Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Atmosphère, atmosphère,
est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?

Laurent Farrugia
0ctobre 2007

Touche pas à mon ADN
Dimanche 14 octobre à 18 heures au Zénith de Paris:
Meeting et Concert contre les tests ADN

Les élus dans une démocratie ont les mêmes droits et devoirs que n’importe quel citoyen. Leurs propos sont libres, mais parce qu’ils ont l’honneur redoutable de légiférer, il est bien normal que le peuple attende d’un député plus de rigueur dans l’usage des concepts qu’il manie qu’on n’en attendrait d’un citoyen ordinaire, souvent ignare des subtilités de sa propre langue. Dans l’intervention d’un parlementaire, rien n’est donc insignifiant, rien n’est innocent. Détail a un sens; et dégueulasse aussi.

Fadela Amara, Secrétaire d’État, a-t-elle commis un crime de lèse-francophonie en employant le mot «dégueulasse» pour désigner le recours au test ADN afin d’identifier la parenté des enfants d’immigrés?

Nenni. Elle a fait preuve d’une parfaite maîtrise de la langue de Richelieu. Les hommes ne dégueulent  pas; parce qu’ils n’ont pas une gueule, mais une bouche, ils vomissent. La chienne dégueule, parce qu’elle n’a pas une bouche, mais une gueule. Et si Fadela  a eu envie de dégueuler, c’est peut-être bien qu’elle a perçu, du fond  de son angoisse, dans quel statut de sous-homme on entendait  enfermer ses frères, nos frères, mes frères  africains: un statut de sous-homme.

Allons! Le temps des ambigüités est terminé. Osons parler vrai, comme le Mime, enfant du Paradis, mimait vrai. Que notre république française ose enfin proclamer des principes simples qui l’honorent et  permettront à la France, si elle les reconnaît enfin, de demeurer un pays de Lumière. Finissons-en une fois pour toutes avec la race  et avec le sang; et proclamons le règne de la Parole. La race! Il n’y a qu’un Genre Humain. Il est apparu il y a cinq ou six millions d’années du côté de l’Ethiopie, et depuis il n’a cessé de peupler la planète. Ce Genre Humain, Nègre dans ses origines, n’a cessé de guerre en guerre, de migrations en migrations, de se diversifier;  il est aujourd’hui  métis. Qui mieux que notre Président, lui-même parfait  Métis, pourrait le proclamer? Il  n’y  a ni races supérieures, ni races inférieures; ni races pures, ni  races impures. L’idée de race elle-même, sans valeur scientifique, est une notion mortifère destinée à justifier la mise en esclavage des uns par les autres. Cette idée aberrante doit disparaître de la Constitution.

Il en va de même du Sang. Il n’y a ni sang pur, ni sang impur. Le sang du Genre Humain est sacré. La Genèse de l’Humanité a exigé la fin de l’anthropophagie, la renonciation à la consanguinité et la prohibition de l’inceste. Le mélange des sangs est le signe et le garant de notre Espèce. Toute manipulation inconsidérée du sang courrait le risque de nous ramener à l’animalité. Tout crime de sang doit donc être châtié, comme une atteinte au Genre Humain. La recherche sur le sang peut être bénéfique, si elle est placée sous le contrôle éthique des nations. Le don du sang peut même être valorisé, s’il est mutuellement consenti et pratiqué dans le sens d’une consolidation de la fraternité universelle.

Reste la Parole. Elle est le véritable fondement de l’Humanité. Elle dicte les Valeurs et maintient l’homme dans son Humanité. Cette Parole, fondement du Pacte, est la noblesse de l’homme et son honneur. C’est la reconnaissance orale ou écrite  du père,  de la mère, ou du père et de la mère qui fonde la filiation; ainsi  l’ont voulu des millénaires de sagesse et les déclarations universelles des droits de l’homme qui jusqu'à présent nous servent de modèle. Alors d’où nous vient cette idée folle qu’il faudrait que les Africains, eux, ne justifient plus leur filiation par la Parole, puisque bien entendu ils n’ont pas de parole, mais par leur sang, comme on pourrait l’exiger des grands criminels qui ont démérité de leur humanité, ou  des animaux tout simplement. Idée maladive, prélude à tous les eugénismes. Idée indigne d’un chef d’État qui se réclame pourtant des Maîtres spirituels de l’Humanité.

Fadela, française et républicaine, souffre dans sa chair que le France puisse  patauger encore dans l’antre du racisme. Alors elle hurle, à juste titre, sa souffrance, notre souffrance. Elle aurait pu employer, comme  Roquentin,  le mot nausée. Mais cinquante années sont passées depuis Sartre et après tant de luttes de libération, avoir régressé à ce stade infantile, non, on n’a plus seulement la nausée, on dégueule. Ni  pute, ni soumise, au demeurant érudite, cette femme de cœur aurait pu crier:  «Stupiditas delenda est»; mais comme Lutèce n’est ni Rome ni Carthage, et qu’il fallait bien que notre peuple comprît, elle  a dit tout simplement «c’est dégueulasse», ce que tout le monde comprend.

Basse-Terre. Guadeloupe.
Laurent Farrugia. 0ctobre 2007

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