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Aimé CÉSAIRE:
Au bout du petit matin

 

Ceci est la transcription brute et fidèle d’un documentaire de 1977 consacré à l’écrivain martiniquais Aimé Césaire. Pas d’amélioration stylistique comme c’est la règle dans le journalisme. L’interview est menée par Sarah Maldoror. Vous trouverez les références de ce documentaire à la fin de la transcription.

 

 

 

 

 

 

Mairie de Fort-de-France. Photo matinikphoto.com  

Aimé Césaire

(A. Césaire lit un extrait du poème Batouque1.)

«batouque de terres enceintes
batouque de mer murée
batouque de bourgs bossus de pieds pourris de morts épelées
dans le désespoir sans prix du souvenir
Basse-Pointe, Diamant, Tartane, et Caravelle
sekels d’or, rabots de flotaisons assaillis de gerbes et de nielles
cervelles tristes rampées d’orgasmes
tatous fumeux
O les kroumens amuseurs de ma barre !
le soleil a sauté des grandes poches marsupiales de la mer sans lucarne
en pleine algèbre de faux cheveux et de rails sans tramways;
batouque, les rivières lézardent dans le heaume délacé des ravins
les cannes chavirent aux roulis de la terre en crue de bosses de chamelle
les anses défoncent de lumières irresponsables les vessies sans reflux de la pierre
soleil, aux gorges !
noir hurleur, noir boucher, noir corsaire batouque déployé d’épices et de mouches»

A. Césaire. — Je suis né dans un hameau qui s’appelle [Ema2] sur le plateau qui domine le bourg de Basse-Pointe et puis j’ai habité le bourg, j’ai été à l’école ici, tiens! tu vois! Au haut de la falaise. Et ce décor m’est absolument familier. Je dis que ma poésie est née ici et si tu lis bien Cahier d’un retour au pays natal tu retrouves tous ces paysages.

D’abord premièrement ma poésie est une poésie tellurique. Elle est montée de la terre. Et deuxièmement, de quelle terre? Il y a deux Martinique: Il y a la Martinique Caraïbe qui est une terre de joliesses et de douceurs. Et puis tu as le Nord, ça monte, ça crache du feu. Et puis c’est ça (en montrant les vagues déferlantes au large de Basse-Pointe) C’est la barre! C’est la mer qui défonce, qui défonce la cote, qui défonce la falaise.

Et bien c’est vrai tout ça, c’est le coté violent de la Martinique et ma poésie est inspirée de ça. C’est ça pour moi la vraie nature. C’est cela là.

S. Maldoror . — Cahier d’un retour au pays natal c’est ce que tu préfères dans ta poésie?

Je ne sais pas, mais en tout cas c’est celle là qui certainement…, si tu veux disons le plus, le plus documentaire, le plus documentaire et… C’est un poème de jeunesse. C’est peut-être le livre effectivement où j’ai mis le plus de moi-même. Si tu veux, immédiatement, tu vois ce que je veux dire, sans médiation particulière.

Sans réflexion [3 ?] !

Absolument! Absolument!

C’est ce décor là. Et je crois que toutes les métaphores, tout ce qui m’obsède, ça se retrouve dans des décors comme ça. Incontestablement!

Même quand tu parles de l’homme à la pirogue?

Absolument!

Ça pourrait être ici. (A. Césaire montrant la mer démontée de Basse-Pointe). C’est même certainement ici, parce qu’un des plus beaux spectacles — vous ne pouvez pas le voir aujourd’hui — c’est l’arrivée des pirogues. L’arrivée des pirogues qui attendent au large pour prendre le rouleau et qui s’y on n’y prend pas garde ou bien chavire en arrivant ou bien s’écrase contre la falaise.

Basse Pointe
Basse Pointe. Photo F.Palli

Alors pourquoi ce vers «Faites-moi docile comme le poing à l’allongée du bras4 »? C’est beau!

Ah ah eh bien! C’est tout un contraste.

Le poing c’est violent…

C’est violent! c’est violent!

«Docile comme le poing à l’allongée du bras».

Violent et doux. Ça peut être doux si c’est pour la bonne cause. Voilà!

Parle-moi de cette ville5 que tu prophétises belle?

Là c’est l’avenir!

C’est l’avenir.

Ce n’est pas, ce n’est pas réaliste. C’est l’avenir tel que je le conçois.

Mais comment tu conçois l’avenir de la Martinique? Parce que tu as écrit ça quand tu étais très jeune.

Oui mais l’avenir de la Martinique je le conçois comme l’antithèse du présent, autrement dit comme un épanouissement.

Ah! L’avenir peut être que je le conçois comme un arbre et comme une floraison. Ça je crois. Je crois que les images d’arbres, les images de floraisons sont toujours liées pour moi à l’avenir, il me semble.

Mais un arbre droit ou noueux? Parce que tu as vu les arbres de la Martinique.

Oui ils sont couchés

Ils sont couchés, c’est triste!

Non c’est pas triste, à mon avis non. Ils sont couchés par l’embrun, couchés par le vent, drossés par le vent et heu… non l’arbre c’est pour moi le symbole de la croissance. C’est la croissance, la fécondité. C’est l’homme libéré et épanoui et qui s’épa-nouit et qui pousse selon le suc de cette terre et de sa terre, tu vois!

