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Le petit Prince Antoine de Saint-Exupéry Traduit en
Les livres peuvent être achetés sur le site de Caraibéditions dès le 20 septembre. |
Le conte «Le Petit Prince» de Saint-Exupéry fit sa première apparition en librairie en 1943, aux Etats-Unis.
Publié en France, après la guerre, ce conte poétique et philosophique devint rapidement une œuvre majeure dans la littérature française.
À destination des jeunes et des moins jeunes, l’ouvrage a été traduit, à ce jour, en plus de 180 langues et dialectes. En 2005, il fut même traduit en «toba», une langue amérindienne d’Argentine qui n’avait jusqu’alors été utilisée que pour une seule traduction, celle du Nouveau Testament...
Aujourd’hui, Caraïbéditions est très fière et heureuse de pouvoir présenter cette œuvre à son public ultramarin vivant dans les DOM-TOM, dans l’Hexagone et dans le reste du monde, en quatre créoles. À cette occasion, quatre ouvrages distincts sont publiés, un en créole de Guadeloupe, un en créole de Martinique, un en créole de Guyane et un en créole de La Réunion.
C’est la première fois qu’une œuvre est traduite simultanément dans les créoles des quatre Départements d’Outre-Mer. Les habitants de nos départements ultramarins réserveront, à n’en pas douter, un merveilleux accueil à ce Petit Prince, «ramoneur de volcans»...
Biographie de l'auteur: Antoine de Saint-Exupéry
Né le 29 juin 1900 à Lyon et disparu en vol le 31 juillet 1944, Mort pour la France, est un écrivain, poète et aviateur français. Né dans une famille issue de la noblesse française, Antoine de Saint-Exupéry passe une enfance heureuse malgré la mort prématurée de son père. Il obtient son baccalauréat en 1917 et, après son échec à l’École navale, il s’oriente vers les beaux-arts et l’architecture.
Devenu pilote lors de son service militaire en 1921, il est engagé en 1926 par la compagnie Latécoère (future Aéropostale) et transporte le courrier de Toulouse au Sénégal avant de rejoindre l’Amérique du sud en 1929. |
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Parallèlement il publie en s’inspirant de ses expériences d’aviateur ses premiers romans: «Courrier Sud» en 1929 et surtout «Vol de Nuit» en 1931, qui rencontre un grand succès. À partir de 1932, son employeur entre dans une période difficile. Aussi Saint-Exupéry se consacre-t-il à l’écriture et au journalisme. Il entreprend de grands reportages au Vietnam en 1934, à Moscou en 1935, en Espagne en 1936, qui nourriront sa réflexion sur les valeurs humanistes qu’il développe dans «Terre des hommes», publié en 1939. En 1939, il est mobilisé dans l’armée de l’air et est affecté dans une escadrille de reconnaissance aérienne. À l’armistice, il quitte la France pour New York avec pour objectif de faire entrer les Américains dans la guerre et devient l’une des voix de la Résistance. Rêvant d’action, il rejoint enfin au printemps 1944, en Sardaigne puis en Corse, une unité chargée de reconnaissances photographiques en vue du débarquement en Provence. Il disparaît lors de sa mission du 31 juillet 1944. Son avion n’a été retrouvé qu’en 2004. «Le Petit Prince», écrit à New York pendant la guerre, est publié avec ses propres aquarelles en 1943 à New York et en 1945 en France. Ce conte plein de charme et d’humanité devient très vite un immense succès mondial. Tiprens-ABiographie de la traductrice du Petit Prince en créole guyanais: Aude Désiré |
Originaire de Guyane, diplômée, d’une maîtrise de géographie et d’un master 2 «recherche histoire», Aude Désiré a été institutrice, puis professeur-documentaliste. Elle est actuellement responsable de la Médiathèque du CRDP de l’Académie de Créteil. Elle anime sur Paris des ateliers pour la transmission du créole. En 1996, elle a obtenu le premier prix de poésie «Kalbas la». Elle a traduit «Les fables de la Fontaine et d’Esope» en créole guyanais. Elle est co-auteur du «Guide de créole guyanais de poche» (Assimil) ainsi que de l’«Enseigner l'histoire des traites négrières et de l’esclavage - cycle 3» (CRDP). |
L'interview - Le Petit Prince en créole guyanais
Bonjour Aude Désiré, «Le Petit Prince» de Saint-Exupéry en créole! Nous serions presque tentés de dire « enfin » !... Dites-nous comment est née cette idée de traduction.
