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Galerie de peinture mauricienne
Galri lapintir morisyen
Gouverneur Sir George Anderson
Portrait peint par Alfred de La Hogue Rey1
Portrait du Gouverneur Anderson, après restauration. |
Le 18 novembre 1847, une “Association mauricienne”, qui avait son siège à Londres et qui était en charge de défendre les intérêts des planteurs mauriciens, fit parvenir au Bureau colonial un mémoire mettant l’accent sur les insuffisances notoires de la constitution de 1831, celle-ci s’attachant au refus d’offrir à l’élite coloniale une quelconque possibilité de fournir les édiles du pays et de leur octroyer une participation effective dans la gestion de la Cité. Lord Grey, leur interlocuteur, se montra tout d’abord particulièrement intransigeant, refusant même de correspondre avec l’Association en question sur les questions de politique générale. Il est vrai de dire cependant que l’administration coloniale avait des craintes fondées relatives à cette élite blanche demeurée notoirement francophile.
Portrait du Gouverneur Anderson, état initial avant restauration, nombreux repeints intempestifs sur des enduits en relief. |
Après Londres, une action sur l’île même parut nécessaire aux colons, en vue de sensibiliser les autorités sur le rapport de forces existant. Un “Comité des colons”, installé à l’Hôtel de l’Europe, puis à la Triple Espérance (Loge maçonnique française), fit comprendre de vive voix et par écrit au sein du journal “Le Cernéen” daté du 10 octobre 1848, que le pays avait bien besoin de corps élus par la population à seule fin de trouver des remèdes appropriés à des maux grandissants.
Détail du tableau après retrait des repeints, pose des enduits surfacés et nettoyage des dégoulinures. |
Le gouverneur William Gomm se montra inflexible, mais résolut d’envoyer la pétition en métropole. Entre temps, deux raisons devaient modifier la donne et inciter Londres à prendre en compte la demande qui lui avait été soumise:
- La proposition émanait cette fois d’un aréopage plus ouvert à la population de couleur qui, à la différence des demandes précédentes, émanant toutes du Comité colonial d’Adrien d’Epinay, faisait preuve de plus d’ouverture. Curieusement, l’Angleterre, dans sa séculaire stratégie divisionniste, y vit une possibilité offerte d’enfoncer le coin dans une unité de façade vouée à terme à scissionner. Jouer la carte de la population de couleur contre la population des Blancs francophiles était devenu possible.
- D’autre part, la métropole trouva également dans cette demande, le moyen pratique de se libérer de quelques unes de ses onéreuses prérogatives, servitudes et responsabilités en tous genres, qui seraient certainement mieux gérées par une population locale consciente de ses besoins et priorités.
Détail du visage après restauration. |
Une proposition du Conseiller Jean-Baptiste Labonté en date du 7 mars devait placer la corporation municipale sous le signe de l’Union en établissant l’emblème officiel des mains entrelacées. Le premier conseil municipal élu (cf. portrait de Louis Léchelle), alla tenir sa première réunion dans l’immeuble Fleuriau, mais dut quitter celui-ci suite à un différend pour aller s’installer, cette fois à titre locatif, dans l’immeuble Numa Geffroy à la rue du Rempart. La première réunion du conseil municipal eut officiellement lieu le 19 mars 1850.
C’est donc au Gouverneur Anderson qu’on doit l’institution de l’embryon du premier organe élu localement. L’aide du Gouverneur ne s’arrêta pas là et le 22 septembre 1851, s’inspirant sans doute de ce qui avait eu lieu lors de la construction de La Citadelle du fort Adélaïde, il accepta même de mettre vingt prisonniers de droit commun à la disposition de la corporation, à la condition qu’ils soient dirigés sous bonne escorte armée. Louis Léchelle se rendit donc lui-même dans les prisons afin d’y choisir vingt hommes qu’il mit sous la férule du sieur Mc Donnaught, payé alors vingt piastres par mois et chargé de les contenir et les diriger. Le service municipal des travaux publics était né.