(À Grand-Rivière)

Grand-Rivière
Grand-Rivière. Photo F.Palli

Ici nous sommes à l’extrême limite de l’île.

Oui !

Hein! C’est l’extrême Nord.

Oui !

C’est notre Finistère et en face tu as la Dominique. Il y a une île qui s’appelle la Dominique.

Oui !

Et tu vois ce caractère très particulier du nord de la Martinique. C’est un contraste parfait avec le Sud. Alors il y a la mer, la mer démontée, tu as la montagne, les contreforts de la Pelée, les contreforts de la Pelée. Et alors c’est tout à fait en contraste avec le coté Caraïbe et c’est ouvert sur le large, tu vois!

Oui !

Ce n’est pas du tout le coté claustral de l’île. C’est le coté, au contraire, le coté, c’est le coté grand large.

En général l’île… l’île on a l’impression de choses refermées sur elle-même. C’est un petit peu concentrationnaire une île. Mais là pas du tout. Là pas du tout. Tu me de-mandes un vers. Par exemple: «Toute île appelle» «Toute île est veuve». C’est vrai toute île est veuve d’un continent et appelle autre chose.

Oui !

Mais ici on a vraiment l’impression qu’il y a un appel. C’est l’appel du large et du grand large. Regarde ce soleil extraordinaire, cette lumière, c’est prodigieux! Toutes ces criques hein! on appelle ça ici des anses. Et des plages de galets et de sable noir.

Philodendron giganteum
Philodendron giganteum. Photo F.Palli

Quand on pense que il y a la forêt vierge à dix kilomètres de Fort-De-France avec les fougères arborescentes, des arbres extraordinaires, des lianes grimpantes sur chaque arbres, des épiphytes sur chaque arbre, des draperies extraordinaires, des montagnes végétales et puis ici vous avez des bouts de Mexique bouts de terre pelée avec des cactus et des cierges. C’est quand même extraordinaire.

C’est un pays qui a quand même cent kilomètres de long environ, et trente-cinq de large donc par conséquent c’est grand comme le creux de la main. Mais ensuite deuxièmement le Martiniquais est extrêmement mobile. Je crois que c’est un homme qui aime la nature. D’ailleurs le Martiniquais n’est pas un urbain, ce n’est pas un homme de béton et d’asphalte, pas du tout. C’est un homme d’arbres. C’est un homme de fleurs. Tu n’as qu’à voir partout les jardins. Chacun a un jardin et des fleurs plus somptueuses les unes que les autres. D’ailleurs il y a des modes florales. On introduit chaque jour des fleurs nouvelles. On peut dire qu’ici le nombre de fleurs introduites est sans commune mesure avec le nombre de fleurs que par exemple aurait trouvé Christophe Colomb. Il y a des fleurs qui viennent du Japon, qui viennent de Chine, qui viennent de l’Inde, qui viennent d’Océanie. La flore est extraordinaire. C’est une des grandes beautés de l’île et l’homme martiniquais est très conscient de cela.

L’arbre, la fleur, le paysage, la mer et l’arbre c’est un motif qui m’a toujours inspiré. Sa beauté, toute la philosophie qui peut se greffer autour, son symbolisme c’est une chose qui me touche infiniment. Nous faisons parti, nous sommes tous influencés par le cadre dans lequel nous avons vécu.

Je crois que ma poésie par exemple est absolument inséparable de la Martinique, est inséparable de la nature tropicale. Parce que c’est cette nature qui a fait ma sensibilité et qui a fait de moi ce que je suis. Je suppose que si j’étais né dans les steppes ou dans les forêts nordiques cela aurait été autre chose.

(Solo de saxophone)

Si je devais définir ma poésie je dirais d’abord que c'est une poésie disons qu’elle serait péléenne. Tu sais que le volcan de la Martinique s’appelle la Montagne Pelée. Elle est péléenne dans la mesure ou je crois que c’est une poésie qui naît, heu… disons je ne dirais pas d’une longue maturation, ce serait faux, mais d’une longue accumulation et d’une brusque explosion. Je crois que c’est ça. En général les matériaux s’accumulent et puis brusquement il y a une explosion. C’est un petit peu un caractère très martiniquais que celui là et c’est également le caractère de ma poésie. En général, je ne me mets pas du tout à une table pour écrire des poèmes ou bien pour écrire un poème.

Ce qui me vient d’abord à l’esprit c’est d’abord un mot, un mot. Comme dirait Kafka ce n’est pas la phrase mais c’est le mot et si y avait un mot qui pouvait contenir tout moi-même mais il se suffirait à lui-même. C’est un mot, deux mots, quelques mots, quelques mots qui sont générateurs du poème et qui porte, qui porte le poème. C’est donc une poésie par conséquent, qui est nécessairement violente et qui monte de mon psychisme.

Parmi les grands poètes?

Bon il y a Rimbaud; évidemment! Le grand Rimbaud! Le fulgurant Rimbaud! Il y a Lautréamont. Mais il y a, il y a André Breton. Mais il y a Claudel pour qui j’ai quand même une grande admiration même si son catholicisme m’est très étranger et puis il y a Saint-John Perse qui est un grand poète.

Breton t’a frappé?

Ah beaucoup! Ah c’était un lion!

C’était un lion?