Bon jour. Comment est née cette idée? En fait, l’idée a germé dans la tête de l’éditeur, Florent Charbonnier qui avait déjà commencé à faire traduire «Astérix», «Titeuf», la série «Les Profs», puis lancé le premier manga antillais... Cette fois, il allait s’attaquer à un classique de la littérature après la réédition 23 ans plus tard, de deux bouquins du pionnier Raphaël Confiant, «Kod Yanm» et «Le gouverneur des dés».
Connaissiez-vous ce conte avant que l’éditeur ne vous parle de ce projet de traduction?
Oui, bien sûr que je connaissais ce «conte philosophique»! L’idée m’a tout de suite séduite car j’avais pris l’habitude de travailler quelques extraits avec des adultes en cours d’alphabétisation en langue française. C’est vous dire si ce texte me plaît!
Si oui, que représentait-il pour vous ?
Ce texte me plaît car certains extraits sont étudiés dès l’école primaire, avec des élèves de collège ou de lycée mais également avec des étudiants, des adultes. Autrement dit, ce texte peut faire l’objet d’études à des échelles différentes. On y trouve toujours des analyses très subtiles sur un monde imaginaire, la différence, l’altérité, la tolérance!
Pensez-vous que ce conte en français ou en créole ait une résonance particulière auprès des peuples ultramarins?
Oui. Ce texte parle à des peuples différents, singulièrement ceux qui se sont construits dès le départ dans la diversité.
Pensez-vous que le fait de lire ce conte en langue régionale apporte quelque chose de plus au lecteur par rapport à une lecture en français?
Cela fait longtemps que j’ai compris que le créole est une langue. La lecture de nombreux ouvrages tels que les romans «Atipa» de Parépou en créole guyanais, «Dézafi» de Frankétienne, en créole haïtien, «Bitako-a» de Raphaël Confiant, un numéro spécial du «Courrier de l’Unesco» intitulé «Kourilèt», en 1987, tout en créole, avec des articles en créole de la Martinique, de Haïti, de la Guyane, de Sainte-Lucie, de la Dominique... bref, autant d’éléments qui auront été propres à conforter ma conviction. Comme toutes les langues, la langue créole a besoin de prendre en charge l’expression de tout ce qui existe dans le réel. La traduction de ce qui existe dans d’autres langues doit pouvoir être exprimé dans la langue créole. C’est la raison pour laquelle, j’avais traduit «Hoquet» un poème de Léon Gontran-Damas, en 1986.
Comment s’est passée la traduction?
Bien dans l’ensemble.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières liées à la construction proprement dite du conte en français?
J’ai été confronté à certaines difficultés déjà repérées, par Jean Bernabé, cet agrégé de grammaire, concernant par exemple, la manière de traduire la voix passive, le rapport au corps et parfois certains mots de vocabulaire...
En quoi cette traduction a-t-elle pu être différente de celle des autres ouvrages que vous avez déjà traduits?
Il y avait une double contrainte: respecter le nombre de caractères, d’espace et de vocabulaire, cela faisait partie du cahier des charges. Par exemple, en 2002, avec Hector Poullet, Sylviane Telchid, Daniel Boukman et Jocelyne Trouillot-Levy, nous avions «adapté» les fables de La Fontaine et d’Esope, dans «Zayan 2» publié chez PLB éditions. Dans ce travail, tout devait être à l’identique ou presque. Cela demande plus de pirouettes, d’aller puiser dans l’imaginaire pour traduire, sans trahir. Nous sommes aujourd’hui, dans la dynamique d’une langue qui sort de son champ de confidentialité pour s’ouvrir à toutes les autres langues du monde, et c’est un vrai chantier culturel.
Avez-vous apporté des modifications «insulaires» au conte initial ou avez-vous conservé le texte en l’état?
La consigne était claire, il s’agissait de conserver le texte en l’état, donc pas la moindre modification..
Le conte est-il traduit en d’autres créoles que le créole guyanais? Si oui, dans quels autres créoles a-t-il été traduit ?
Oui, ce conte est traduit en plusieurs créoles. Comme je vous le disais, «Le petit prince» est véritablement un classique. Il a déjà été traduit en créole haïtien par Gary Victor, en créole mauricien. Avec Caraïbeditions de Florent Charbonnier, il y aura une sortie commune, avec une version de Réunion, de Martinique, une de Guadeloupe et la mienne, de Guyane.
