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Antony Lhéritier

José Le Moigne

 

 

 

 

 

 

Antony Lhéritier, Des îles de silence acheté ce jour même à Plougasnou.

L'Héritier

 — Toi qui es Breton, connais-tu l’île d’Ouessant?

— Oui, très bien. J’y vais tous les étés pour le salon du livre.

 — Alors tu sais que j’ai reçu l’an dernier le Grand Prix du Livre Insulaire pour l’ensemble de mon œuvre?

— Bien sûr. J’ai même regretté que tu ne sois pas là!

— Eh bien, ils m’ont invité cette année. Ce serait bien qu'on y aille ensemble. Francis est d’accord pour m’accompagner. Tu sais qu’il ne me laisse jamais partir seul. C’est un bon fils. Je ne suis jamais allé en Bretagne, pourtant j’y avais deux amis très chers avec qui j’ai longtemps correspondu. Henri Queffelec et quelqu’un que je considère comme un très bon poète mais qui n’a pas eu le succès qu’il mérite. Antony Lhéritier. Il habitait dans un petit bourg près de Saint-Jean du Doigt. J’ai oublié le nom.

— Plougasnou?

— Oui c’est ça. Plougasnou.

Je ne vais pas encore une fois faire feu de tout bois et hurler à la coïncidence bien trop précise pour être fortuite. Je crains de vous lasser. Tout de même, comment de pas le souligner. Oui je connais Plougasnou et son «château» des Roches Jaunes, colonie de vacances de la ville de Brest, où de mes six ans à mes onze ans, je passais mes étés! Quant à Antony Lhéritier, au nom de quoi cacherais-je l’avoir côtoyé vers la fin de mon adolescence, toujours à Brest, au sein du groupe Poésie Vivante. Voilà, c’est tout. Je ne dirais pas que c’est beaucoup. Chacun est libre d’en penser ce qu’il veut.

Monter à son bureau et en redescendre en tenant dans ses mains une feuille jaunie, ridée et tavelée comme un vieux parchemin, ne lui pris pas plus de dix minutes. Joseph est un homme ordonné, ses archives sont classées. On pourrait presque dire qu’il a pensé aux exégètes.

— Voilà! C’est un poème que L'Héritier a eu l’amitié de m’offrir. Sera-t-il à ton goût? Pour ma part je le trouve magnifique.

Magnifique? Hum! Je ne crois pas pouvoir écrire cela. La forme me semblait un peu trop convenue et pour tout dire un peu vieillotte.

Mais le poème:

«Voici l’automne
Il est temps de changer d’amours
Le jour qui bat, la nuit qui sonne
Jamais n’ont promis le retour
Ni du passé ni de personne ...»

en lui-même était beau.

— Maintenant qu’il est mort continua Joseph, je regrette de n’avoir répondu que par le vague à son invitation, si souvent répétée, d’aller le visiter dans sa Bretagne tellement aimée. J’étais sincère. Nous étions jeunes encore et sans être infini l’avenir, à ce qui me semblait, n’était pas un vain mot. Pourtant, j’aurais dû deviner. Lhéritier était un vagabond de l’âme. C’était quelqu’un qui n’arrivait que pour mieux repartir. Pour lui, demain, était un mot vide de sens.

©José Le Moigne
Joseph Zobel la tête en Martinique et les pieds en Cévennes
Ibis rouge Editions

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