Le 3 septembre 1850, le conseil dut apprendre le prochain départ du Gouverneur pourtant fraîchement arrivé, muté à Ceylan. Déjà les sentiments de reconnaissance se manifestèrent et Louis Léchelle ne manqua pas ce jour là de faire mention du fait que “Sir George avait été le fondateur de la municipalité de Port-Louis pour laquelle il s’était toujours montré plein de bon vouloir et de sollicitude.”
Détail du tableau, traces de dégoulinures et repeints en relief.
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Détail du tableau après retrait des repeints et ragréage des enduits intempestifs. |
Détail du tableau avant restauration, médaille militaire, repeints intempestifs en relief. |
Détail du tableau, après restauration. |
Détail du tableau, sabre. nombreuses traces de dégoulinures visibles altérant la visibilité du tableau. |
Détail du tableau, après restauration. |
Deux pompons. Détail avant réintégration de la couche picturale et après retrait des repeints. |
Détail du tableau, signature de l'artiste, de la Hogue, 1850. |
Détail du tableau. Parchemin montrant la constitution de la corporation municipale. Avant restauration, repeints intempestifs en relief. |
Il se trouva même alors un conseiller élu, Emile Gausseran, pour vouloir retenir le Gouverneur Anderson à Maurice “en lui offrant d’élever, par des souscriptions volontaires, son traitement au niveau de celui qu’il recevrait à Ceylan.” Un comble! La proposition ne fut pas adoptée. Alors, plus modestement, l’idée de faire son portrait, plus raisonnable, fut retenue d’emblée, accompagnée de la rédaction d’un témoignage de regrets et de remerciements de la corporation. Il n’y eut que le conseiller William Wade West, justement d’origine anglaise à ne pas voter cette résolution. Rancunier, ce dernier avait en effet quelque grief personnel à l’encontre du Gouverneur.
Le 28 octobre suivant, le gouverneur lui-même eut l’occasion de montrer sa reconnaissance réciproque en écrivant au Conseil: “it will always be among the most gratifying recollections of my life that I gave the first municipal institution to Port-Louis.”
Le portrait de Sir George Anderson par le peintre de La Hogue Rey fut exposé dans la salle du Conseil, le 25 novembre 1850. Le portrait ne resta pas seul longtemps, le patrimoine artistique de la municipalité devait tout d’abord s’accroître du don du portrait de Mahé de La Bourdonnais, appartenant à la famille d’Epinay mais laissé en dépôt à la Loge de la Triple Espérance. Le don du tableau était d’ailleurs inscrit au testament d’Adrien d’Epinay décédé à Paris le 9 décembre 1839.
Ce n’est que le 9 août 1851 que le Conseil municipal délégua le Conseiller Jean-François Dauban à prendre possession dudit portrait. Par la suite, la municipalité ne manqua pas de faire effectuer les portraits de la plupart des maires de la capitale, constituant ainsi une magnifique galerie de portraits d’époque de nombre de politiciens et célébrités qui sans cette coutume, n’auraient sans doute laissé que la trace de leur nom à la postérité. Malheureusement, les aléas de la vie politique voulurent qu’à partir des années soixante, ces portraits rentrèrent en disgrâce et entamèrent doucement une descente aux enfers pour aboutir à la situation inimaginable où nous les avons trouvés, cité Vallejee, dans une annexe de la mairie servant de crèche municipale, dans un état déplorable qu’on a peine à décrire.
Détail du tableau. Parchemin montrant la constitution de la corporation municipale. Après restauration. |
Détail du tableau, boucle de ceinturon avec inscription de la devise royale : "Dieu et mon droit". |
Lors du départ du Gouverneur, la situation financière de la Municipalité, la situation financière de la Municipalité était excellente et accusait même un excédent de 2287 piastres. Le Gouverneur Anderson, malgré cet état de fait, consentit à augmenter la subvention gouvernementale à la corporation de 50%, la faisant passer de 8000£ à 12 000£.
Ce portrait est ainsi le témoignage d’une sincère reconnaissance qui s’augmenta vite de regrets, tant l’idylle des débuts de la municipalité devait par la suite laisser place à des relations plus conflictuelles vis à vis des autorités anglaises, plus enclines à vouloir récupérer tout ou partie de leurs prérogatives.