Savez-vous en combien de langues ou dialectes ce conte a-t-il déjà été traduit?
Quand j’ai commencé à travailler sur la traduction, j’ai commencé à me constituer un « dossier documentaire ». J’étais très surprise de lire que ce conte a été traduit dans plus de 150 à 200 langues très éloignées les unes des autres, comme le yoruba, le japonais, le latin médiéval, le croate mais aussi l’hindi, le serbe... Je ne suis pas sûre mais je crois qu’il y a 180 langues ou dialectes recensées !
Était-ce votre premier projet de traduction avec CARAÏBEDITIONS?
Oui. J’avais entendu parler de Caraïbeditions mais ce projet est notre première collaboration.
Lo Pti Prins
Biographie du traducteur du Petit Prince en créole réunionnais: Jocelin Lakia
Jocelin LAKIA est né à St Gilles-les-Hauts (île de la Réunion) un jour de 1960, cinquième d’une fratrie de 11 enfants dont 10 garçons! Entre les cavalcades interminables dans la ravine St Gilles et les jeux de cours d’écoles, il a gardé un amour inconditionnel pour cette île qui a accueilli ses ancêtres à l’abolition de l’esclavage, ainsi que pour la culture métisse de ses habitants. Il participe au premier recueil de poésie de l’UDIR en 1979. |
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Musicien, auteur-compositeur et interprète, très investi dans le domaine associatif, il emmène à l’aventure dans l’île et hors de l’île, une bande d’amis musiciens, autour de ses compositions. Logiquement, deux productions discographiques verront le jour: Viv èk nout folklor (1982) et Koulèr mon péi (1987). Il s’associe au militantisme en faveur du créole, devient président de l’association Inn ti Manzé Po Lö Kêr et membre de Lofis La Lang Kréol. Après des études au Lycée de St Paul, puis à l’Université de la Réunion, il est Conseiller Principal d’Education dans un collège Portois depuis une vingtaine d’années. |
L'interview - Le Petit Prince en créole réunionnais
Bonjour Jocelin Lakia, «Le Petit Prince» de Saint-Exupéry en créole! Nous serions presque tentés de dire «enfin»!... Dites-nous comment est née cette idée de traduction?
En fait, lorsque j’ai appris qu’il y avait un projet de traduction dans plusieurs langues créoles du Petit Prince, je me suis proposé. Sans grande conviction d’être retenu, cependant. Pour moi, ça a été un honneur de faire ce travail, car j’ai un profond respect pour cet auteur. À travers une histoire somme toute assez simple, il a su véhiculer de profonds sentiments d’humanité.
Connaissiez-vous ce conte avant que l’éditeur ne vous parle de ce projet de traduction?
Oui, évidemment, c’est un grand classique. Je l’avais déjà lu, et avais même étudié certains extraits à l’école. D’autre part, il arrive souvent que le Petit Prince soit cité pour illustrer une image ou une conversation (la séquence «apprivoise-moi» du renard est par exemple devenue célèbre!)
Si oui, que représentait-il pour vous?
On ne peut pas ne pas connaître le Petit Prince! Ce petit personnage attachant, si fragile et si fort en même temps, qui vient quérir de l’amitié sur notre planète si ravagée par l’égoïsme, l’individualisme, c’est un peu nous. On ne peut pas vivre seul sur sa planète, on a besoin d’amis pour exister.
Pensez-vous que ce conte en français ou en créole ait une résonance particulière auprès des peuples ultramarins?
Oui. Ce texte parle à des peuples différents, singulièrement ceux qui se sont construits dès le départ dans la diversité.
Pensez-vous que le fait de lire ce conte en langue régionale apporte quelque chose de plus au lecteur par rapport à une lecture en français?
Je pense qu’une traduction est faite pour que le lecteur ait le plaisir de retrouver des images familières, des expressions qu’il connaît, tout en gardant la trame originelle de l’histoire. Apporter plus n’était sans doute pas le but, mais plutôt apporter une lecture différente à une même histoire.
Comment s’est passée la traduction? Avez-vous rencontré des difficultés particulières liées à la construction proprement dite du conte en français?
