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La Parole indomptée / Memwa Baboukèt Essai sur Jean-Paul Sartre, Paul Laraque, Franck Laraque, Manno Charlemagne, Richard Brisson,
ISBN 978-2-343-05393-6 • 15 mars 2015 • 292 pages • 26,60 €. |
Même quand il n'est pas une traduction d'un texte à l'autre, ce livre est bilingue pour avoir mis en rapport d'égalité et de parité les deux langues parlées par les Haïtiens. L'auteur essaie de montrer l'équivalence de compétence entre les deux langues dans leur univers parallèle. Le choix des textes n'est pas innocent, car la littérature, comme Sartre l'a démontré, n'est pas innocente: elle participe du projet de société.
Menm lè li pa yon tradiksyon de yon tèks ak yon lòt, liv sila a se yon liv bileng palefètke l mete nan rapò egalite ak parite de lang Ayisyen pale yo de yon degre ak yon lòt. M wen eseye montre ladann valè egal konpetans toude lang yo nan inivè paralèl yo. Jan m chwazi tèks ki pibliye isit la pa inosan, senpman paske literati, kouwè Sartre trè klèman montre, pa inosan: li fè pati de pwojè sosyete yon kan ideyolojik oubyen yon l òt. Tèks mwen yo soti de yon patipri, de rèl konsyans mwen.
Table des matières
- Avant-propos
- La Parole indomptée
- Hommage à Jean-Paul Sartre
- Sartre ou le mariage de la philosophie et l’engagement politique
- Le centenaire de Sartre: Hommage d’un Haïtien de la diaspora
- Post-scriptum: Remarques sur le cyclone Katrina ( septembre 2005 )
- Si Sartre était vivant en 2014
- Paul Laraque: Poésie et politique
- Étude sur Paul Laraque
- La mort de Paul Laraque
- Emmanuel «Manno» Charlemagne
- Témoignage
- Jean-Claude Martineau
- Post-Scriptum: Martineau version 2013
- L’Autre Laraque
- Jacques Stéphen Alexis: Une praxis faite légende
- Présentation promotionnelle du livre de Frantz-Antoine Leconte: René Depestre: du chaos à la cohérence
- Post-Scriptum: Mon rapport à Depestre
- Présenter L’instrumentalisation de la pensée révolutionnaire de Franck Laraque
- Politique de langue en Haïti
- Les implications malheureuses de l’élection de Dany Laferrière à l’Académie française
- En guise d’épilogue
Dezyèm liv / Deuxième livre
- Memwa Baboukèt
- Avanpwopo
- Entwodiksyon
- Yon liv antoloji Pòl Larak: Œuvres incomplètes
- Chapo-Ba pou 90 zan nesans Jean - Paul Sartre ( 1905–1995 ): Esè sou yon entwodiksyon kreyòl zèv li ak zèv Simone de Beauvoir
- Toni Morrison: Yon pri Nobèl pou yon nègès ginen
- Nou li liv Edwidge Danticat a: Travay Tè Pou Zo
- Mwen li liv Zansèt Patrick Sylvain an
- Post-scriptum / Ti degi: Jen 2012
- Paul Farmer: The Uses of Haiti
- Pou sove Mumia Abu-Jamal
- Danielle Legros Georges: Maroon
- Jak Roumen e lang kreyòl: Li t’ap ekri l plis si l te viv pi lontan
- Ti-moso souvenans ak obsèvans sou kolòk entènasyonal «Panse avèk Jak Roumen jounen jodia»
- Itopi tankou posiblite: Ayiti e pwojè imen inivèsèl la
- Ayiti demen
- Nan plas epilòg
- Powèm pou sèt michan towo
Avant-propos
Ces deux livres dans un même volume bilingue témoignent encore une fois de la capacité d’employer la langue haïtienne à un niveau et fréquence paritaires avec le français. Je suis gré aux éditions Harmattan d’avoir continué à soutenir cet effort qui commençait avec mon premier livre publié chez elles, Critique de la francophonie haïtienne (2007). Pour bien comprendre le livre, il faut le lire entièrement, pénétrant chacune de ses parties avec un parti pris de solidarité organique avec l’humanité souffrante que j’essaie d’y décrire.
