur et le membre de l’instance supérieure, hiérarchiquement supérieur au Conseil Exécutif;
     
  • L’instance suprême retrouve sa capacité de réglementer, d’orienter, de piloter, de sanctionner, etc.;
     
  • Puisse se renforcer et se construire une véritable université, forte de la diversité de ses composantes, unies autour d'un projet, au lieu de ce conglomérat d’entités les unes plus grégaires que les autres, chacun défendant son territoire;
     
  • Notre institution puisse bénéficier de l’expérience, du regard et de la sagesse d’autres secteurs de la société, dont l’Etat, les Collectivités Territoriales, les Associations Civiques et Professionnelles.

Autres questions cruciales

Quelles règles mettre en place pour la désignation des dirigeants – Recteur, Vice-recteurs, Doyens, Vice-Doyens – en termes de conditions d’éligibilité et de procédures électorales, qui permettent:

  • D’identifier les compétences réelles, de choisir les meilleurs candidats;
     
  • De favoriser au niveau des instances exécutives (Décanats et rectorat) les conditions indispensables à l’émergence de l’entente, de la vision commune et de l’unité de commandement;
     
  • D’éviter le clientélisme et toutes ces pratiques qui minent l’autorité des dirigeants.

 
Ne faut-il pas se rappeler que la plupart des fers de lance du mouvement de reflux de 2013 étaient encore jeunes, fougueux, enthousiastes, frondeurs et qu’entretemps, ils ont acquis certaine maturité leur permettant de se rendre compte que:

  • Le grade de docteur ne dote pas de toutes les compétences et de tous les privilèges
     
  • Les étudiants n’ont pas toujours absolument  raison dans leur combat, surtout; quand ils utilisent des méthodes susceptibles de leur aliéner les sympathies et  la solidarité d’alliés naturels tant de la communauté que de la population21;
     
  • Ce ne sont pas toutes les grèves et toutes les revendications lancées par les cellules et syndicats de professeurs  qui méritent d’être appuyées;
     
  • Le statut constitutionnel d’indépendance de l’UEH n’autorise pas à faire n’importe quoi, à ignorer son environnement, et ne décharge pas de l’application des prescrits constitutionnels, légaux, réglementaires ainsi que des principes moraux en vigueur.

Peut-être est-il venu le moment  de créer le cadre approprié pour organiser de sérieux débats et intégrer les apports positifs  de la Commission de Réforme, des différentes Commissions du Conseil, de la Communauté universitaire et des secteurs intéressés de la société. Pour que l’Avant-projet de loi organique de la plus grande université nationale reflète l’expérience des uns, les aspirations des autres, et les espérances de tous ceux qui se  rappellent que l’UEH demeure la propriété de la population haïtienne qui le finance de ses taxes, impôts et contributions diverses.

Fritz Deshommes
Mars 2016

Notes

  1. «UEH: un dénouement qui tarde à pointer à l’horizon», Worlguenson Noel, Le Nouvelliste, 7 mars 2016.
     
  2. “L’UEH déchirée entre réformistes et traditionnalistes”, Stephen Henri, Le National, 7 janvier 2016.
     
  3. “Du vertige bonapartiste a la nausée doctoraphobique, Lune Roc Pierre-Louis,  Le National, 1er  février 2016.
     
  4. Election à l’Universite d’Etat d’Haiti : de la procrastination stratégique à la stratégie du maintien du statu quo”, Samuel Regulus, Le National, 12 janvier 2016.
     
  5. “Dix-Huit ans apres, ou en est l’Universite d’Etat d’Haiti”, Rochambeau Lainy, Le National, 17 décembre 2015.
     
  6. Voir aussi: «Pour un arrêt des activités électorales, Renauld Govain,  Le Nouvelliste 11 mars 2016.
     
  7. Ce texte s’inspire du chapitre IX de l’ouvrage intitule : «Débats sur la Réforme de l’Universite d’Etat d’Haiti», paru en juin 2015 aux Editions Cahiers Universitaires (240pp.).
     
  8. Commission de Réforme de l'UEH. Proposition de loi organique portant organisation et fonctionnement de l'Université d'Etat d'Haïti, version du 23 février 2013.
     
  9. Ces orientations avaient été  établies et validées  par le Conseil de l'Université lors de sa session spéciale de juin 2011. Entretemps, la composition du Conseil a changé substantiellement et les nouveaux venus n'ont pas eu l'opportunité d'être "briefés" par leur prédécesseur à travers une passation en règle. En réalité, c'est aussi l'une des difficultés majeures de cet organe suprême, tel qu'il est composé actuellement.
     
  10. Deshommes, Fritz,  Brase Lide sou Refòm nan Inivèsite Leta d Ayiti, Editions Cahiers Universitaires, Port-au-Prince, 2014, 160 pp.
     
  11. Monferrier Dorval. Commentaires sur l'Avant-projet de loi organique de l'UEH, juin 2014.
     
  12. Procès-verbal de la session ordinaire du CUEH du 6 au 8 juin 2014.
     
  13. Ibid.
     
  14. Commission Avant-projet de Loi Organique.  Rapport au Conseil de l'Université. Septembre 2014.
     
  15. Ibid.
     
  16. Voir Chapitre II du présent ouvrage.
     
  17. Conseil de  l'Université d'Etat d'Haïti.  Avant-projet de Loi  portant organisation et fonctionnement de l'Université d'Etat d'Haïti, 2 novembre 2014.
     
  18. Raymond Noel et Antonine Phigareau. Note au Conseil de l'Université. Envoyée par courriel en date du 24 novembre 2014.
     
  19. Monsieur Lainy dira par la suite qu’il ne se reconnaissait pas dans le travail de cette commission.
     
  20. Ibid.
     
  21. Lettre des riverains de la FASCH, mars 2015.

 Viré monté