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| Labadjou | 
Le  dernier bateau vient de quitter l’ancrage
Une  amarre qui traine a tranché vif le luisant
Les  remous turquoise de mer pure s’apaisent
Le  soleil déjà sur les Basses se fane doucement
Le  sable chamboulé s’abandonne entre les doigts usés des coraux 
Les  demoiselles les pagres et les perroquets aux portes des nasses
 S’embrassent à légers coups de bouquet de bulles  
Et  la brune s’installe sur Bambara qui s’enlise dans sa brume
Dans  la savane quiète de Tivoli les crabes arment leurs pinces
Les  chauves-souris faméliques accrochées aux flancs de La Treille
Déploient  sans bruit leurs amples ailes de feutre sombre 
Les  plus habiles taquinant à satiété le jus des sapotilles
Les  crabes gestants sur la défensive s’enferment dans la peur
Le  bec pointu d’un héron-crabier affamé frappe à leurs portes
Les  femmes en bandes gaies panier tressé en équilibre sur leurs nattes 
Se  hâtent avec adresse entre les halliers pour devancer l’Angélus
D’arriver  à temps dans la case faire diner les grands et coucher les petits
Les  hommes assassinent le dos des tables à coups de dominos
La  ville chante des airs de pause qui remontent depuis le creux  des ravines
La  lune gravide a pris sa place dans son cocon de nuages encore tièdes
Et  chaque lieu donne à la naissante nuit des allures de fête
Un  trio de jeunes filles bien mises accrochées à leur chapelet
        S’agenouillent  en silence aux pieds d’une vierge compatissante
        Notre  Dames des Champs généreuse se couvre d’ex-voto
        Des  hommes sans âge mi-chauves au torse velu
        Cercle  d’or délicatement ancré à l’oreille
        Devisent  doctement sur le tracer des nuages
        Cette  heure à son odeur si douce et particulière quand elle se mêle au silence
        Un négrillon  attardé car le temps presse roule à l’aveugle  
        Son  cercle d’acier entre les rangs de canne ballotés par la brise 
        A la  lueur des fanaux gavés de pétrole demain se prépare à voix basse
        Le  patron bornage fait l’inventaire des sennes qu’on ira mouiller de bon matin
        Au  haut du Morne Lolo une enclave d’arbustes épineux se révèle à mes yeux
        Les  lucioles donnent leur ballet de feux scintillants 
        Entre  les rameaux ivres du bois d’inde-citron et des rangs de ti-boum soulants
        Des  crânes crépus fioles en mains s’élancent à l’assaut de ces perles de nuit
        Ma  tante Gaga pousse le bois sec pour varier la force du foyer
        Une andouille  suspendue au pignon de la pièce suinte et prend son fumet
        Et  les braises pétillantes enflamment les fesses noires 
        D’une  vieille chaudière résignée
Un  jour éphémère et crépitant à chaque fois se plie en cadence au temps
        Mes  cousins déjà en âge d’habilité écossent pour le dîner des pois-mélangés 
        Le  bol en aluminium se remplit à mesure de billes émeraude aux verts variés 
        A la  cadence des cousines envoyant monter des romances connues
        Tout  s’agite et reprend sa place chacun connaissant la sienne
        Quand  le dernier lien crépusculaire est rompu
        L’île  prude reprend sa route à l’abri des marées humaines  
        Et  la lune coquette prend les lacés du chemin-blanc pour miroir
Max  Rippon
          Durocher  17 janvier 2017