Les crimes commis contre d’autres humains, que ce soit sous le régime esclavagiste, capitaliste, communiste, fasciste ou d’inspiration religieuse, dégradent l’idéal humanitaire, avilissant la morale élémentaire qui élève la quête du bien-être collectif et de l’individu humain comme paradigme premier. La morale est relative, je le sais, mais l’élan vers l’Autre – c’est-à-dire ce sentiment profond, viscéral, que les docteurs et personnel médicaux éprouvent presque chaque jour et qui les aide à dépasser l’aspect hideux de la contingence–, est une réjouissance d’autant plus immense qu’elle ne cherche pas l’éclat de la «reconnaissance» ni de la gloire. C’est un standard, une mesure de bienséance et de décence que nous nous procurons nous-mêmes.
Ma relation à la littérature est une question de transcription, d’écriture de la mémoire. La mémoire est aussi la conscience dans la mesure qu’elle restitue l’expérience d’être telle que l’individu l’a vécue ou perçue dans sa subjectivité. Dans ce livre, j’essaie d’aller à contre-courant de l’indifférence traditionnelle des critiques haïtiens vis-à-vis des auteurs haïtiens contemporains ; tout comme au temps d’Etzer Vilaire ils attendent la consécration par les milieux intellectuels internationaux, particulièrement les milieux influents comme Paris, Berlin ou New York, avant de signaler l’existence de ceux-ci.
Je suis de ceux qui pensent que notre modernité a commencé avec la Révolution française et la Révolution haïtienne. La Révolution française a poussé de l’avant l’impulsion révolutionnaire des masses européennes commencée avec la rébellion cromwellienne en 1649. La Révolution haïtienne a apporté un élément indispensable au projet de la complétude de l’Être à peine touché par la Révolution française: l’irréductibilité de l’Être à une catégorie autre que lui-même. Il est total ou il n’est pas. S’il est moindre que cela, il y a wrongdoing, il y a méfait, injustice, il y a perversion de son idéal d’être qui demande correction, c’est-à-dire le changement révolutionnaire.
La littérature a pour fonction, comme l’y a attribué Sartre, d’articuler l’idéalité et l’engagement de l’Être que ce soit par la fiction, l’essai, la philosophie, la poésie ou le mémoire. Comme je le dis dans l’introduction, tous les écrivains dont je parle dans cette anthologie de recensions et de profils m’ont touché affectivement ou idéologiquement une manière ou une autre. En outre, j’ai eu des relations personnelles avec beaucoup d’entre eux.
Je suis attiré par une expression écriturelle qui, par son style, sa profondeur ou l’ironie qui s’en dégage, défie les conventions sociales et parie sur quelque chose d’autre, quelque chose qui motive l’esprit. Je n’aime pas la langue de bois du réalisme-socialisme, mais je pense qu’une œuvre littéraire qui n’exprime pas l’humanité souffrante ou qui n’en rend pas compte, est un échec ontologique cuisant, dans la mesure qu’elle accepte de jouer le rôle de décor ou de distraction dans une réalité inacceptable. Presque tous les auteurs ici présentés insèrent dans leurs œuvres une dimension humaniste pour ainsi dire, dépassant la simple fonction d’objet d’amusement que d’aucuns assignent à la littérature, invitant le lecteur à poser son regard vers un horizon plus élevé.
La parole indomptée est une parole en marronnage qui ne s’est pas laissée «domptée» ni «dressée» par l’idéologie dominante qui préconise l’asservissement et la soumission de l’âme ; elle ne s’est pas non plus laissée clôturée dans l’enceinte réductrice de la pensée officielle, que celle-ci provienne des institutions étatiques ou d’autres suppôts de la superstructure dominante comme les universités, les médias de communication de masse, les protocoles fonctionnalistes des corporations.
