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Séisme à Haïti - 12 janvier 2010
Dix ans après - 12 janvier 2020

Dix ans après le goudougoudou, "c'est pire qu'avant"

Hélène Ruel
Association québécoise pour l'avancement des Nations-Unies

Les Petites soeurs de Sainte-Thérèse à Rivière-Froide n’ont pas été épargnées par le séisme. (Photo Emilio Bazile)

Psychiatre et gériatre, Dr Emilio Bazile remue ses pénibles souvenirs, farfouille avec émotion dans son dossier de photos qu’il ouvre le moins possible. Dix ans après ce que les Haïtiens appellent familièrement le goudougoudou, le médecin, lui-même d’origine haïtienne, admet que si son peuple a fait preuve de résilience, son pays ne s’est toujours pas remis du séisme du 12 janvier 2010. «C’est pire qu’avant!», résume-t-il avec regret.

Six jours après le tremblement de terre, Dr Bazile s’embarquait pour Haïti en compagnie d’une trentaine de médecins et d’infirmières. Le CECI avait invité l’Association des médecins haïtiens à l’étranger à se joindre à l’équipe française pour prodiguer des soins postopératoires.

«Notre équipe canadienne était postée dans un hôpital adventiste à Diquini près de Carrefour, dans la même zone que les chirurgiens américains», précise Dr Bazile. Membre du Groupe d’études et d’actions civiques pour Haïti, il était de sa «responsabilité» et de son «devoir», soutient-il, de participer à cette mission humanitaire. Résidant à Ottawa, il se rend au moins deux fois par année pour des
12 janvier 2020
Dix ans après le goudougoudou, "c'est pire qu'avant" pour l'avancement des missions médicales, surtout dans les zones rurales de son pays d’origine.

Le séisme a fait des milliers d’endeuillés tant en Haïti qu’ailleurs parmi les membres de la diaspora. Le médecin n’a pas été épargné, le tremblement de terre lui ayant ravi deux tantes, une cousine et quatre amis d’enfance.

Six religieuses et 33 enfants sont morts dans l’effondrement de l’école. Les corps s’y trouvaient toujours au moment de la photo.
(Photo Emilio Bazile)

Dr Bazile ne s’éternise pas sur les conditions dans lesquelles les médecins et les infirmières ont vécu et travaillé, ce qu’ils ont entendu de pleurs et de gémissements, ce qu’ils ont vu de désolation, senti, l’odeur de la mort étant puissante. Pendant des jours, des cadavres qu’on extirpait des décombres gisaient dans les rues. «On marchait avec, sur le nez, un tissu imbibé d’alcool.»

«Dans l’avion, de retour au Canada, nous avons pleuré tout le long du vol», se souvient-il.

Dix ans plus tard, malgré un pronostic assez sombre sur le sort d’Haïti, le docteur Bazile continue – entre autres engagements - à s’affairer à l’Association québécoise pour l’avancement des Nations unies (AQANU) - Haïti, venant d’ailleurs d’en accepter la présidence.

Fragile Haïti

Le mot «fragilité» qualifierait la condition générale du pays, selon lui.

Il évoque la position géographique de la perle des Antilles, exposée aux courants et aux vents de l’est des Caraïbes. «Et il y a deux failles sismiques en Haïti, une au Cap-Haïtien, l’autre dans la région de Port-au-Prince.»

Fragiles sont aussi ses infrastructures. «Quelques semaines après celui d’Haïti, le Chili a aussi subi un tremblement de terre; ses infrastructures étant plus solides, on n’a pas eu à y déplorer autant de morts.»

Pour la première fois, observe le médecin, Haïti a dû enterrer ses morts dans des fosses communes. «La vénération des morts donne habituellement lieu à des prières et à des chants. Soudainement, il y en a eu tellement qu’on n’avait pas le temps pour ces cérémonies. Imaginez les corps décomposés de gens qu’on aime gisant dans les rues, ramassés par un bulldozer; quel tableau traumatique!»

«La ville n’a pas retrouvé son visage d’avant», observe Dr Bazile. (Photo Emilio Bazile)

Dr Bazile dit également que pour la première fois de son histoire, Haïti s’est retrouvé avec des milliers de personnes handicapées. «Habituellement, faute de soins, un accident est souvent mortel pour un Haïtien. Il faut être reconnaissants à l’endroit des chirurgiens américains qui ont sauvé beaucoup de vies. Reste que ces gens handicapés ont des besoins que le pays n’est pas toujours en mesure de combler.»