Evidemment, cela n’a pas été sans difficulté. Certains passages ont été relativement compliqués à transposer en créole. Il fallait traduire des termes techniques quelquefois. D’autres passages ont été un régal à traduire et correspondaient parfaitement à l’esprit créole!
En quoi cette traduction a-t-elle pu être différente de celle des autres ouvrages que vous avez déjà traduits?
J’ai traduit une bande dessinée comique, ainsi que des textes sacrés en créole. Cette fois-ci, c’est un conte tout public, de réputation planétaire. Je n’ai pas vraiment été dépaysé, car ce conte contient des scènes comiques et des séquences de grande intensité émotionnelle.
Avez-vous apporté des modifications «insulaires» au conte initial ou avez-vous conservé le texte en l’état?
J’ai essayé de garder le texte en l’état. Cependant, il était nécessaire d’adapter les expressions au contexte local. Certaines transpositions s’imposaient d’elles-mêmes, pour d’autres il a fallu durement se creuser la tête!
Le conte est-il traduit en d’autres créoles que le créole réunionnais? Si oui, dans quels autres créoles a-t-il été traduit?
Oui, il a été traduit en créole de 3 pays: le créole martiniquais, le créole guyanais et le créole réunionnais.
Savez-vous en combien de langues ou dialectes ce conte a t’il déjà été traduit?
Je crois qu’il a été traduit en 180 langues! Quand je parlais d’universalité de ce conte...
Etait-ce votre premier projet de traduction avec CARAÏBEDITIONS? Si ce n’est pas le premier, à quels projets avez-vous déjà été associé?
Non, j’ai participé à la traduction de «Titeuf, koulër la vi», édité par CARAIBEDITIONS.
Tiprens-la
Biographie du traducteur du Petit Prince en créole guadeloupéen: Robert Chilin
Robert Chilin, la quarantaine, est né en Guadeloupe.
Si étudiant, Robert s’est dirigé vers une filière littéraire, Langues Etrangères Appliquées, dans laquelle il a obtenu une maîtrise, c’est vers une carrière commerciale que son cœur a balancé quand il a s’agit de se choisir un métier. Après presque 20 ans de «commercial», tantôt sur le terrain au sein d’une entreprise, tantôt à l’école en tant que formateur, c’est à ses amours de jeunesse, les langues étrangères (et régionales), que Robert souhaite aujourd’hui se consacrer. La traduction en créole, du conte «Le Petit Prince» est sa quatrième réalisation avec Caraibéditions en tant que traducteur créole après Titeuf «Chimen lavi», «Tintin ék se picaros la» et «Les profs». |
L'interview - Le Petit Prince en créole guadeloupéen
Bonjour M. CHILIN, «Le Petit Prince» de Saint-Exupéry en créole! Nous serions presque tentés de dire «enfin»!... Dites-nous comment est née cette idée de traduction.
Comme souvent, les beaux projets naissent de la rencontre d’une idée et d’une volonté de faire. En l’occurrence, il s’agit de la rencontre entre F. Charbonnier (l’éditeur) qui a eu l’idée de traduire le Petit Prince en créole et de moi-même qui ai vu là une réelle opportunité de me frotter à un tel classique mondialement connu.
Connaissiez-vous ce conte avant que l’éditeur ne vous parle de ce projet de traduction?
Je crois que tout enfant ayant été à l’école a lu ou entendu parler du Petit Prince. Du moins, ceux de ma génération.
Si oui, que représentait il pour vous?
C’est un ouvrage très poétique, une ode à la tolérance. C’est un ouvrage très actuel, indémodable et atemporel car il dénonce la xénophobie, le matérialisme, le consumérisme, la vanité, qui poussent les hommes à courir après ce qu’ils n’ont pas, à entasser des choses qu’ils n’utilisent pas pour se donner de l’importance alors que le vrai bonheur réside en bien peu de chose.
Pensez-vous que ce conte en français ou en créole ait une résonance particulière auprès des peuples ultramarins?
Je pense que ceux qui connaissent déjà le Petit Prince ne seront pas déçus par cette version créole car elle est très fidèle à l’originale. Les autres, ceux qui ne le connaissent pas, s’il en est, auront plaisir à le découvrir à travers cette version aux couleurs locales et risquent d’être plus sensibles, de fait, aux messages contenus dans ce fabuleux conte.
Pensez-vous que le fait de lire ce conte en langue régionale apporte quelque chose de plus au lecteur par rapport à une lecture en français?