La parole indomptée a horreur du contrôle social ou individuel, souvent elle exprime ce refus à son corps défendant ou au détriment de son bien-être économique. Memwa Baboukèt, le titre haïtien du second livre du volume, signifie littéralement Mémoire de la muselière; il contient également une anthologie de recensions et de profils d’auteurs contemporains, la plupart d’entre eux haïtiens. Le texte introductif en haïtien sur Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir est, à ma connaissance, le premier texte jamais écrit dans cette langue sur ces deux philosophes qui dominent le xxe siècle.
Nous avons innové aussi avec la recension écrite en haïtien de l’œuvre anglaise d’Edwidge Danticat (The Farming of Bones / La Récolte douce des larmes), une grande fête littéraire et odyssée romanesque de la tragédie de 1938, quand la dictature de Rafael Trujillo décrétait la politique systématique d’expulsion et d’assassinat des dizaines de milliers d’Haïtiens vivant en République dominicaine. Les Haïtiens ont vécu et continuent de vivre cette tragédie comme à la fois un affront national et une blessure personnelle de premier ordre, cela plus de trois quarts de siècle plus tard.
J’étais très ému par la manière respectable Edwidge Danticat peignait les coupeurs de cannes haïtiens en République dominicaine et la dignité en général dont font montre les personnages même quand ils sont écrasés par la souffrance, même bouleversés dans les tourmentes. C’était important pour moi de rendre dans la langue haïtienne ce respect envers la mémoire historique des Haïtiens comme Danticat l’a éloquemment étalée dans cette œuvre.
Memwa Baboukèt / Mémoire de la muselière se réfère dans le contexte haïtien à l’exclusion des masses dans les discussions et décisions qui les concernent, aux brimades qu’on leur a imposées. Leur «mémoire», c’est leur propre conscience des choses que l’enfer colonialo-esclavagiste d’abord, et l’enfer capitaliste néocolonial ensuite ont tant fait pour les empêcher d’avoir. On comprend bien que la muselière révèlera beaucoup des souffrances et malveillances dont elle est témoin quand elle décidera d’en appeler à sa mémoire.
À l’issue d’une série de textes sur Jean-Paul Sartre qui couvre les plus importants aspects de son parcours intellectuel et qui rend hommage à sa formidable influence sur le xxe siècle, j’ai décidé d’ajouter dans le livre un chapitre sur ce que Sartre aurait dit sur les événements contemporains s’il vivait encore parmi nous en 2014.
Sur les questions de l’islamisme politique, de ladite guerre contre le terrorisme, le mariage homosexuel, la violation des droits civiques des Noirs aux États-Unis, l’occupation permanente et sanglante de la Palestine, la domination néocolonialiste en Haïti, qui nous donne un président fabriqué en studio, etc., Sartre aurait gardé sa lucidité et liberté critique coutumières, nous enjoignant à nommer la chose oppressante. Il nous aurait averti contre à la fois la dérive terrorisante des intégrismes religieux et les réflexes «patho-sécuritaires» des gouvernements, poussés très souvent par les intérêts économiques de leur respectif complexe militaro-informativo-industriel. Il aurait possiblement hurlé «Je suis Charlie» comme tant d’autres au lendemain des attentats terroristes contre Charlie Hebdo et le supermarché juif à Paris le 7 janvier 2015, mais il aurait certainement demandé pourquoi on ne montre pas autant d’ardeur solidaritaire aux milliers de Nigériens tués par Boko Haram au même moment ou aux innombrables victimes, euphémistiquement appelées «victimes collatérales», des bombardements de l’Otan…
À la lueur d’un monde contemporain régulé – comme la Cour suprême étatsunienne l’a solennellement proclamé dans une récente décision – par l’identification des corporations à l’espèce humaine, il n’est dès lors pas étonnant que celles-ci identifient leurs intérêts à ceux de l’espèce humaine comme on le voit aujourd’hui. En plus, la question «traditionnelle» de l’exploitation de l’humain par l’humain est devenue compliquée par l’ajout de celle de la non-représentation de l’humain dans les délibérations et considérations qui le concernent dans les centres de pouvoir qui décident son sort. Ce sont autant de défis nouveaux qui se sont présentés à notre monde aujourd’hui. Sartre se serait certainement démarqué de la société tout-spectacle et voyeuriste qui est devenue la norme aujourd’hui.
