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Carnet de voyage
Châlons-en-champagne

Hommage national à Aimé Césaire

Max Rippon

 

Ces 28 et 29 juin 2013 Aimé Césaire a été nationalement honoré à Châlons-en-Champagne. Le lieu choisi pour cet hommage-célébration est une ancienne chapelle reconvertie en lieu de culture.

Cordi Jesu-hostiae sacratissimo

Cette initiative de mécénat culturel nous la devons au groupe d'avocats  associés ACG, dont Michel Auget est l'incarnation.

Comme toutes les grandes idées, honorer Aimé Césaire est parti d'un défi lancé par un groupe d'amis humanistes, au cours d'une détente festive. Ils s’engagent avec la même rigueur qu’ils mettent à gérer leurs entreprises et vont  porter le projet jusqu'à le faire parrainer par le ministère des outre-mer, qui salue cette généreuse initiative, en confiant au maire de Châlons le message vibrant et sensible à lire, de monsieur le ministre, Victorin Lurel.

Césaire

Ainsi donc, une ancienne chapelle devenue «L’Atelier», est ce lieu sanctuaire où vont se croiser la mémoire de Césaire, la flamme tremblotante, l’alerte angoissante de Nelson Mandela, et la sève montante et fleurie de Barak Obama, revenu en terre d'Afrique matricielle commune, au bras de sa mère, comme un enfant que l’on conduit par la main pour faire l'inventaire du dernier foyer resté tiède, de son enfance.

J'étais invité à Chalons pour honorer Césaire, et j'ai pensé, l'actualité faisant loi, qu'il fallait mettre ces trois symboles croisés au service d’une spiritualité de la négritude revigorée, inviter les participants à marquer un temps de silence, et installer en ces lieux vénérables, la résurgence du grand cri nègre qui avait encore tant à faire, pour bousculer durablement les assises d’un monde toujours injuste aux yeux du poète.

Nous avions pour tenir conclave, notre hôtel désacralisé, nos vitraux majestueux comme passerelles de lumière, notre sainte sacristie reconvertie en office, nous étions là réunis au nom de Césaire, et autorisés à penser qu'il était au milieu de nous, en cet instant de cession d'une âme qui s’en va lentement et d’une espérance vive qui vient la prendre en relais. En ce lieu de partage, dans la résonnance des serments que l’on tient, nous forgions dans les pas brulés de révolte d’un Césaire rebelle, des lendemains neufs pour ce continent tant spolié.

À chacune de mes interventions je me suis basé sur ce fil rouge, pour nous expliquer aux autres, pour exprimer nos attentes, faisant avec mes auditeurs le parcours peuplé de gués truqués, de la négritude au tout monde en passant par l’antillanité et la créolité.

Cet hommage a Aimé Césaire pour le centième anniversaire de sa naissance, a permis de partager nos expériences, autour de ces rencontres improbables de sous-hommes prélevés d'Afrique, semés au hasard des détours et des caprices négriers, en terre d’Amériques continentales et insulaires, pour servir les besoins cupides et toujours actifs, de la vieille Europe.

Il a fallu dire et redire qu'avec Césaire nous habitons toujours cette blessure sacrée et qu'il faut encore aujourd'hui brandir nos armes miraculeuses pour nous affirmer hommes et nègres à la fois.

Le nègre fondamental, durant ces 2 jours, nous a donné de nombreuses occasions de nous retrouver autour de sa pensée. Des  artistes tels Amadou Gaye et Tété sont venus en terre champenoise ajouter leur sensibilité à l’intensité des instants. A l’occasion de conférences formelles ou lors de savoureux tintements de flutes, nous avons posé les points de sutures qui s’imposaient, là où notre histoire commune fait encore mal. Nous avons plaidé l’indispensable réparation sur le chemin de la réconciliation, et la naissance d’une nouvelle humanité, dont nous sommes la douloureuse prémonition.

Buffet inaugural de l’exposition d’Harry Guzzi, ici au premier plan

Buffet inaugural de l’exposition d’Harry Guzzi, ici au premier plan.

Buffet inaugural de l’exposition d’Harry Guzzi, ici au premier plan

Une vue de l’exposition du peintre Harry Guzzi qui répond aux photos de Amadou Gaye.

