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Ayiti

Ma déchirure

par Max Rippon
Poète Marie-Galantais

  à Frankétienne
à ceux qui ont eu la force de rester
à ceux qui ont trouvé le courage de partir

Nancy Casey
© 2003 Nancy Casey.

Ma déchirure

Le jour s’est levé
Plus timide qu’à son ordinaire
Le soleil s’est porté pâle
Ce matin de novembre

Ma mère m’a réveillé…
Infinie douceur à mes oreilles endormies

Mon père m’a furtivement embrassé
Sans questionner mes yeux inquiets

J’avais quatre ans à peine…

Ma mère a soigneusement savonné mon corps
Des larmes de joie coulaient
Le long de mes joues creuses…
Mon corps luisant
Donnait à ma peau une brillance peu commune

Deux dames sont venues
me prirent la main sans oser me connaître

L’une m’a collé de force
Contre la tiédeur de ses seins
L’autre me souriait en silence

J’avais quatre ans à peine…
J’ai été sevré de la vie de mes pairs

Adieu plaines immenses de l’Artibonite inconsolée
Adieu Cité soleil grouillante de soucis trop lourds
Marché Salomon adieu…
Sauve qui peut obligé
              adieu !

Je quitte et fuis mon pays sans au revoir
              à reculons
Je brade mes amitiés légitimes
Sans avoir le temps…
              de les éprouver
Je déserte ma terre en dissident coupable

Je suis la fleur sauvage taillée au cutter
Et ma sève gicle et geint aux alentours
Je suis cette pièce d’ébène
A rouler dans les draps de l’oubli

J’avais quatre ans à peine…

Reverrai-je un jour
Mon Haïti chérie…
Terre ingrate qui me laisse expulser
Comme un crachat mauvais

Terre aride aux mamelons flasques

Ton lait tari creuse des sillons de misère
Dans les cheveux blanchis de ma mère

Adieu cierges dressés
Limitant la cime des mornes rasés
Adieu rizières en soifs

Je demande pardon à vos échines courbées
A vos chairs humiliées
Je fais l’inventaire de vos os décharnés
Hommes de trait des hauteurs de Delmas

J’avais quatre ans à peine…
Ils m’ont adopté
J’étais tout en pleurs
Quand ils m’ont emporté
Vers des ailleurs nouveaux
Laissant peser lourdes
Mes inquiétudes d’enfant
Dans mon cœur blessé à vif

Viré monté