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La peinture en Martinique
Vwel pwason
par Gerry L’Étang
Victor Permal – Vwel pwason, 2005, Huile et encre sur Isorel laqué, 49 x 64 cm. (Photo Jean Popincourt) |
Vwel pwason nous oblige à voir la mer et ravive le trauma initial: le Passage des Eaux.
Ballottés par le roulis, baignés à fond de cale par l’eau suintant de la coque négrière, nous avons comme les poissons voyagé sous la surface de l’onde, dessous les voiles arrogantes de trois-mâts hauturiers affrontant paquets de mer, tempêtes.
Sous la ligne de flottaison, dans la touffeur obscure où l’angoisse essore, naufragés par la perte du sens, nous avons renoncé à séparer les nuits des jours, à arpenter la traversée de l’abîme.
Nous avons éprouvé l’éblouissement des remontées vers le soleil, vu la désespérance des nôtres hébétés dans la lumière, amassé à pleins poumons l’air du grand large.
Nous avons connu le vertige du bleu inouï, infini menaçant, agité d’éclats insoutenables qui faisaient défaillir.
Sur le teck des mains courantes, usé par les agrippements fébriles de nos devanciers d’infortune, nous avons décrypté l’insondable de la déveine.
Volant dans l’écume, un poisson à voile azurée nous accompagnait, ombre portée d’un oiseau du ciel.
Puis nous avons senti des effluves de sucre, découvert une terre barrant l’horizon, flots verts tachetés d’ocre ondulant sous le vent.
On nous a débarqués. Sel amer sédimenté aux marques des chaînes, nous avons donné dos à l’océan, pénétré la mer des cannes et tenté de survivre.
Gerry L’Étang