Amadou Gaye est ce talent pluriel qui sait regarder, qui sait voir et entendre, qui sait faire ressentir toute l'émotion qu'il est capable d'intégrer et nous restituer tout cela en simplicité. Durant son spectacle il a habité la parole des poètes de la négritude de Damas à Sengor, de Césaire à Tirolien par la prière du petit enfant nègre.

Amadou Gaye

Amadou Gaye, mettant en voix les poèmes des auteurs majeurs de la Négritude.

C'est sous un tonnerre d'applaudissements mérités qu'Amadou cédera sa place au talentueux Tété.

Tété n'est pas qu’une voix, ce n'est pas une guitare docile et douce non plus; mais c'est tout cela à la fois sur scène, quand il confond ses textes avec la parole élaborée de Césaire, l’artiste donne à entendre le murmure des bouches sans voix de ceux qui n’ont rien inventé, mais sans qui le monde ne serait pas monde.

En ces instants, même ses hésitations deviennent exquises et prennent le chemin des encensoirs.

Tété

Tété, soft et talentueuse  présence en scène, sous les voutes complices de la chapelle.

Puis ce fut le temps de se transporter vers le square aimé Césaire pour y planter ce palmier symbolique.

Le maire de Châlons se chargea de lire, outre son discours, le message du ministre des outre-mer, ce qui avait pour effet de rehausser encore plus la qualité de l'instant et l'émotion de l'événement.

La foule des riverains s'est mélangée aux invités et ensemble nous avons encore murmuré la pensée Césairienne.

Square Aimé Césaire, le maire de Chalons lors de l’hommage officiel.

Square Aimé Césaire, le maire de Châlons lors de l’hommage officiel.

Puis vint le moment de planter le palmier. Avec la délicatesse d'une mémoire que l'on confie à la terre chaque pelletée est venue consolider l'assise de cet arbre que nous avons mis entre les mains lourdes d’amitié de la postérité.

Le voilà désormais  debout comme la négraille, inattendument debout dans la cale, debout  dans le vent…

Plantation du Palmier mémoriel.

Plantation du Palmier mémoriel, sous le regard de Bruno Forget et de Jean-Claude Alagapin, inventeurs du projet.

Au second jour de ce  partage, après avoir mis en terre l'arbre de vie, nous sommes revenus en nos lieux de convivialité pour mettre aux enchères, le tableau original offert par Harry Guzzi, dont le produit de la vente aux enchères est destiné à contribuer à une action patronnée par la fondation Aimé Césaire.

tableau vendu aux enchères

En gros-plan, sous le regard de monsieur Gérard Berthiot, vice-président du Conseil général de la Marne,
le tableau vendu aux enchères à monsieur Eddy Corssenet, au bénéfice de la fondation Aimé Césaire.

Nous étions rassemblés autour de la dimension en route de Césaire, par la volonté d'hommes généreux, qui à Châlons-en-champagne,  avaient décidé de cette rencontre, qui a su mériter sa dimension nationale.

Trachicarpus fortunei

Palmier debout devant le «KA» sonnant la fin de la cérémonie.

Impossible de conclure cet instant d’hommage sans faire monter vers le ciel timide, les accents de la peau tendue du KA.

Nous nous retirons du square  Aimé Césaire avec le sentiment que cet arbre mis en terre aura pour mission de rappeler que le poète ne meurt pas…sa voix en silence devient voie.

Année Césaire

Rentré à la maison, j'ai fait escale à Martinique ou l’année Césaire bat son plein. La ville est pavoisée de paroles du poète national, car c'est ainsi qu'il faut reconnaître Césaire, désormais.

J'ai quitté l'île par l'aéroport qui porte son nom, avec la tristesse honteuse de penser, que notre aéroport, notre pays,  notre terre n'a pas encore trouvé un guide avisé qui lui dévoilerait le chemin des méandres tortueux pour le conduire à naître pour soi, et qu’à défaut d'images aptes à fleurir notre panthéon intime, à nous aider à nous perpétuer, notre aéroport continue de s'appeler inutilement, Pôle Caraïbes.

Durocher le 9 juillet de 2013
Max Rippon

boule

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