Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

extrait de mon projet de roman, journal d'une vieille folle

Umar Timol

Incommunicabilité des êtres. Se tenir à l’orée de l’autre. Vouloir te parler. Tout te dire. Ne rien cacher. Se dévoiler enfin. Déverser là maintenant, tout de suite, tout ce qu’il y a en moi, c’est de la lave qui émane des tréfonds, je me dois de te parler tout de suite, tout dire, il le faut, je veux, je réclame que tu épouses les contours de mon être, que tu rendes malléable tout ce qui est dur, que tu dilues l’inconnu et l’inconscient, que tu me dépouilles enfin de ma solitude, j’ai envie que quelqu’un m’écoute, m’entende, me comprenne, j’ai envie que tu ouvres toutes les embrasures de tes os pour que je puisse m’y immiscer, j’ai envie de m’effondrer sur le rivage de tes lèvres, j’ai envie d’être avec toi, cesser d’être seule, cesser l’exercice de l’imposture, ne plus jamais paraître, ne plus jamais prétendre, je veux, mon ange, que tu me comprennes, que tu sois celui qui descelle le sens de mon corps qui est spectacle. Je suis seule. Reviens, s’il te plait, reviens vite, j’ai envie de te parler. Et il faut que tu m’écoutes, que tu m’écoutes vraiment. J’ai tant à dire. Il faut que quelqu’un m’écoute. Il faut que je te raconte ma vie, mes enfers, il faut que je puisse te dire tout ce que je suis, sans compromis, sans mensonges, il faut que tu bêches mes entrailles pour en extraire la sève. Je suis seule, trop seule, je n’en veux plus, de l’alibi de l’indifférence, du culte de l’absurde et de la mort, il faut que quelqu’un m’aime, il le faut, et ce sera toi je le sais, il faut que tu m’aimes, il faut que tu instruises le sens de ma vie, il faut que tu sectionnes mes pourritures, que tu reflues toutes mes amertumes, que tu me reconstruises avec les grands élans de ta jeunesse et de ta naïveté. Il le faut. Mais tout est faux, je le sais, on ne peut atteindre l’autre car nous demeurons les prisonniers de l’opacité de nos égoïsmes et de nos peurs. On ne peut atteindre l’autre car nous ne savons guère ce que nous sommes. On ne peut se défaire que dans la pleine lumière de l’absolu. Mais comment croire? Comment croire? J’ai depuis longtemps perdu la foi. Ce monde parcouru de tant de fièvres et de beauté n’est que le triste usage de la mort. Il en est ainsi et on n’y peut rien. Mais reviens s’il te plait, mon ange, je t’attends. Reviens vite. J’ai envie de te parler et il faut que tu m’écoutes, que tu m’entendes, que tu épuises tous les mots qui sont en moi, qui jaillissent à tout vent, que plus personne, ni rien ne pourra retenir, je veux que tu les sculptes pour en faire une nouvelle créature, pure, sereine, dénuée de toutes mes facéties. J’ai envie que tu m’écoutes et que tu m’aimes. J’en ai envie. Reviens, vite, reviens, vite. J’ai besoin de toi. Il faut que quelqu’un m’écoute, me comprenne, il le faut. Et ce sera toi.

Je t’attends.

umar

Viré monté