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Keep Singing Black Cob
Vue sur Baie-Mahaut depuis les Mammelles. © F.Palli |
J’ai donné à ma voix le tranchant de la faucille
J’ai donné à mes paroles la puissance des marteaux
Mon chant est demeuré ce long sanglot seul et triste
Usé sur l’enclume du temps qui passe sa paresse
Et pourtant l’espoir engage chaque arpent resté vif en moi
Voilà ma nuit de pleine lune venue à bout de mes matins neufs
Voilà la pluvine qui ruisselle et fait luire mon corps
Voilà le chemin rendu savonneux et plus glissant encor
Et ma lutte chaque jour plus rude
Et ma solitude accrochée au flanc des récifs
J’ai accepté de soumettre mon être aux souffrances des hommes
J’ai accepté en solitaire de gravir le morne le plus haut
Pour lire bien avant la route des quatorze détours
J’ai suivi ces tracés capricieux
Pour mener mes frères dans ces lieux paisibles que tu m’as indiqués
Et voilà qu’il pleut sur nous des larmes tièdes
Saumure tenace à la commissure de mes lèvres
Gland d’ancrage où se pose mon repos
J’ai peine à donner cadence aux espérances
J’ai peine à porter haut la voix à effilocher la paix des nuages
Pour convaincre le dernier des attardés
Et ma solitude accrochée aux portes béantes des avens
J’ai si souvent refusé d’être cette macula asservie
Qui lit le monde la nuit paupières closes
J’ai rêvé d’être à l’égal des autres hommes
Qui vont leur route le long les cannaies imberbes
Mais tu as voulu que je sois commissaire de ce peuple-là
Mais tu as voulu que je sois comptable soumis de ses errements
Et tu as voulu qu’avec mes seules mains nues
Je retourne la terre rêche pour faire fleurir les savanes inquiètes…
Je suis à ce point triste et point las de combattre la bombance des fromagers en rut
Je veux reforger l’acier dans lequel nous sommes trempés
Je veux connaître le jargon intime des galaxies
Pour lever l’unique route qui domine la crête des cyclones en feux
Je veux planter mon totem dans l’œil des tourbillons haineux
J’ai fait l’inventaire des étiers pour lier des espérances inabouties
Et ma solitude demeure accrochée à la barbe des vagues furieuses
Donnez à mes mains pouvoir de forger le destin des hommes à leur insu
Donnez à ma parole pouvoir d’apaiser ces silences grondants
Qui font trébucher nos pas lourds à porter
Donnez aussi à mon cœur force d’aimer le fossoyeur
Qui m’accordera la paix ultime
Au creux de cette terre que j’aurai tant aimée
Alors je rendrai aux matins tristes
La beauté d’une gouttelette de rosée
Suspendue au menton peureux de ma feuille de siguine
Max Rippon