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Contes créoles

Le roman de Zamba et de Lapin

Zamba et Lapin tuent un bœuf du Roi

Quelques contes créole
recueillis par Mme Schont, 1935.

Un jour, Lapin, qui était le parrain d'un des fils de Zamba, invita son filleul à dîner, et lui donna à manger de la bonne viande bien grasse. Quand l'enfant le quitta, il lui donna même pour son père un peu de viande que le petit Zamba emporta dans une dent creuse.

Arrivé chez lui, il donna la viande à son père, qui la trouva bien bonne, mais déplora qu'il y en eût si peu. Il en était resté un peu au fond de la dent creuse, et Zamba prit une clef et arracha la dent de son fils pour prendre le petit reste de viande.

*

Quand il rencontra Lapin, il s'empressa de lui demander où il avait pris cette belle et bonne viande. Lapin lui dit: «Viens demain, avant le jour, au premier chant du coq, et je te conduirai à l'endroit où je la prends

*

Zamba fut plus qu'exact au rendez-vous. Il vint déjà à onze heures du soir, se percha sur un corrosolier, et imita le chant du coq. Lapin se réveilla très fâché, disant: «Ce n'est pas le coq: c'est toi qui as chanté, Zamba. Va te coucher, et tu reviendras quand une bonne vieille femme aura toussé.»

Zamba alla chez sa grand'mère, la réveilla et lui donna une fessée: ce qui fit tousser la pauvre vieille. Et il revint. Lapin n'avait pas en le temps de s'endormir que déjà il était de retour, disant que la vieille avait toussé. Lapin le renvoya encore; mais il finit par céder à l'impatience de Zamba qui ne le laissa pas dormir de la nuit.

*

Ils se mirent donc en route à 4 heures du matin, et Lapin le conduisit au pré du Roi où paissaient les bœufs du Roi.

Lapin dit à Zamba: «C'est dans le ventre des bœufs du Roi que je prends la viande dont tu as mangé. Voici comment il faut faire: Nous allons entrer tous deux dans le ventre d'un boeuf, et puis, de nos mains, tout doucement, nous creuserons, toi d'un côté, moi de l'autre; nous détacherons la bonne graisse et la chair tendre sur les côtes du bœuf. Mais il faut y aller doucement et ne pas se tromper de direction, sinon le boeuf mourrait. Maintenant, en cas d'accident, voici ce qu'il faut faire: il faut, si nous sentons que le bœuf vient à tomber, nous glisser: toi, qui est grand, dans la panse à caca qui est grande, et moi, qui suis petit, dans la panse à pipi qui est petite.»

Zaba écouta bien, autant qu'il put dans son impatience, puis ils se glissèrent dans le ventre du bœuf. Chacun de son côté, ils se mirent à creuser et à détacher la graisse de ses côtes.

Et le bœuf se mit à maigrir; il maigrissait, il dépérissait, et personne ne savait pourquoi. Finalement, le bœuf s'abattit dans le pré, car Zamba, trop glouton, avait creusé trop vite et avait touché le coeur du boeuf. Les deux compères se glissèrent chacun dans sa cachette: Lapin dans la panse à pipi, Zamba  dans la panse à caca.

*

Le Roi, averti de l'accident qui était arrivé a son bœuf, arriva dans le pré et fit ouvrir la bête pour voir de quoi elle était morte.
Il faut savoir que la panse à pipi c'est tout ce qu'il y a d'immangeable dans les intestins: le fiel, la vessie.

On jeta donc la panse à pipi; elle tomba et éclata avec un clic. Et Compère Lapin en sortit, et faisant comme s'il passait juste par la, il dit: «Comment, vous jetez des choses sales comme ça sur moi, qui passe : le fiel, la panse à pipi de ce bœuf!»

On lui fit des excuses, et il s’en alla, riant une fois de plus, emportant même un beau morceau de viande qu'on lui avait donné pour calmer sa colère.

La panse à caca, c'est tout ce qu'il y a de bon dans les intestins: le gras double, les tripes. C'est ce qu'on ne jette pas.

Et quand on arriva à découper la panse à caca, on y découvrit Zamba.

Et l'on dit: «C'est Zamba qui a tué le bœuf du Roi.» Et on le roua de coups, et on le battit tellement, tellement qu'il faillit bien y rester cette fois.

boule

Viré monté