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Hommage à Phelps

Ernest Pépin

 

 

 

 

 

 

 

Beauties par Hugh Michel BERROUET. Carrie Art Collection

Beauties

Nous voilà en demeure de poète pour célébrer, par delà les mots, le corps à corps têtu de l’homme caribéen avec l’impossible mémoire de son présent.

Un poète nous est venu, non pas tombé du ciel, mais de ce lieu introuvable où s’élabore une œuvre que nous avons devoir d’accueillir dans l’estime et l’honneur.

Il a nom Anthony Phelps et il a levé son chant par dessus le désastre et l’errance pour nous restituer, au plus vrai les harmoniques d’une densité du vivre.

Il a nom Anthony Phelps et il a donné sa voix aux quatre points cardinaux pour mettre à nu le soleil de nos consciences trop souvent obscurci par la barbarie du quotidien et la démission orchestrée de l’esprit.

Il a nom Anthony Phelps et son parcours a toujours allumé les feux de la création en une vingtaine de titres et une quinzaine de disques de poésie.

A quoi cela sert-il de dire qu’il a été plusieurs fois boursier du Conseil des Arts du Canada, qu’il a obtenu à trois reprises le Prix Casa de las Americas?

Le vrai Phelps est ailleurs. Il est dans cette baguette de sourcier qu’est la poésie vivante, dans ce laboratoire inachevé qu’est le roman, dans cette confrontation obligée qu’est le théâtre, dans cette parole, faussement naïve, que sont les contes pour enfants.

Qui ne se souvient de cette coulée luminescente qui nous offrit un jour un Haïti en partage?

Mon pays que voici! Texte férié qui posait «les doigts gourds du poème» sur les marches de l’espérance, la géographie de la souffrance et la transcendance de l’amour.

«j’accueillerai ma terre avec l’honneur du chant
sur le pas de ma porte
ouverte aux quatre courant de l’esprit
et me penchant sur l’ardoise de ses mains
où tout s’inscrit d’un crayon dur net et précis
je trouverai la route lumineuse
menant tout droit vers les paysages de l’homme »

Tout est dit, avec cette force tranquille que donne la certitude d’habiter l’essence des mots et de remonter le lit d’une Histoire quand «est venu le temps de se parler par signes».

C’est ce «don entier de poésie» qu’il vous est demandé d’accompagner ce soir pour inventer «un surcroît de rosée».

Cependant, aucun poète n’aime à être enfermé dans les pages d’un seul livre. Fut-il un livre fétiche.

Comment ne pas citer à la rescousse Femme Amérique où prétend Phelps: «ma poésie musarde et fait la plume buissonnière». Je dis «prétends», car en vérité, dans ce recueil d’une limpidité étincelante, tout en économie et tout en retenue, se déploie la nuit femelle d’une Histoire qui «nous a misés en aveugle.» dans une ronde merveilleuse où sont convoquées toutes les femmes des Amériques .

Il arrive aussi que la poésie d’Anthony soit Une phrase lente de violoncelle avec ce vibrato nostalgique qui vient des rumeurs de l’autrefois et des remous de l’aujourd’hui. Et même si l’écriture devient fumée, le poète habite la raison d’être de l’écho.

Tant d’autres titres tressent la couronne de Phelps! Il y circule des Eclats de silence, des Orchidées Nègres et toujours le temps saisonnier ramène dans la Bélière Caraïbe, les motifs d’une pensée qui n’assène point des vérités mais qui nous imprègne de sa lampe souveraine.

«Ce soir
à l’heure où la nuit propose
ses fabuleuses veines du songe
des paroles en attente sous ses doigts
dérivaient par-delà les clôtures.

En gestuelle d’automate
Il prétendait encore dompter le noyau du silence
Le soumettre à ses mains pétrisseuses
L’espoir en lui était un enfant naïf
Qui répétait ses gammes
Dorémifasol sans la si.»

La Guadeloupe aujourd’hui, à la Résidence d’artistes de La Ramée, s’honore d’avoir reçu ce dompteur du silence.

Elle gardera mémoire de sa musique de poète, de sa rébellion de caribéen, de ce souffle de confidence mélancolique qui anime ses images, de cette lumière irradiante qu’il accroche au jardin des poètes.

Anthony Phelps, frère, vieux frère, à peine posé sur la branche de la Ramée, te voilà renouant le pacte avec l’exil. En partance, toujours en partance, et pourtant tellement domicilié. En notre argile ton empreinte nous rappellera que nous fûmes frôlé . L’argile s’en souviendra!

Qu’il me soit permis, au nom de tous, de te dire Merci!

«Eternelle invasion de la parole poétique», a écrit Saint John Perse.

Et toujours le citant, j’ajouterai

«Nous t’acclamons Poète, dans ta prérogative et ta nécessité.»

Ernest Pépin

La Ramée
M. Anthony PHELPS - Artiste en Résidence du 13 février au 15 avril 2006
Habitation La Ramée, Sainte Rose, Guadeloupe. Photo F. Palli.

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Anthony Phelps sur le site Îìle-en-Île.

Mon Pays Que Voici, deuxième partie du poème. Extrait audio lue par l'auteur.

 

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