Nous ressentons un grand plaisir de voir que le respect que nous montrons à la langue vernaculaire haïtienne est partagé par un nombre grandissant de membres de l’intelligentsia haïtienne, qui vient d’installer, fin décembre 2014, une Académie de la langue haïtienne à Port-au-Prince. Napoléon Bonaparte le savait bien, lui qui s’assurait bien que son expédition en Haïti et en Égypte comprenne, outre des troupes de choc, des savants et intellectuels : la domination culturelle est aussi importante que la domination politique, économique et militaire. J’essaie de montrer dans ce livre, et dans presque toutes mes ouvres ce dernier quart de siècle, que loin d’être un objet de mépris et d’exclusion comme la bourgeoisie haïtienne et l’impérialisme culturel français le font croire, la langue haïtienne est un facteur indispensable au développement haïtien en plus d’être un référent identitaire valorisant.
Ce projet linguistique est à la fois le pari, la promesse et l’objectif du vingt-et-unième siècle haïtien.
Avanpwopo
Prezantasyon La Parole indomptée / Memwa Baboukèt
De liv sila yo nan yon sèl volim bileng montre ankò yon lòt fwa kapasite pou anplwaye lang ayisyen an nan yon nivo ak kontinyans egalego avèk fransè. Mwen gen redevans anvè Edisyon Harmattan pou soutyen li kontinye bay jefò sila a ki kòmanse avèk premye liv mwen pibliye lakay li, Critique de la francophonie haïtienne (2007). Pou yon moun ka byen konprann liv sila a, fòk li li li tout antye, avèk yon patipri, yon sansiblite solidarite òganik avèk limanite k’ap soufri mwen eseye dekri nan liv la. Krim ki komèt kont moun, keseswa sou rejim esklavajis, rejim kapitalis, fachis, kominis, ouswa rejim enspirasyon relijye yo, degrade ideyal imanitè elemantè a, yon ideyal ki leve rechèch byennèt kolektif ansanm ak byennèt endividyèl tankou yon paradigm primòdyal.
Moralite se yon bagay ki relatif, mwen konnen, men santiman ki pouse w vè lòt moun – yon santiman pwofon, ki antre nan fon manbràn ou ke doktè ak pèsonèl medikal yo eksperyanse prèske chak jou e ki ede yo depase aspè malouk kontenjans – se yon rejwisans sitèlman imans li pa chache ni « rekonesans » ni laglwa. Se yon estanda, yon mezi byenseyans ak desans nou bay tèt nou noumenm.
Relasyon m ak literati se yon keksyon transkripsyon, ekriti memwa mwen. Memwa se menm ak konsyans palefètke li fè moun reviv eksperyans lavi jan endividi a viv li ouswa jan li konprann li nan sibjektivite li. Nan liv sila a, mwen eseye ale alopoze endiferans tradisyonèl literatè kritik ayisyen yo toujou montre vizavi ekriven ayisyen kontanporen ; menmjan nan tan Etzer Vilaire yo ret tann se lè milye enfliyan entènasyonal yo, patikilyèman milye kouwè Pari, Bèlen ouswa Nouyòk, vin konsakre ekriven yo anvan yo siyale ekzistans yo.
Mwen pami moun ki panse modènite nou an kòmanse avèk Revolisyon fransè e Revolisyon ayisyen an. Revolisyon fransè a pouse ann avan enpilsyon revolisyonè mas ewopeyen yo ki te kòmanse avèk rebelyon Cromwell la an 1649. Revolisyon ayisyen an vin pote yon eleman ki te endispansab nan pwojè konpletid Èt imen ke Revolisyon fransè a te apèn touche: enposiblite pou redui Èt imen nan yon kategori ot ke limenm. Se swa l total oubyen li pa ekziste. Si ou fè l mwens ke sa, gen yon bagay ki pa dwat, gen mefè, enjistis, genyen pèvèsyon ideyal sa l ye, ki mande koreksyon, sètadi yon chanjman revolisyonè.