Oui vraiment. Et Breton je dois dire une chose, je dois le confesser c’est un homme que j’aimais beaucoup et que j’admirais énormément. Et si j’ai cessé de le voir, de le fréquenter c’est en grande partie c’est parce que il m’impressionnait trop.

Crabe

[?6] pas surréaliste comme les autres c’est pas vrai! Le Martiniquais est formé de plusieurs strates. Descendre en soi-même par delà le tout fait du langage et de la société, rechercher l’être profond, cette descente dans l’enfer intérieur mais c’était pour nous la découverte de l’homme. Et quel homme? C’était pour nous l’homme noir recouvert par les strates et les scories de la civilisation blanche. C’était donc quelque chose d’extrêmement important et d’extrêmement révolutionnaire. C’était, c’était l’accès à l’authenticité. Ça nous éloignait pas de l’Afrique au contraire ça nous rame-nait à l’Afrique.

Grosso modo si nous comparons l’esprit européen et l’esprit disons africain a deux continents. Eh bien c’est le point surréaliste……est certainement le point par ou le passage peut se faire plus facilement entre l’esprit européen et l’esprit africain. Au fond la démarche de l’esprit surréaliste est une démarche, une des démarches de la pensée primitive. Donc par conséquent ce n’est pas nous qui nous faisons européen ou français, ce sont les Français ou les Européens qui dans le surréalisme se font primitif.

(Images d’élevage de coqs de combat, puis de l’intérieur d’un pit ou gallodrome. Discussions animées entre spectateurs.)

Inconnu. — Je crois que le combats de coqs, tout comme le carnaval, tout comme un certain nombre de manifestations sont des remparts [7 ?, hélas !] ce sont des remparts qui nous permettent de ne pas nous intégrer totalement à la société occidentale. Et c’est un des aspects, c’est pour cela il ne faut pas que ces choses disparaissent. Il faut simplement que ce ne soit plus considéré dans certains cas comme un fléau social.

Crabe

A. Césaire. — Au fond notre culture ce n’est une culture que l’on apprend dans les livres. Ce n’est pas ce que l’on apprend à l’école. Ça c’est la culture officielle ou l’instruction officielle. La vraie culture populaire c’est une culture africaine et que l’on retrouve alors dans les danses, dans les récits, dans les contes, etc. C’est donc quelque chose qui est un témoignage humain de première importance et de très grande valeur. Seulement il faut être lucide et se rendre compte que cette culture à l’heure actuelle est extrêmement galvaudée, déjà extrêmement détériorée et que c’est quelque chose qui est en voie de perdition.

Il est clair que c’est un spectacle qui est le témoignage d’une civilisation, incontestablement. Je trouve ça très beau et encore une fois très cruel. Moi je trouve cela encore plus cruel que le combat de taureaux. Au moins, dans le combat de taureaux il y a quand même la technique humaine, il y a la science humaine, l’habileté humaine. Là, se sont deux oiseaux déchaînés qui se portent des coups terribles.

Evidemment on peut toujours dire qu’on s’investit dans l’un ou l’autre coq, mais c’est quand même un spectacle qui est quand même très dur à assumer et très beau.

Maintenant que penses-tu qu’on peut faire en Martinique pour préserver cette culture populaire?

Et bien ce qu’on peut faire? Il faut faire la politique! Mais oui, tu ouvres de grands yeux. Mais oui, c’est la politique qu’il faut faire. Seul le politique qui peut renverser une tendance et qui peut jeter les assises d’un monde nouveau qui soit un monde d’authenticité et de liberté.

Si n’y avait pas ce fondement qu’est-ce la légitimation de l’engagement politique. A mon avis c’est ça qui légitime l’action politique. Il n’y a guère que ça.

(Musique)

Et je crois que c’est une des raisons d’ailleurs, une des raisons pour lesquelles tout compte fait l’homme antillais a peu créé. Il a peut créer parce que on ne crée pas en dehors de soi-même.

Crabe

Je crois simplement que la libération matérielle ne suffit pas. C’est ce que l’on peut dire. Il faut quand même commencer par elle. Autrement dit, je ne crois pas du tout qu’il s’agisse par exemple pour moi un Martiniquais d’arriver à un état ou on verra des nègres grands, gros, gras, hilares et hébétés. Pour moi ce n’est pas du tout la liberté.

On peut imaginer ça. Après tout dans un si beau paysage un État suffisamment paternaliste peut arriver à faire une sorte de haras humain où les hommes seraient dans cet état là. Mais pour moi ce n’est pas du tout le paradis ça. Ce serait même plutôt le contraire.

C’est bien pour cela que je considère qu’à coté de l’école et de l’enseignement officiel il faut autre chose et cette autre chose c’est par l’animation culturelle, que dis-je c’est par l’action culturelle que nous essayons de le donner. C’est ainsi que nous essayerons d’éveiller le peuple martiniquais à sa propre culture, revalorisé le folklore, essayer de fonder une nouvelle culture, que dis-je, une contre-culture qui sera la vraie culture martiniquaise. Et c’est ce levier culturel qui est à mon avis est un levier politique extrêmement puissant et c’est le levier de l’avenir.

Crabe

(Hôtel de ville de Fort-de-France. Bannière apposée sur le fronton de l’Hôtel de Ville: «Bienvenue au chantre de la Négritude.»)