Un immense deuil…

Les pertes de vies humaines et les blessures, la perte d’édifices «emblèmes» qui faisaient la fierté des Haïtiens, comme le «sublime palais présidentiel», l’effondrement de milliers de maisons que leurs habitants n’ont pas toujours les moyens de reconstruire, gravent et grèvent la mémoire collective. «Une catastrophe naturelle, psychologique, économique, politique; un immense deuil», dit Richardson Eugène, Victoriavillois d’adoption, également membre du conseil d’administration de l’AQANU.
Dix ans plus tard, la vie du peuple haïtien demeure toujours misérable et compliquée, avec, de surcroît, «un gouvernement qui n’a pas marché et dont il est incapable de se défaire», souligne le président. Est donc aussi fragile le climat sociopolitique.

«Haïti, c’est le pays qui a le plus de lois, mais qui ne dispose pas des moyens de les faire respecter», déclare le docteur Bazile, ajoutant qu’en matière de construction aucune leçon n’a été tirée du tremblement de terre de 2010. «Il n’y a pas de structure gouvernementale pour faire de l’éducation. Et puis, il n’y a aucun plan d’urbanisme.»

Six jours après le tremblement de terre, le médecin (à l’avant-plan, à gauche) débarque à Port-au-Prince
avec une équipe appelée à la rescousse. (Photo Emilio Bazile)

… et une immense résilience

En dépit de tout ce qu’il vit, le peuple haïtien fait preuve de résilience, observe le psychiatre. À une exception près, il n’a pas été appelé à la rescousse pour un choc post-traumatique. «Les gens ne sont pas devenus fous.» Un cas lui a été soumis, celui d’un père agressif à qui on avait annoncé la mort de son enfant né la veille du séisme. «Il voulait avoir le corps pour l’enterrer. Il voyait rouge.» Or, il s’avère que l’enfant n’était pas mort et qu’on a pu le faire sortir des mains de ses ravisseurs. «Ce sont des faits connus que beaucoup de bébés haïtiens ont été volés pour être vendus.»

Pour la première fois de son histoire, Haïti se retrouve avec des milliers de personnes handicapées. (Photo Emilio Bazile)

La «résilience» haïtienne, le docteur Bazile l’attribue aux profondes convictions religieuses des gens. «C’est un peuple qui vit avec la nature et est imprégné de la foi en Dieu.»

Pour la première fois de son histoire, Haïti se retrouve avec des milliers de personnes handicapées. (Photo Emilio Bazile)

Et c’est un peuple qui vit de l’étranger. «Chaque année, la diaspora envoie près de 7 milliards $ en Haïti.»

Il reconnaît que beaucoup d’argent versé à la suite du séisme ne s’est pas rendu jusqu’aux victimes. Reste que tous les efforts consentis, par exemple, par l’AQANU ont contribué à soutenir des partenaires haïtiens comme les Petites sœurs de Sainte-Thérèse (PSST) à Rivière-Froide.

Le séisme a fait mourir plus de 250 000 personnes… et démoli des milliers de maisons. (Photo Emilio Bazile)

Le séisme a provoqué l’effondrement de leur école de trois étages, tuant six religieuses et 33 enfants. Pendant des mois, les religieuses couchaient à l’extérieur, à même le sol de crainte que leur maison-mère, pourtant bâtie selon les normes antisismiques ne s’écrase sur elles.

Le palais présidentiel tel qu’on pouvait le voir en 1972. (Photo Hélène Ruel)

L’argent du gouvernement canadien et des Amis du sergent Mark Gallagher du Nouveau-Brunswick mort lors du séisme – Dr Bazile l’avait d’ailleurs rencontré deux mois plus tôt à Port-au-Prince - a servi à ériger à Rivière-Froide une école de formation professionnelle, laquelle existe toujours. L’AQANU a piloté le projet avec les PSST et continue de soutenir cette école leur appartenant. À l’échelle de l’AQANU, «on a un meilleur contrôle des projets parce que ce que l’on cherche, c’est à renforcer la capacité du partenaire.»

Cette conviction alimente et stimule l’engagement du résilient docteur Emilio Bazile.

Le séisme du 12 janvier 2010 dans l’oeil d’un peintre haïtien. (Photo Hélène Ruel)

Consulter le site ci-dessous:

https://www.aqoci.qc.ca/?aqoci-charge-e-des-medias-sociaux-et-appui-a-la-mobilisation

Site WEB: www.aqanu.org Facebook: https://www.facebook.com/aqanupourhaiti

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