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Mémoire de l'esclavage L'embarquement de bois d'ébène Serge Diantantu Troisième Tome Date de lancement 22 mai 2012
Mémoire de l'esclavage, Serge Diantantu • Caraibeditions • |
Préface
La traite négrière a arraché des millions d’hommes, de femmes et d’enfants à leur terre natale, a détruit des familles entières en les réduisant à l’état de marchandises, qu’on achetait, utilisait et exploitait jusqu’à leur mort. Les conséquences, foncièrement négatives en termes économiques, sociaux et culturels perdurent encore aujourd’hui.
Cette tragédie a presque partout été codifiée, légitimée et justifiée par des théories rétrogrades sur l’infériorité des noirs dont on disait n’avoir ni humanité, ni histoire, ni civilisation. Ces arguments ont servi de base idéologique à l’invention et à la hiérarchisation des “races” et à la domination des Africains et leurs descendants. L’abolition de la traite négrière et de l’esclavage, leur reconnaissance comme crime contre l’humanité par les Nations Unies lors de la “Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée”, qui a eu lieu à Durban en Afrique du Sud en 2001, ont été des grandes victoires du genre humain face à cette déraison.
Il est important de rappeler que les victimes de la traite n’étaient ni ne se croyaient inférieures à leurs oppresseurs. Elles ont par contre fortement résisté à la déshumanisation de ce système, depuis les lieux des razzias, pendant les traversées et dans les plantations ou les mines où elles étaient déportées.
Elles ont enrichi par leur savoir-faire agricole et industriel les pays bénéficiaires de cette tragédie.
Puisant dans cet héritage aux richesses insoupçonnées qu’ils ont su conserver, et usant de façon créative d’autres apports, y compris ceux de leurs bourreaux, ils ont ainsi profondément influencé et durablement changé les sociétés affectées par l’esclavage sur tous les plans de l’existence humaine, notamment sur le plan culturel. Nombreuses et belles sont “les fleurs du mal”, pour emprunter une expression baudelairienne, issues de cette tragédie: le jazz, le blues, le reggae, la rumba, etc…, mais également la riziculture et bien des inventions dans la techno-science, sans parler des religions véritablement universelles comme le candomblé, le vodum, la santeria, les seules qui, à ce jour, sont devenues planétaires sans missionnaires ni croisades.
La reconnaissance des interactions culturelles entre les peuples et de l’empreinte des cultures africaines sur les civilisations et la vie culturelle contemporaine permet de déconstruire les préjugés et le racisme ambiant et pernicieux.
Cette publication participe au devoir de mémoire sur cette page douloureuse de notre histoire commune qu’il est nécessaire d’assumer pour construire un avenir où plus jamais ne se reproduira une telle tragédie. C’est notre responsabilité, comme citoyens, parents et enseignants, de permettre aux jeunes générations de grandir dans un monde plus juste et plus équitable et de leur donner les moyens nécessaires pour continuer cette entreprise humaniste. C’est notre impérieux devoir de leur répéter après Aimé Césaire que, pour réaliser ce rêve, “la voie la plus courte et la plus sûre passe toujours par l’approfondissement du passé”. C’est pour cette raison que l’auteur Serge Diantantu cherche par son talent à informer un large public sur ces crimes contre l’humanité que furent la traite négrière et l’esclavage.
Dans son style accessible, l’auteur a réussi à livrer un enseignement utile, lequel contribuera à garder vivante la mémoire de l’esclavage, à renforcer la compréhension et le dialogue interculturels et à engager les jeunes citoyens pour combattre les nouvelles formes d’esclavage que subissent des millions de jeunes filles et de jeunes garçons, victimes des nouveaux trafics d’êtres humains.
Joseph Babalola Olabiyi Yaï
Ambassadeur, Délégué permanent du Benin auprès de l’UNESCO
Ancien Président du Conseil Exécutif de l’UNESCO
22 septembre 2009