(Applaudissements)

Foule. — Vive Césaire ! Vive Césaire ! Vive Césaire ! Vive Césaire ! Vive Césaire ! Vive Césaire !

(Aimé Césaire lit un discours en l’honneur de Léopold Sédar Senghor.)

Monsieur le Président

Le projet de ce voyage nous en parlions il y a quarante ans je m’en souviens dans une grise cour de lycée parisien. Et le voici de part votre volonté devenue réalité. Et c’est cette réalité qui me vaut aujourd’hui d’accueillir ici à l’Hôtel de Ville de Fort-De-France en votre personne le messager d’un continent fraternel l’ambassadeur prestigieux du peuple noir et peut-être après tout est ce par-là qu’il aurait fallut avoir commencé, le premier chef d’État africain à fouler le sol de notre pays (Applaudissements).

Le premier ai-je dis. Pas tout à fait. Les Martiniquais ont gardé le souvenir d’un autre, c’était le 30 mars 1894, ce jour là à Fort-De-France mettait pieds à terre le Roi du Dahomey Boaijéré Bowelé Béhanzin (Applaudissements).

M. le Président vous avez récade bicéphale, gueule de lion, et sourire du sage. Est-ce à ce sourire et à cette sagesse que vous avez du d’échapper au péril de l’histoire et de la dominer. Peut-être? Béhanzin, lui n’eut pas ce bonheur. Il avait pour récade le requin qui se joue de la barre, mais la houle avait pris avantage sur lui et l’avait emporté, lui et son royaume. Et c'est en vaincu, en roi déchu, en symbole de l’Afrique conquise qu’il nous arrivait. Et voici qu’aujourd’hui 82 ans après, nous vous accueillons, et en votre personne l’Afrique mais une Afrique tout autre, l’Afrique rétablie dans son droit et dans sa dignité, l’Afrique maîtresse de ses destinées, l’Afrique libre (Applaudis-sements).

Evénement considérable, puisque il nous permet aujourd’hui, de célébrer dans la fierté, dans le respect et dans la gratitude, les retrouvailles émouvantes ; moins de deux mondes et de deux continents comme on l’a dit, que de deux membres d’une même fa-mille que la violence avait depuis trois siècles séparées. C’est d’une mutilation historique qu’il s’agit, si bien que si le mot aliénation a un sens c’est ici qu’il le prend plus que partout ailleurs, une culture d’emprunt, une personnalité d’emprunt, un comportement régressif à l’égard d’une nature non assumée. Et bien, c’est tout cela qui permet de comprendre ce qu’aujourd’hui nous attendons de ce voyage et de l’Afrique. Ce que nous attendons tout particulièrement du Sénégal, de votre Sénégal, terre de culture, qu’il nous apprenne à revaloriser une partie de notre patrimoine tombé en déshérence, qu’il nous réenseigne le goût de nous-mêmes, qu’il nous apprenne à réconcilier nature et culture et qu’il nous fasse comprendre que la culture ne peut pas être la négation de la nature, qu’il n’en est que l’épanouissement et tout au plus la stylisation. Ce que vous appeler joliment le pré-temps du monde ne peut guère être que ce que nous appelons nous dans un autre vocabulaire le printemps des peuples.

(En plein air Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire.)

L. S. Senghor. — Et je pense que Césaire a donc bien fait d’employer le mot de Négritude car s’agissant de nègres nous sommes des hommes vivants, des hommes concrets. Donc la Négritude, c’est d’une façon générale l’ensemble des qualités, des vertus du monde noir, des valeurs comme on dit aujourd’hui.

A. Césaire. — Je crois que le Président a absolument raison quand il parle de la situation concrète du noir. Il est clair que il y a des différences entre l’approche afri-caine et l’approche antillaise de la Négritude. Comment en être surpris ? C’est que les situations historiques et sociologiques et politiques dans lesquels nous sommes sont extrêmement différentes. Par exemple il est clair que ici nous sommes dans le concret, incontestablement. Nous sommes aux prises avec des difficultés immédiates, concrètes. Je crois qu’à l’heure actuelle pour nous il s’agit de peuples qui sont à la limite de l’as-phyxie. Et vous connaissez le background, l’arrière plan historique de ce pays, des Antillais.

Quand nous disons Négritude nous insistons tout particulièrement sur la notion d’identité et enfin c’est pour nous l’affirmation d’une solidarité parce que nous voulons le rassemblement, la fraternité de tous les peuples noirs et qui puisse former une communauté vivante alors qu’à l’heure actuelle nous assistons à un compartimentage qui nous paraît extrêmement préjudiciable et aux uns et aux autres.

L. S. Senghor. — Pour Césaire la Négritude c’est quelque chose d’actif. Il faut pas être agi, il faut agir. Les Allemands disent que la Négritude c’est le «negre sein». Le «negre sein» mais un nègre actif. Ce n’est pas un «das sein». C’est un «sein» actif.

Césaire a tout mis dans un seul mot le mot Négritude qu’il a employé comme un marteau pilon et c’est la raison pour laquelle jusqu’ici j’ai été très prudent.

A. Césaire. — Je crois que c’est une grande chose. C’est une notion importante que celle qui permettra à un Sénégalais, à un Dahoméen, à un Malien ou un Congolais de s’asseoir autour d’une même table et de se sentir comme les membres d’une même famille. Et bien, c’est la conception de la Négritude qui le permet.