Au lecteur parfaitement bilingue, je doute fort; par contre aux autres, il permettra, peut-être, de mieux visualiser certains concepts ou messages sous-jacents. Quoi qu’il en soit, je crois que pour tous ceux et celles impliqués dans l’étude des langues et cultures régionales, ce sera à ne pas en douter, un ouvrage, que dis-je, un outil, et pas des moindres, de plus.
Comment s’est passée la traduction? Avez-vous rencontré des difficultés particulières liées à la construction proprement dite du conte en français?
La traduction a été très longue et très fastidieuse. Elle a nécessité plusieurs mois de lecture et de relecture. Et à chaque fois, il y avait quelque chose à modifier pour éviter des contresens, des inexactitudes, reproduire la poésie originelle tout en étant très local. Par exemple, dans l’ouvrage on utilise beaucoup l’inversion sujet, verbe, complément «...lui dit le roi» qui n’est pas possible dans une construction créole. Sans parler de la ponctuation, que j’ai essayé de respecter le plus que possible.
En quoi cette traduction a-t-elle pu être différente de celle des autres ouvrages que vous avez déjà traduits?
Jusqu’à maintenant j’avais surtout traduit des bandes dessinées en langue créole et le plus souvent, hormis «Tintin», chaque planche (page) était une petite histoire à elle seule, les constructions étaient des tournures classiques et de plus les dessins aidant à la compréhension, ces ouvrages ne requéraient pas une aussi grande exactitude dans le choix du vocabulaire.
Avez-vous apporté des modifications «insulaires» au conte initial ou avez vous conservé le texte en l’état?
Non, aucune. Le cahier des charges était très précis en la matière. Aucune liberté par rapport au texte, aucune entorse à l’œuvre originale. Le côté «insulaire» ne réside que dans la construction des phrases et dans le choix du vocabulaire très imagé pour faire ressortir la poésie du texte.
Le conte est-il traduit en d’autres créoles que le créole guadeloupéen? Si oui, dans quels autres créoles a-t-il été traduit?
Il a été traduit en créole martiniquais, guyanais et réunionnais en même temps pour ce qui est du créole francophone. Pour les autres créoles je n’en sais trop rien.
Savez-vous en combien de langues ou dialectes ce conte a-t-il déjà été traduit?
180
Etait-ce votre premier projet de traduction avec CARAÏBEDITIONS ?
Non. À ce jour c’est notre 4ème collaboration.
Si ce n’est pas le premier, à quels projets avez-vous déjà été associé?
Ma première collaboration avec CARAÏBEDITIONS a été Titeuf «Chimen Lavi» (Le sens de la vie) où j’avais pour la première fois travaillé avec les 3 créoles (guadeloupéen, martiniquais pour l’essentiel et guyanais), puis il y a eu «Tintin ek sé Picaros-la» (Tintin et les Picaros) puis Lé Profs «Tablo nwè» (Les Profs: Tableau d’honneur) en collaboration avec J.-M. Rosier pour le créole martiniquais.
Ti-Prens Lan
Biographie de la traductrice du Petit Prince en créole martiniquais: Marie-José Saint Louis
Originaire de la Martinique, diplômée d’un DEA de sociolinguistique créole, elle fut pendant plusieurs années chargée d’études au GEREC et chargée de cours en sociolinguistique créole à l’Université des Antilles-Guyane.
Elle enseigne actuellement l’allemand dans divers lycées. Elle a traduit plusieurs livres pour enfant en créole ainsi que la BD «Le sang du Flamboyant» de Migeat et Auclair («San Pié-Flanbwayan») publiée chez Caraïbéditions. |
L'interview - Le Petit Prince en créole martiniquais
Bonjour Marie-José Saint-Louis, «Le Petit Prince» de Saint-Exupéry en créole! Nous serions presque tentés de dire «enfin»!... Dites nous comment est née cette idée de traduction. Connaissiez-vous ce conte avant que l’éditeur ne vous parle de ce projet de traduction?
Je connaissais ce conte avant que l’éditeur ne me parle de son projet de traduction en créole. Je m’étais même déjà essayée à sa traduction, dans le cadre d’un atelier «Langue Créole» à l’Université du Temps Libre de la Martinique. J’avais déjà travaillé les deux premiers chapitres avec peut-être le vœu secret de tout traduire un jour...
Si oui, que représentait-il pour vous?
