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À feu mon père
Je reviens ce matin chez nous
Ici à Grand-Bourg
Pour la première fois depuis ton douloureux adieu
Tu as quitté la rade que je tutoie de mes pieds nus
Les vagues sont lasses et le jour tiède
Et ta présence tant me manque déjà
Orphelin sans partage et pour toujours
J’ai perdu ma mère une seconde fois
Je reviens
Joindre ce bout de quai
Que ton amour a marqué dans mes souvenirs
Tu as quitté la rade sans retour
Et fais le choix de fuir les balafres ordinaires
On a dit glissement
Solitaire éprouvé
Vacillement d’une lampe qui éclaire sans brûler
Tu en as fais ton crédo…
Me voilà devenu père et phare moi-même
Quand hier encore j’étais ton fils
Je mets pieds à terre dans ce pays le nôtre
Veuf de l’ardeur de ton amour
C’est dur disais-tu sans dénouer l’entrave de ta parole
Je ne puis résister aux larmes qui s’imposent à mes yeux
Et lézardent mon corps
Tout me parle de toi à mots si bas
Selon ton habitude
Une berceuse incrédule et seule
Que la brise craintive meut mollement
Des photos de toi isolé dans ton écrin d’azur aux Basses
Tout ici me dit le silence têtu de tes lèvres devenues closes
Je dois maintenant par moi-même
Prévoir les épreuves que tu mâchais avant moi
Dans le tissu confus du pays tourmenté
Tu laisses un héritage de gestes que je ne veux pas ordinaires
Tu as été un père généreux que l’on a dit maternant d’amour
Donnant à chacun de nous d’être unique à tes yeux
Et ma main posée sur ton cœur
Glacé et lourd d’épreuves ultimes
En signe de dernier adieu
Je veux te dire…
Mon modèle
Mon guide
Mon père
Plus qu’un souvenir de toi
Mon phare silencieux ancré à la frange des palabres
Boussole inébranlable et juste
Je mets avec les tiens ce prunier en terre
Pour continuer à ceindre la route
Dans le sillage fructueux de tes principes.