(Fin de la discussion. Les deux amis se déplacent dans le jardin.)

A. Césaire. — Je vous en pris. Le capitaine (Officier sénégalais qui accompagne L. S. Senghor) nous demande une photo. C’est pour sa collection.

L. S. Senghor. — Pendant les onze heures le capitaine était plongé dans le livre de Ngal8 sur toi.

A. Césaire. — Je vois que l’armée sénégalaise est une armée très cultivée.

Palais de Sans-Souci
Palais de Sans-Souci, construit par le roi Christophe de 1806 à 1813. Photo Fabio et Franco Biaggi.

(Extrait d’un film10)

CHRISTOPHE10
Tenez ! Ecoutez ! Quelque part dans nuit le tam-tam bat…
Quelque part dans la nuit mon peuple danse…
Et c’est tous les jours comme ça…
Tous les soirs…
L’ocelot est dans le buisson, le rôdeur à nos portes, le chasseur d’hommes à l’affût,
avec son fusil, son filet, sa muselière, le piège est prêt, le crime de nos persécuteurs
nous cerne les talons, et mon peuple danse !

Que représente pour toi La tragédie du roi Christophe?

Bah c’est difficile à dire. J’essaye de me remettre dans la situation dans laquelle j’étais lorsque j’ai choisi d’écrire cette pièce. C’est tout ce que je peux faire! D’abord je peux dire que j’ai toujours été hanté par l’histoire de Haïti. C’est un pays extraordinaire, très pauvre, très malheureux sans doute mais quelle grande et noble terre; quel noble et grand pays donc l’histoire d’Haïti m’a toujours fasciné ça c’est une première chose.

Et parmi les pages les plus extraordinaires de l’histoire de Haïti, l’histoire de ce pays, parmi tous les personnages qui se sont bousculés dans cette histoire, il a quand même Christophe. Il y a un personnage, il y a un pays: Haïti; il y a un personnage qui a des dimensions shakespeariennes: C’est Christophe.

Et puis troisièmement, je crois que il y avait là une situation, une situation politique. J’ai écris cette pièce au moment de la décolonisation. Au moment ou de nouveaux États voyaient le jour en Afrique. Il y avait Senghor, il y avait Houphouët, au Ghana il y avait Nkrumah etc. etc. Bien entendu tous ces peuples, tous ces chefs d’Etat étaient aux prises avec d’énormes difficultés. Ce sont les difficultés du sous-développement en particulier. Alors il m’a semblé que un personnage comme Christophe était très représentatif de cette chose. Christophe me permettait d’évoquer des problèmes très modernes qui sont les problèmes qui surgissent dans un Etat nouvellement décolonisé.

Donc par conséquent, il y avait un pays, il y avait un homme, et puis aussi il y avait un thème, un thème qui était plein de résonances tout à fait actuelles.

(Extrait d’un film11)

CHRISTOPHE12
Ah, il est tant de mettre à la raison ces nègres qui croient que la révolution ça consiste à prendre la place des blancs et continuer en lieu et place, je veux dire sur le dos des nègres à faire le blanc.

Tu as parlé des réactions antillaises évidemment cela les touchent immédiatement. Je dois dire aussi à Dakar, au stadium de Dakar j’ai assisté à des explosions. En Afrique aussi la pièce porte.

Crabe

Un spectateur à Fort-De-France. — Evidemment moi je n’ai pas une possibilité convenable. Y en a d’autres quand même qui sont un peu plus bas que moi quand même, qui auraient envie d’aller voir Aimé Césaire, qui auraient envie d’aller voir ses œuvres, ce qu’il faisait au Parc Floral, quoi!

Et vous pensez que les petites gens n’ont pas pu aller?

Evidemment y en a quand même. Dix francs c’est pas cher, vu du coût de la vie, c’est pas cher, je ne peux pas dire que c’est cher mais quand même y en a des gens quand même qui n’ont pas dix francs qui n’ont pas la possibilité dans avoir dix francs pour aller le voir.

Crabe

En vérité je crois que c’est une pièce qui a des résonances quand même universelles. Mais bien sûr, c’est quand même d’abord une pièce qui est très antillaise. Antillaise par le langage, antillaise par le baroque, antillaise par le thème, par les personnages. Incontestablement, c’est une pièce qui est montée de la terre antillaise.

(Extrait d’une répétition de cette à Fort-De-France.)

FOULE (chantant.)
Réveillez, réveillez-vous
[ ?13]

Réveillez, réveillez-vous
Réveillez, réveillez-vous

CHRISTOPHE14
Assez !
Messieurs, pour l’honneur et la survie de ce pays, je ne veux pas qu’il puisse jamais être dit, jamais être soupçonné dans le monde que dix ans de liberté nègre, dix ans de laisser-aller et de démission nègre suffiront pour que soit dilapider le trésor que le martyr de notre peuple a amassé en cent ans de labeur.

Moi ce qui me paraît le plus important au fond c’est les rapports de Christophe et de son peuple. Et un homme qui mû par une très grande ambition encore une fois collective donc avec de très bonnes intentions s’enfonce progressivement dans la solitude.