Literati gen pou fonksyon, kouwè Sartre te ba li, pou l atikile ideyalite ak angajman Èt imen keseswa nan fiksyon, esè, filozofi, pwezi oubyen memwa. Kouwè m di nan entwodiksyon an, tout ekriven m pale de yo nan antoloji revi literè ak pwofil sila a touche m afektivman e ideyolojikman yon fason oubyen yon lòt. Epitou, mwen gen relasyon pèsonèl avèk anpil nan yo.
Mwen atire pa yon kalite ekriti ki, pa estil li, pwofondè li oubyen ironi ki soti ladann, defye konvansyon sosyal yo e parye sou yon bagay diferan, yon bagay ki motive lespri moun. Mwen pa renmen langaj rakbwa reyalism-sosyalism lan, men m panse yon zèv literè ki pa eksprime limanite k’ap soufri a, oubyen ki pa pale de li, zèv sa a se yon echèk ontolojik kapital palefètke l asepte jwe yon wòl dekò ouswa distraksyon nan yon reyalite ki inaseptab. Tout ekriven mwen prezante isit lan enkli nan zèv yo yon dimansyon mwen ta rele imanis ki depase senp fonksyon objè amizman zòt bay literati, yon dimansyon ki envite lektè yo pou yo poze rega yo nan dyeksyon yon orizon ki pi elve.
Pawòl endonte a se yon pawòl ki an mawonnaj ki pa lese ideyoloji dominan an « donte » ni « drese » li, yon ideyoloji dominan ki prekonize asèvisman ak soumisyon nanm moun; pawòl endonte a pa nonpli lese yo klotire li nan lakou fèmen panse ofisyèl la, ke l te sot de enstitisyon Leta yo ouswa nan lòt barak sipèestrikti dominan an kou inivèsite ak medya kominikasyon demas yo, ouswa tou pwotokòl fonksyonalis kòporasyon yo.
Pawòl endonte a orifye pa nenpòt tip kontwòl sosyal ouswa endividyèl, e souvan li fè sa kont pwòp sekirite kò li oubyen tou odetriman byennèt ekonomik li. Memwa Baboukèt, se tit ayisyen dezyèm liv volim bileng sila a, li siyifi literalman an fransè Mémoire de la muselière ; li gen ladann l tou yon antoloji revi literè ak pwofil ekriven kontanporen, laplipa nan yo ayisyen. Tèks entwodiktif ann ayisyen an sou Jean-Paul Sartre ak Simone de Beauvoir la se, daprè konesans pa m, premye tèks ki te jamè ekri nan lang sa a sou de filozòf sila yo ki domine tout XXèm syèk la.
Nou fè yon nouvote tou avèk revi literè ann ayisyen liv anglè Edwidge Danticat a (The Farming of Bones / Travay Tè Pou Zo), ki se yon gran banbòch literè e avanti romanès trajedi 1938 lan, lè diktati Rafael Trujillo a dekrete politik sistematik espilsyon ak asasinasyon plizyè dizèn milye Ayisyen ki t’ap viv an Repiblik Dominikèn. Ayisyen te viv e kontinye ap viv dram sa a kou yon ensilt nasyonal e blesi pèsonèl trè tranchan, menmsi sa te revi pliske twaka syèk de sa. Mwen te trè touche pa fason respektab Edwidge Danticat te dekri koupèdkann ayisyen yo an Repiblik Dominikèn ak jan jeneralman li montre diyite pèsonaj yo menm lè yo ap petri nan soufrans, menmlè yo boulvèse nan touman. Sa te enpòtan pou mwen pou m te rann nan lang ayisyen respè anvè memwa istorik Danticat layite avèk si bèl elokans nan zèv sa a.