Quant à Sir George Anderson, en quelques mois, il sembla effectivement avoir durablement marqué la destinée du pays. Outre la constitution de la corporation municipale par une élection au suffrage restreint et censitaire de 18 conseillers élus, il augmenta considérablement l’immigration indienne. Il autorisa l’ouverture d’une ligne maritime régulière entre Maurice et la métropole via Aden.
En octobre 1850, il fut élevé à la dignité de K.C.B. (chevalier commandeur de l’ordre du Bain) et se rendit à Ceylan.
Détail avant restauration. Epaulette gauche à droite du tableau, nombreuses dégoulinures visibles. |
Après restauration. |
Alfred de La Hogue
Peintre, portraitiste
1810-1886
Alfred de La Hogue, à lui-seul, est bien symbolique de la peinture mauricienne du XIXe siècle: né à La Réunion dans la ville de Sainte-Marie en décembre 1810, à une époque où les destinées des deux îles sœurs, jusque là liées, allaient se disjoindre significativement, de La Hogue commença par quitter sa terre natale pour Paris où il eut l’occasion de faire ses études et d’apprendre les Beaux-Arts, notamment au sein du célèbre atelier du baron Gros, peintre alors encensé.
En 1846, il retourna s’installer cette fois à l’Ile Maurice, où il épousa une jeune fille de la famille de Chazal de Chamarel. Doté d’une riche propriété partagée sur le domaine de Belle Terre, qui portait bien son nom, il bénéficia d’une certaine aisance qui lui permit de s’adonner à son art.
A compter de mars 1877, il obtint un poste de professeur de dessin au Collège Royal de Curepipe, rare profession artistique sur l’île, avec celle de décorateur de théâtre, à pouvoir nourrir son homme, fonctions sur lesquelles défileront au fil des générations, nombre d’artistes mauriciens de renom.
Alfred de La Hogue, représentatif de la bourgeoisie coloniale de son époque, en fut pleinement solidaire. Il fut logiquement membre franc-maçon de la très célèbre Loge de la Triple Espérance, ce qui eut son importance, tant sa vocation de portraitiste y trouva matière à s’épanouir en brossant les figures les plus illustres de la société coloniale: Louis Léchelle, Martin Jean-Marie Virieux, Sir Jean Edouard Remono, le général Charles Murray, entre autres. Son portrait du Gouverneur Anderson est un des plus fameux. Uniforme et décorations, sabre, symboles de la Ville de Port-Louis, rien n’y manque dans la munificence du potentat.
Son portrait de Charles Telfair au Musée de Mahébourg, est également un modèle du genre puisque le notable y apparaît muni de son ouvrage de réfutation contre les abolitionnistes, une peinture qui en dit long sur le personnage, plus en tout cas que tout long discours. Portrait qui nous montre également les préoccupations et les motivations de cette peinture bourgeoise traditionnelle, moyen essentiel de situer le colon dans l’apogée de sa réussite économique et sociale, sans complexe.
On lui doit encore un portrait de Saint-Augustin à l’église paroissiale de Rivière Noire, une crucifixion, à l’église N.D. des Anges de Mahébourg.
Sérendat de Belzim fut son élève et puisa dans son savoir-faire un talent évident à peindre les portraits. De La Hogue fut en effet un immense portraitiste, le portrait du Gouverneur Anderson à lui-seul, témoigne de la restitution de toute une époque et de la réalité du pouvoir colonial tout puissant et imbu de son succès. A cette époque, le Gouverneur est véritablement le seul maître de Maurice après Dieu, ce que traduit parfaitement la patte de l’artiste.
Le portrait achevé fut accroché dès 1850 dans le salon mairal, d’où il fut décroché pour le retrouvé stocké sans ménagement dans une annexe de la municipalité de Port-Louis, en banlieue, au sein d’une école maternelle de Cité Valleejhee. Le tableau, comme tous les autres, avait beaucoup souffert et fut restauré en 2005.
De La Hogue mourut chez lui, à Port-Louis, en ce temps là, une partie de la bourgeoisie était encore port-louisienne, une autre était déjà installée sur les Plaines, à Moka et plus encore, à Curepipe, alors en pleine expansion.