(Extrait d’un film15)

CHRISTOPHE16
Ah oui, je demande trop aux hommes ! Mais pas assez aux
nègres, Madame ! S’il y a une chose qui, autant que
les propos des esclavagistes, m’irrite, c’est d’entendre
nos philanthropes clamer, dans le meilleur esprit sans
doute, que tous les hommes sont des hommes et qu’il
n’y a ni Blancs ni Noirs. C’est penser à son aise, et
hors du monde, Madame. Tous les hommes ont mêmes
droits. J’y souscris. Mais du commun lot, il en est
qui ont plus de devoirs que d’autres. Là est l’inégalité.
Une inégalité de sommations, comprenez-vous ? A
qui fera-t-on croire que tous les hommes, je dis tous,
sans privilège, sans particulière exonération, ont
connu la traite, la déportation, l’esclavage, le collectif
ravalement à la bête, le total outrage, la vaste insulte
que tous, ils ont reçu, plaqué sur le corps, au visage,
l’omni-niant crachat ! Nous seuls, Madame, vous
m’entendez, nous seuls, les nègres ! Alors au fond de
la fosse ! C’est bien ainsi que je l’entends. Au plus
bas de la fosse. C’est là que nous crions; de là que
nous aspirons à l’air, à la lumière, au soleil. Et si nous
voulons remonter, voyez comme s’imposent à nous,
le pied qui s’arc-boute, le muscle qui se tend, les dents
qui se serrent, la tête, oh ! la tête, large et froide ! Et
voilà pourquoi madame il faut tant demander aux nègres plus
qu’aux autres: plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme.
Un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas!

Je pense que ça été ça la grande ambition de Christophe, faire d’une population une sorte de masse anonyme, un peuple, un peuple typé, individualisé, un peuple avec une espérance, une idéologie. C’est ce qu’il a voulu faire. Et finalement malgré ses erreurs car il en a commis d’énormes il ne faut pas du tout croire que je suis un christophien. Pas du tout. D’abord je ne suis pas monarchiste, je ne suis pas un despote, ce n’est pas du tout mon tempérament, mais il y a quelque chose qui sauve Christophe à mon avis malgré toutes ses erreurs devant la postérité c’est l’énorme effort qu’il a demandé à son peuple et le grand orgueil qui l’a habité. Je dis bien un grand orgueil pas du tout une vanité, bien sûr il y a un coté bourgeois gentilhomme, ça c’est le coté ridicule, mais il y a un grand orgueil chez lui. Il est habité par un grand orgueil qui est un grand orgueil collectif. Au fond une grande ambition. Il a beaucoup d’ambition pour son peuple.

Crabe

(Extrait d’un film17)

CHRISTOPHE18
Ce peuple doit se procurer, vouloir, réussir quelque chose d’impossible
contre le sort, contre l’histoire, contre la nature.
Ah l’insolite attentat de nos mains nues portées par nos mains blessées
de défis insensées.
Voyez, sa tête est dans les nuages,
ses pieds creusent l’abîme,
ses bouches crachent la mitraille jusqu’au large des mers
jusqu’au fond des vallées.
C’est une ville, une forteresse, un lourd cuirassé de pierre.
Hein ! Inexpugnable Besse ! Inexpugnable !
Mais oui ingénieur ! A chaque peuple ses monuments.
A ce peuple qu’on voulut à genoux il fallait un monument qui le mît debout.
Il s’allume dans la nuit. Annulation du négrier. La formidable chevauchée.

La grandeur de Christophe c’est que y a en lui du petit bourgeois surmonté mais il y a aussi du petit bourgois. Après tout il quand même très content de faire une cour à l’image de celle de Louis XIV, c’est vrai! Il y a chez lui un coté bourgeois gentilhomme. Ça c’est vrai! Et c’est très souvent, c’est trop souvent ce coté là que les historiens européens ont retenu de Christophe. Moi je n’ai pas du tout nié quand j’ai écrit cette pièce, je n’ai pas du tout nié ce coté là, mais je suis parti de ce coté là et j’ai essayé de montrer la dimension; la véritable dimension humaine et donc la grandeur de cette chose dont en Europe on ne voit que le coté petit, mesquin et ridicule. La grandeur d’un certain ridicule.

Crabe

(Extrait d’un film19)

HUGONIN20
Une petite branche
Mit le pied sur la branchette
Quel jeu fait le jeune garçon?
Il fait le jeu du chapon.

Une petite branche…

CHRISTOPHE
Qu'est-ce que c'est que cette chanson idiote, Hugonin ?

HUGONIN
Je l'ai apprise jadis du côté de Santo-Domingo
Mais je ne te dis que ça Majesté, fallait avoir
les reins solides pour supporter le rinfofo

(Chantant.)

Et rinfofo
Et rinfofo
Pilon froid, pilon chaud
Viande sèche, haricot
[21 ?]

Et rinfofo
Et rinfofo
Pilon froid …

CHRISTOPHE (l’interrompant.)
Assez ! Assez !

Ah ! parce qu’ils ont connu rapt et crachat
le crachat, le crachat à la face
j’ai voulu leur donner figure dans le monde
leur apprendre à bâtir leur demeure
leur enseigner à faire face

HUGONIN
Et voici un battement
Un battement de tambour…
Vos soldats ne font pas face, Majesté
Les soldats du roi battent le mandoucouman ah ah ah ah ah

CHRISTOPHE, tendant l’oreille.
Ma foi c’est vrai ! Les salauds ! Les salauds ! Ils battent le mandoucouman.