C’est un livre dont la fin m’a toujours laissée triste et sans voix, à cause de l’émotion qu’elle suscite. Je ne suis pas adepte de la tristesse, mais j’aime lire et relire ce texte, car une fois l’émotion passée («on se console toujours» chapitre XXVI), on se sent prêt à repartir dans sa vie sur des bases chaque fois meilleures.
Ce texte, selon moi, se prête parfaitement à la traduction en créole, pour deux raisons. La première est la simplicité des phrases et la multiplicité des dialogues qui collent bien au phrasé créole. N’oublions pas qu’il s’agit d’un conte et la langue créole a une longue tradition (orale) du conte derrière elle. La deuxième raison est la profondeur de ces mêmes phrases, qui tentent d’apporter des réponses au questionnement de n’importe quel être humain, quels que soient son origine, son lieu de vie, la langue qu’il parle... Je pense que j’aurais été plus embêtée par un texte sur le quotidien des nuits... (rires)!!!
Qui ne s’est jamais interrogé sur l’amitié et la solidarité; qui n’a jamais été interpellé par la fraternité et la générosité, qui n’a jamais été nourri par le rêve, l’espoir... et puis il y a ce chagrin d’amour dont le Petit Prince veut se consoler… Le lecteur est le témoin de tout cela puisqu’il est invité à s’identifier au narrateur. Tous ces thèmes et plus encore sont dans «Le Petit Prince»; ils sont présentés tantôt avec fraîcheur et ironie, tantôt avec gravité, mais toujours de façon simple, candide, quasi- infantile... Bien d’autres textes ont pour vocation d’aider le lecteur en quête de réponse sur la condition humaine. J’ai beaucoup pensé aux textes de Khalil Gibran pendant la traduction: «C’est dans la rosée des petites choses que le cœur trouve son matin et se rafraîchit», mais «Le Petit Prince» n’a pas de prétention philosophique ou humaniste explicite, c’est un conte qui relate le voyage d’un petit garçon, chacun y trouve et y prend les messages qu’il croit y déceler. Tout est suggéré, jamais imposé.
Pensez-vous que ce conte en français ou en créole ait une résonance particulière auprès des peuples ultramarins?
Je ne pense pas que ce conte ait une résonnance particulière auprès des lecteurs martiniquais; je veux dire ni plus, ni moins que chez les autres lecteurs qui se comptent en millions... Ce texte n’est pas ancré dans un lieu ou une époque, ce n’est pas un texte ethno-centré et il est intemporel...
Pensez-vous que le fait de lire ce conte en langue régionale apporte quelque chose de plus au lecteur par rapport à une lecture en français?
Je pense que ce texte est touchant par le décalage apparent qu’il y a entre l’exposé des problèmes des hommes et la candeur et l’ironie avec lesquelles ils sont présentés. Le personnage du Petit Prince est attachant et le faire parler créole le rend plus amical, plus familier «Souplé... désiné an mouton ban mwen...». Il nous rappelle l’enfant espiègle que l’on a sûrement été ou que l’on a forcément connu... Il a simplement une sagesse inattendue en plus et semble posséder toutes les réponses aux questions qu’il pose: «Alò sé pikan-an, pou kisa yo la?» L’aviateur a envie de lui dire de cesser de poser des questions, mais leurs échanges restent fondés sur la connivence et la complicité, ce que sous-tend bien souvent la discussion en créole.
Comment s’est passée la traduction? Avez-vous rencontré des difficultés particulières liées à la construction proprement dite du conte en français?
La construction du conte en français n’était en rien gênante pour la traduction en créole. Mais certaines difficultés dans le texte même ont cependant dû être surmontées.
Le texte original utilise le discours direct dans de nombreuses saynètes et le français, comme bien d’autres langues terminent les prises de paroles pas des verbes déclaratifs («dit-il», «riposta-t-il», «répondit-il»...). Le créole ne fonctionne pas ainsi, et donc il a fallu trouver une solution qui n’alourdisse pas le texte, et nous avons choisi de mettre les verbes déclaratifs en introduction: «Flè-a réponn tou dousman: - Man pa an zeb.»
Le conte, dans sa volonté d’être écrit de façon simple, utilise beaucoup la répétition. Le mot «stupéfait», par exemple, apparaît de nombreuses fois; il a été traduit par «estébékwé», mais c’est ce même mot qui a été utilisé pour traduire «surpris» et «étonné»... Ceci augmente l’occurrence du même mot dans le texte créole par rapport à l’original, mais les mots «étonné» ou «estébédem» ne nous semblaient pas satisfaisants et de toute façon, les langues ne sont pas superposables!!!