Memwa Baboukèt / Mémoire de la muselière refere, nan kontèks ayisyen an, a esklizyon mas yo nan diskisyon ak desizyon ki konsène yo, ansanm ak brimad yo enpoze sou yo. «Memwa» yo, se konsyans pa yo sou sa k’ap pase ke lanfè kolonyalo-esklavajis la anvan, epi lanfè kapitalis la aprè fè tout sa yo kapab pou anpeche yo genyen. Nou ka konprann byen baboukèt la ap vin devwale anpil soufrans ak malveyans li temwen lè l vin deside fè apèl a memwa li. Alaswit yon seri tèks sou Jean-Paul Sartre ki kouvri aspè ki pi frapan nan pakou entelektyèl li e ki rann omaj a enfliyans konsiderab li genyen sou XXèm syèk la, mwen deside ajoute nan liv la yon chapit ki poze keksyon pou konnen kisa Jean-Paul Sartre t’ap panse sou evennman kontanporen yo sil t’ap viv ankò an 2014.
Sou keksyon islamism politik, sou swadizan lagè kont teworism, maryaj omoseksyèl, vyolasyon dwa sivik Nwa yo Ozetazini, okipasyon pèmanan e sanglan Palestin, dominasyon neokolonyalis ann Ayiti, kote yo ba nou yon prezidan yo fabrike nan estidyo, elatriye, Sartre t’ap kenbe lisidite ak libète kritik ke l te genyen yo, li t’ap ankouraje nou pou nou nonmen bagay k’ap oprese nou an. Li t’ap ba nou avètisman kont alafwa degrenngolad teworizan entegrism relijye yo ansanm ak reflèks «patho-sekiritè» gouvènman yo, ki trè souvan pouse pa enterè ekonomik respektif konplèks militaroenfòmativo-endistriyèl yo. Kouwè anpil lòt moun te fè jou apre atak teworis kont Charlie Hebdo ak sipèmache jwif la a Pari jou 7 janvye 2015 lan, li t’ap rele «Je suis Charlie», men li t’ap mande tou poukisa yo pat montre menm santiman solidarite sa a ak plizyè milye Nijeryen Boko Haram te tiye menm semèn lan oubyen ak tout kantite viktim bonbadman Otan yo yo bay tinon dous «viktim kolateral»…
Nan ekleraj yon mond kontanporen yo kondisyone – kou Lakou siprèm Etazini solanèlman pwoklame nan yon resan desizyon – pou egalegolize kòporasyon yo a espès imen an, li pa etonan kòporasyon yo egalegolize enterè yo avèk enterè espès imen an kou nou wè sa jodia. Anplis, keksyon «tradisyonèl» eksplwatasyon imen pa imen an vin konplike pa keksyon non-reprezantasyon Èt imen nan diskisyon ak konsiderasyon pami gwo chabrak opouvwa yo sou bagay ki konsène sò li. Sila yo se otan de defi nouvo ki prezante devan mond nou an jodia. Sartre t’ap sètennman demake li de sosyete tout-espektak e voyeuris ki vin nòmalite kouran jounen jodia.
Nou santi yon gran plezi lè n wè respè nou montre anvè lang vènakilè ayisyen an vin pataje pa yon kantite moun deplizanpli gran nan intelligentsia ayisyen an ki fèk vin enstale, nan fen desanm 2014, yon Akademi kreyòl ayisyen nan Pòtoprens. Napoleon Bonapat te konprann bagay sa a byen, se sa k fè li te asire l byen ekspedisyon li ann Ayiti e ann Ejip te gen ladann tou, apa twoup de chòk yo, anpil savan ak entelektyèl: dominasyon kiltirèl la osi enpòtan ke dominasyon politik, ekonomik ak militè a. Mwen eseye montre nan liv sila a, kouwè nan prèske tout zèv mwen ka-de-syèk ki sot pase a, ke lwen ke l se yon objè mepri ak esklizyon kouwè boujwazi ayisyen an ansanm ak enperyalism kiltirèl fransè vle fè moun konnen, lang ayisyen an se yon faktè endispansab pou devlopman Ayiti anplis yon referan idantitè valorizan.
Pwojè lengwistik sila a se alafwa pari, pwomès ak objektif venteinyèm syèk ayisyen an.
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