Crabe

Ce n’est pas du tout une pièce pessimiste. C’est sûr c’est une tragédie. C’est une tragédie si on définit la tragédie comme la marche si vous voulez de l’homme à la mort à travers la solitude. Ça c’est vrai c’est tragique. Mais si tragédie il y a ce serait pour reprendre un titre célèbre dont les termes sont un petit peu antithétiques et paradoxaux ce serait une tragédie optimiste parce que c’est vrai que Christophe échoue, mais il échoue dans l’immédiat, il échoue à court terme. Mais à long terme je crois, et c’est là mon optimisme à moi, je crois qu’en réalité c’est lui qui l’emporte. C’est lui qui l’emporte. Si vous voulez, sa victoire est dans l’histoire, elle n’est pas dans l’immédiat.

(Extrait d’un film22)

VASTEY23
Vous nés du bûcher de l’Éthiopien Memnon
Oiseaux essaimeurs de pollens
dessinez-lui ses armes non périssables
d’azur au phénix de gueules couronné d’or.

Le héros n’est pas vraiment mort car ses armes sont miraculeuses et ses armes ne sont pas ébréchées. Elles peuvent encore servir. Et troisièmement le motif du phénix. Le motif du phénix qui renaît de ces cendres et bien entendu la gloire couronnée d’or, voyez-vous! Donc par conséquent, c’est ça le vrai sens de la pièce. Christophe meurt dans l’immédiat mais il triomphe dans l’avenir. Et il est porteur d’avenir.

Crabe

(Texte lu par Bachir Touré.)

«Boy cuisine boy, boy chambre, boy comme vous dites [ ?24]. Nous fûmes un peuple de boys, un peuple de oui bwana. Et qui doutait que l’homme pu ne pas être l’homme n’avait qu’à nous regarder.25 »

Je crois qu’il y avait un grand leader africain en puissance c’était Lumumba qui n’a pas eut le temps de s’accomplir et qui n’a pu que témoigner, témoigner à sa manière de la grandeur de l’Afrique. C’est ça l’histoire, hein! c’est ça l’histoire! Mais je ne crois pas que ce soit encore une fois pessimiste. Il faut simplement être lucide, se rendre compte que l’histoire n’est pas une idylle, c’est vrai! C’est vrai que l’homme politique, doit affronter la solitude, la trahison, la mort, et Lumumba sa grandeur c’est que il ne s’est jamais fait aucune illusion. Très tôt il a su et très tôt il a su qu’il était entouré par une bande de crapules, par des gens qui allaient le trahir, il le savait. Mais en tout cas il a quand même été jusqu’au bout, et jusqu’au bout de sa pas-sion.

Parce que finalement je crois que je suis très conditionné et que ma poésie est très conditionnée par cette terre, par ce pays et par ce peuple.

Crabe

Aimé Césaire se fait expliquer les travaux en cours, sur un chantier de la municipalité de Fort-de-France dont Aimé Césaire est le maire. Le maire fait bien ressortir que sa municipalité est le plus gros employeur de la Martinique avec plus de trois mille employés et plus de mille ouvriers.

Crabe

Si on veut permettre à ce peuple de retrouver sa dignité même de retrouver son langage, on ne peut le faire que par l’action politique. À ce point du vue là il parait évident que nous sommes dans un pays colonial. Je crois que le monde a complètement oublié cela. L’Europe a l’impression que bon il a enterré le colonialisme que c’est dépassé, mais à la Martinique c’est une réalité de tous les jours. Les termes sont différents, la situation est exactement la même, nous sommes dans une situation coloniale. Le mot département s’est tout simplement un alibi. C’est un camouflage. C’est un mot, un flatus vocis mais la réalité est, est coloniale. Il s’agit d’une hypocrisie ou bien alors on est dupe du vocabulaire officiel. D’ailleurs que signifie le mot département. Le mot département signifie que il y a un tout, un tout homogène et chaque partie est un département. C’est le découpage d’un tout homogène.

Il est tout à fait évident la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, et la France n’appartiennent pas au même tout. Il s’agit d’entités, de petites entités qui sont absolument spécifiques, absolument autonomes.

Je crois que le problème essentiel c’est essayer de rétablir l’homme martiniquais dans sa vérité, dans son authenticité pour employer un mot qui malheureusement prend de singulières résonances ailleurs; permettre enfin l’avènement de l’homme martini-quais.

Si nous voulons l’épanouissement de l’homme martiniquais il faut un changement de statut. Il faut créer les conditions objectives qui permettent cet épanouissement.

L’indépendance?

Bien sûr Sarah, mais c’est pas comme ça qu’il faut poser le problème. Un mot d’ordre politique ne naît pas simplement d’un désir, d’une aspiration… Il faut que ce mot d’ordre politique… car un mot d’ordre politique est avant tout un mot d’ordre collectif. Il ne vient pas d’une impatience, je ne sais de quelle impatience petite bourgeoise, mais il doit être le résumé d’une aspiration collective. Voici comment je l’entends.

Or je considère que à l’heure actuelle il n’y a aucune aspiration de ce genre dans le peuple martiniquais. Pour ma part ce serait déjà beaucoup à mon avis si on permettait au peuple martiniquais de se dégager du statut dans lequel il est à l’heure actuel et de prendre en main même en partie son propre destin.