Avez-vous apporté des modifications «insulaires» au conte initial ou avez-vous conservé le texte en l’état?
Certains éléments du conte ne font pas partie de l’environnement caribéen, mais ils n’ont pas été systématiquement adaptés dans la traduction. Il ne s’agit pas de s’enfermer dans un environnement où le boa ou l’astéroïde seraient bannis, mais parfois de petites modifications ont cependant été opérées.
Ainsi, le «champ de blé» n’a pas été traduit par «chan blé a» pour éviter qu’il ne soit compris comme le «champ bleu», ce qui n’aurait pas été incongru dans ce conte où le mouton dort dans une petite caisse, le serpent parle et la rose est capricieuse... Je me suis souvenu du récit d’une enseignante qui, demandant à ses élèves de maternelle quelle autre céréale que le blé ils connaissaient, s’entendit répondre «le vert»... Elle parlait pourtant bien de la fabrication du pain, mais le blé avait été pris par cet élève pour une couleur... Nous avons donc opté pour «chan séréal doré a».
Pour prendre deux autres exemples, nous avons également sans ambages traduit le mot «devinettes» par «titim», en guise de clin d’oeil au conte créole, et le mot «coquette» par «matadò»...pour le plaisir!
Le conte est-il traduit en d’autres créoles que le créole martiniquais?
Il y a cinq ou six ans, j’ai été très agréablement surprise de voir «Le Petit Prince» traduit en papiamento dans une librairie de Curaçao. Surprise et fière que nos voisins aient hissé leur créole au niveau de cette oeuvre majeure... Je regrette de n’avoir pas acquis un exemplaire à l’époque, bien que ne parlant pas le papiamento... Il serait aujourd’hui rangé à côté de mon exemplaire en français, à côté également de la merveilleuse édition animée achetée à New York (tout un symbole quand on sait que Le Petit Prince a été écrit dans cette ville) et à côté aussi de la version allemande (je suis professeur d’allemand). Grâce à Caraïbéditions, j’aurai bientôt quatre exemplaires supplémentaires (Guadeloupe, Guyane, Réunion et Martinique) et je trouve ces traductions très valorisantes pour nos langues régionales.
Etait-ce votre premier projet de traduction avec CARAÏBEDITIONS? Si ce n’est pas le premier, à quels projets avez-vous déjà été associée?
J’ai traduit le commentaire d’un documentaire sur la banane (DVD), édité par le CRDP de la Martinique. Pas grand-chose à voir, j’en conviens, avec la traduction d’un conte. J’ai par ailleurs épaulé une amie dans la traduction de trois textes illustrés pour la jeunesse, parus chez l’Harmattan et avec Caraïbéditions, j’ai traduit la Bande dessinée de Migeat et Auclair intitulée «Le sang du flamboyant». Ce sont des supports différents, mais pour moi, ces traductions en créole avaient chaque fois la même finalité: proposer au lecteur martiniquais un accès à lui-même, à son environnement ou à son histoire dans la langue intime du pays (La culture de la banane, le cas Beauregard, Madou Siwo épi bon zépis... l’Homme... à lire en créole!). J’ai chaque fois un réel plaisir à traduire ce genre de texte, et la première raison c’est que ces textes sont en connexion avec les lecteurs du pays. La deuxième raison, c’est qu’ils pourront, un jour ou l’autre, participer à la valorisation et la diffusion de notre langue régionale, le créole.
Caraïbéditions est une jeune Maison d'édition qui souhaite ouvrir un nouvel espace
d'expression créole et plus largement «Domien».
Après la publication, début 2008, du premier Astérix en créole des Antilles, GRAN KANNAL LA, de la version créole de Sang du Flamboyant, SAN PIÉ-FLANBWAYAN AN, du premier Titeuf en créole des Antilles, CHIMEN LAVI et du premier Astérix en créole de La Réunion, LA KAZ RAZADE, Caraïbéditions prévoit de publier de nouvelles BD en créole ainsi que des ouvrages en français, destinés à tout public, mêlant le texte, le dessin et la photo sous toutes ses formes: BD, livres jeunesse illustrés, romans, essais… |