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Contes créoles

Contes divers

Cendrillon

Quelques contes créole
recueillis par Mme Schont, 1935.

Une mère avait deux filles dont l'une était belle et l'autre laide. La mère préférait la Laide. Elle faisait tout pour empêcher la Belle de se marier; elle menait la Laide à tous les bals, laissant la Belle à la maison, et elle devait laver le linge, récurer la case, faire cuire le manger, faire tout le travail, tandis que la Laide ne faisait jamais rien.

*

Un jour, la mère dit à la Belle: «Voici un paquet d'aiguilles et d'épingles mélangées; il faut les démêler et les ranger pendant que nous serons à la messe»; et elle partit avec la Laide à la grand'messe. Il y avait, naturellement, aussi le ménage à faire.

Quand sa mère fut partie, la jeune fille alla prendre de l'eau à la fontaine. Là, elle rencontra une vieille femme qui lui dit: «Mon enfant, pourquoi pleurez-vous?» Elle répondit: «Ma mère m'a donné beaucoup de travail à faire, et je n'en finirai jamais de démêler les épingles et les aiguilles. Et si, à son retour, je n'ai pas fini, elle me battra.»

Alors, la vieille lui donna une petite baguette, et lui dit:

«Tu n'auras qu'à dire: par cette petite baguette, faites que j'aie ce que je désire!»

La Belle prit la baguette et retourna a la maison, toute joyeuse. Elle regarda la baguette et dit: «Faites que la maison soit bien rangée et que les épingles et les aiguilles se séparent!» Tout fut fait selon son désir.

Quand sa mère revint de la messe, elle fut étonnée de voir que tous les travaux étaient finis.

*

Le dimanche suivant, en partant pour la messe, elle donne à faire plus de travail encore que la première fois. Cette fois, la Belle fit ses travaux en un tournemain, grâce à la baguette, et, quand tout fut rangé, épousseté, bien en place, elle demanda à sa baguette de beaux vêtements pour s'habiller, et un joli carrosse pour la conduire, elle aussi, à la messe.

Quand elle arriva à l'église, tout lemonde la regarda. On la prenait pour une princesse, tant elle était jolie.

Mais elle partit un peu avant la fin de la messe, et quand sa mère rentra, la Belle, comme toujours, portait sa robe de travail. La mère lui dit: «Si tu avais été à l'église, tu aurais vu une princesse.» La fille ne répondit rien.

Le dimanche suivant elle eut encore plus de travail, mais la baguette fit tout en un clin d'oeil. Et sa mère n'était pas arrivée que, déjà, le carrosse s'arrêta devant le palais.

Elle était encore plus belle que le premier dimanche, et tout le monde l'admira. Elle repartit un peu avant la fin de la messe.

Mais, en descendant les marches de l'église, un de ses souliers tomba. Comme elle était pressée d'être rentrée avant sa mère, elle ne le ramassa pas.

*

On trouva le soulier, et on l'apporta au Roi qui déclara que la jeune fille a qui appartenait ce soulier serait la femme de son fils. Le Roi fit donc chercher, dans tout le pays, la femme qui pourrait chausser ce soulier.

Les messagers du Roi avaient déjà visité toutes les maisons, et fait essayer le soulier à toutes les jeunes filles du pays. Aucune n'avait pu le chausser.

Il ne restait plus que la maison de la mère des deux filles à visiter. Quand les messagers du Roi vinrent, ils lui demandèrent où étaient ses deux filles. Elle ne montra que la Laide, disant que l'autre était absente. La Laide essaya la chaussure, mais elle ne put y entrer, et les envoyés du Roi allaient partir quand ils entendirent le perroquet dire: «La Belle est sous la baille!1»

La mère voulut faire taire le perroquet. En vain! Elle voulut le chasser; mais il s'obstinait à répéter: «La Belle est sous la baille!» Finalement, les envoyés du Roi avisèrent un baril retourné, et, en effet, la Belle était dessous. Ils lui essayèrent le soulier, qui la chaussa sans effort.

La mère, voyant cela, en devint comme folle de colère, mais cela ne lui servit à rien.

*

Quelques jours après, fut célébré le mariage de la Belle avec le fils du Roi, et la mère, ainsi que la Laide, durent les servir comme leurs domestiques.

 

  1. Le baril, en créole.

boule

Viré monté