Le statut qui correspond le mieux à la spécificité antillaise, qui correspond le mieux à nos traditions qui permet d’unir à la fois, de réconcilier à la fois nos besoins et nos possibilités, c’est un statut d’autonomie.

Crabe

La politique et la culture c’est deux faces d’une même réalité et que c’est un seul et même combat qui est un combat pour la libération de l’homme. Je crois il faut affranchir l’homme de la bêtise, de la stupidité, de l’ignorance bien sûr, de l’op-pression, de la faim, de l’esclavage et je parle de toutes les formes d’esclavage, toutes les formes de servitudes, et pas seulement des servitudes physiques, toutes.

Crabe

(Extrait26 du Cahier d’un retour au pays natal lu par Bachir Touré.)

«À moi mes danses
mes danses de mauvais nègre
à moi mes danses
la danse brise-carcan
la danse saute-prison
la danse qu’il-est-beau-et-bon-et-légitime-d’être-nègre
A moi mes danses et saute le soleil sur la raquette de mes
mains
mais non l’inégal soleil ne me suffit plus
enroule-toi, vent, autour de ma nouvelle croissance pose-
toi sur mes doigts mesurés
je te livre ma conscience et son rythme de chair
je te livre les feux où brasille ma faiblesse
je te livre le chain-gang
je te livre le marais
je te livre l’intourist du circuit triangulaire
dévore vent
je te livre mes paroles abruptes
dévore et enroule-toi
et t’enroulant embrasse-moi d’un plus vaste frisson
embrasse-moi jusqu’au nous furieux
embrasse, embrasse-NOUS
mais nous ayant également mordus
jusqu’au sang de notre sang mordus !
embrasse, ma pureté ne se lie qu’à ta pureté»

FIN

Transcrit par Koutcha.

Crabe

Titre(s): Aimé Césaire: au bout du petit matin (57 min 23 s) / Sarah Maldoror, réal.; Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, participants; Théâtre national sénégalais Daniel Sorano, act.; Sarah Maldoror, intervieweur ; Bachir Toure, voix ; Michel Leiris, conseiller scientifique.

Publication: [Meudon]: CNRS Audiovisuel (prod.), prod. 1977; Bry-sur-Marne: INA (prod., distrib.)

Producteur(s): Institut national de l'audiovisuel (France ; 1986-....). Producteur de vidéogrammes

CNRS Audiovisuel (France).

Collection: Un homme une terre

Contient un extrait de la pièce d'Aimé Césaire «La tragédie du roi Christophe». - Acq.: Institut National de l'Audiovisuel, L'

Première diffusion: (France) TF1, Canal 1, 1977/11/22

Sujet(s) : Césaire, Aimé (1913-....) -- Entretiens Martinique

Notes

  1. Césaire Aimé, Cahier d'un retour au pays natal, dans La poésie, p. 130, Paris, Éd. du Seuil, 2006, 554 p., ISBN: 2-02-0855767-7.
     
  2. Pas sûr de l’orthographe.
     
  3. Mots incompréhensibles.
     
  4. CÉSAIRE Aimé, Cahier d'un retour au pays natal, dans La poésie, p. 44, Paris, Éd. du Seuil, 2006, 554 p. ISBN: 2-02-085767-7
     
  5. CÉSAIRE Aimé, Cahier d'un retour au pays natal, dans La poésie, p. 44, Paris, Éd. du Seuil, 2006, 554 p. ISBN: 2-02-085767-7
     
  6. Mots incompréhensibles.
     
  7. Mots incompréhensibles.
     
  8. NGAL Georges, Aimé Césaire: un homme à la recherche d’une patrie, Dakar, NEA, 1975, 293 p. ISBN: 2-7087-0574-1
     
  9. Référence non citée au générique.
     
  10. CÉSAIRE Aimé, Acte 1 Scène 7, dans La tragédie du roi Christophe, p. 60, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  11. Référence non citée au générique.
     
  12. CÉSAIRE Aimé, Acte II Scène 3, dans La tragédie du roi Christophe, p. 84, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  13. Mots incompréhensibles.
     
  14. CÉSAIRE Aimé, Acte 1 Scène 2, dans La tragédie du roi Christophe, p.29, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  15. Référence non citée au générique.
     
  16. CÉSAIRE Aimé, Acte 1 Scène 7, dans La tragédie du roi Christophe, p.59, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  17. Référence non citée au générique.
     
  18. CÉSAIRE Aimé, Acte 1 Scène 7, dans La tragédie du roi Christophe, pp. 62-63, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  19. Référence non citée au générique.
     
  20. CÉSAIRE Aimé, Acte 3 Scène 6, dans La tragédie du roi Christophe, pp. 137-139, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  21. Mot incompréhensible.
     
  22. Référence non citée au générique.
     
  23. CÉSAIRE Aimé, Acte 3 Scène 9, dans La tragédie du roi Christophe, p. 153, Paris, Présence Africaine, 1997, 155 p., ISBN: 2-7087-0130-4
     
  24. Mot incompréhensible.
     
  25. Pas encore trouvé la référence.
     
  26. CÉSAIRE Aimé, Cahier d'un retour au pays natal, dans La poésie, pp. 56-57, Paris, Éd. du Seuil, 2006, 554 p. ISBN : 2-02-085767-7

 

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