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La Caraïbe et moi

De Bonaire à Sainte-Croix : la traversée

Hector Poullet

Photos: Geneviève Poullet.

Embarqués sur le Madikéra, un voilier de 12 mètres, avec Frédéric, le Capitaine, Marie-Ann, sa femme, Geneviève mon épouse, et moi, nous cessons de déambuler entre les cayes des iles Aves et décidons qu’il est temps de rentrer en Guadeloupe, voici le récit que fait Marie-Ann, d’après le souvenir qu’elle a gardé, de cette traversée.

«Notre croisière entre Roques, Aves et Bonaire touchant à sa fin, il a bien fallu se décider à quitter Kralendjik et c’est sous les meilleurs auspices que nous appareillons pour une traversée estimée à trois jours.

Malheureusement, peu après notre départ le vent change, très vite nous nous rendons compte que le voyage va être bien plus long que prévu car nous avons le vent debout: il nous sera impossible de faire route sur la Guadeloupe.

Le mieux que nous puissions faire c’est de taper sur Saint Kitts, en espérant que le vent ne change pas de direction ou que peut-être il adonne, pour nous permettre de nous rapprocher de notre objectif.

Comble de malchance, après quelques heures, le vent tourne encore plus au nord et, le mieux que nous puissions réussir à ce moment là, est de faire route sur l’ile de Sainte Croix, ile Vierge américaine, en restant toujours au plus près du vent, mais cette fois en changeant de bord.

Tout à coup, au milieu de la deuxième nuit, le vent fraîchit, la houle forcit, et nous sommes rattrapés par un grain si violent, qu’il couche subitement le bateau. Le Capitaine tente de le mettre à la cape: il donne un coup de barre pour positionner le bateau en diagonale par rapport aux vagues, il largue les écoutes pour que le vent ne prenne plus dans les voiles et nous nous sentons immédiatement beaucoup plus en sécurité, en dépit du tangage et du roulis horribles qui nous balancent de tous bords. Brusquement, nous réalisons que la voile d’avant, le génois, que nous voulons réduire au maximum, refuse de s’enrouler. Nous sommes sous des trombes d’eau, dans une nuit noire, nous avons enfilé nos gilets de sauvetage et accroché nos harnais de sécurité à la ligne de vie. Mais le génois qui bat dans tous les sens est coincé. En l’éclairant avec une torche, nous constatons, avec horreur, qu’il s’est pris dans une barre de flèche. La voile bat de tous côtés sous une pluie cinglante, les vagues sont déchaînées, le bateau tangue, roule de façon effroyable et nous ne savons pas comment faire pour démêler ce fichu génois de la barre de flèche tribord.

Il nous aura fallu plus de trois heures, au milieu de cette terrible tempête, dans une situation des plus périlleuses, avant que notre courageux Capitaine parvienne à sortir le bateau d’une catastrophe qui semblait imminente, en provoquant un empannage très risqué, qui, cependant, va se révéler très efficace puisque, tout naturellement, le génois va se libérer de la barre de flèche dans laquelle il était coincé !!!

Une fois que le vent a molli, que la mer s’est calmée, nous avons pu reprendre sereinement notre route.»

Il s’agissait toujours de reprendre la route vers Sainte-Croix, les conditions météorologiques ne nous permettant plus de faire cap sur la Guadeloupe. L’arrivée à Sainte-Croix n’a cependant pas été sereine, bien loin de là!

 À suivre donc…bb

Vocabulaire de la marine à voile dans ce texte:

Adonner : le vent adonne  
Avoir vent debout  
Barre de flèche  
Changer de bord  
Empannage  
Larguer les écoutes  
Le génois  
Le génois bat de tous les côtés  
Le vent fraîchit  
Ligne de vie  
Mettre à la cape  
Rester au plus près du vent  
Tangage et roulis  
Taper sur  
Tribord  
Un grain  

Sainte-Croix

Sainte-Croix. Source de la photo: NASA.

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 Viré monté