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Calendrier des métiers en voie de disparition La marchande de sorbets et les jeunes «délikan» Photo Geneviève Poullet. |
Marceline propose aux touristes, en route vers les chutes du Carbet, des sorbets à la noix de coco.
Des vrais!
Pas de ces sorbets fabriqués avec du lait de coco en boite.
Non!
Pour faire ses sorbets Marceline va chez les uns et les autres, avec sa brouette, récupérer des noix de coco sèches et saines au pied des cocotiers.
Ces noix, une fois rentrée chez elle, elle les ouvre au coutelas pour en extraire la chair blanche.
Elle doit râper ce manger-coco sur une «grage» à main.
Puis presser la pulpe dans une toile d’étamine très propre, pour en exprimer un beau lait bien crémeux qu’elle verse dans le bac de sa sorbetière manuelle.
Le bac en inox baigne dans un mélange de saumure et de glace contenu dans un petit tonneau en bois.
Elle tourne la manivelle jusqu’à ce qu’elle sente que le mélange à l’intérieur est bien épais et lourd.
Alors elle est sure d’obtenir ce délicieux sorbet-coco aromatisé à l’essence d’amande amère comme le veut la tradition créole.
Beaucoup de travail, mais le plaisir c’est de voir combien ceux qui dégustent ces sorbets écarquillent les yeux, se pourlèchent et en redemandent.
Pour tout compléter Marceline propose également un punch-coco sans commune mesure avec ceux que font ces messieurs les industriels du rhum.
Marceline, toujours dans l’esprit de la tradition, s’habille en costume créole et se pare des bijoux en or du folklore. Pas toujours les même bijoux, ce sera tantôt des boucles d’oreille pomme cannelle, tantôt un collier grain d’or, ou juste un bracelet en chaine-forçat. Ce sont bijoux qu’elle a fait faire par l’orfèvre artisan bijoutier du bourg, qui travaille à l’ancienne. Elle le paie avec l’argent qu’elle a gagné à la sueur de son front, en vendant des sorbets-coco.
Porter de l’or, comme sa mère et sa grand-mère, c’est son plaisir.
Or donc un jour, alors qu’elle attend les clients assise sur son tabouret au bord du chemin, des petits malfrats lui explosent la porte de sa case et dérobent ses bijoux.
Des malfrats? Même pas! De la délinquance juvénile! Des «délikan» comme elle dit! Ce sont des gamins du quartier, des enfants que Marceline a vu grandir, se rendre à l’école, trainer sur le chemin, puis prendre la mauvaise pente. Tellement stupides! Ils se sont affublés des bijoux de la malheureuse et comme des paons, se sont fait des «selfies» qu’ils ont envoyés à leurs amis de leur réseaux, avant d’aller revendre le tout, juste au poids de l’or à la boutique du bourg qui placarde: «Achat d’or».
Bien sûr la police n’a eu aucun mal à les identifier, à les arrêter. Des mineurs! Ils sont eux-mêmes victimes de notre société qui veut faire de chacun uniquement des consommateurs.
Mais cela n’a pas rendu à Marceline les bijoux qui étaient la prunelle de ses yeux.
De ses yeux qui lui restent pour pleurer.
Courageuse, elle s’est remise à la tâche.
Elle continue à vendre ses sorbets à la noix de coco sur la route qui mène aux chutes du Carbet.
Si vous passez par là, ne lui en parlez pas, s’il vous plait.
Machan sowbé-a épi jenn «délikan»
Traduction en créole de la Martinique et audio par Jid
Deuxième chute du Carbet. Photo Francesca Palli.
Maslin ka vann sorbé koko ba touris ka alé pabò sé gran kaskad «Les Chutes du Carbet».
Mé bon sowbé!
Pa sa ki fet épi let-koko an bret!
Han, han!
Pou i sa fè sowbé-a, Maslin ka alé toupatou épi bouwet-li pou i ranmasé bon koko-sek anba sé pié-koko a.
An fwa i déviré, i ka koupé yo épi koutla’y, ek i ka pran nannan sek-la ki bien blan.
I ka grajé koko-a épi an graj a la men.
I ka pijé nannan grajé-a dan an twel bien pwop pou’w sa tire tout let koko-a. I ka vidé’y dan bak sorbé-a éti i ka tounen a la men.
Bak let sorbé-a ka benyen dan an sonmi, fet épi sel ek laglas, dan an barik an bwa.
I ka tounen mannivel-la jikatan let-la vini red ek bien épé.
A moman-tala, i asiré ni bon sowbé koko, éti i ka mété an priz lésans zanmann anmè, kon avan.
Sa ni bon travay adan’y, mé tout plézi’y sé wè moun ouvè zié-yo gran ek liché dwet yo. Sa i pli simié, sé lè yo ka mandé dot.
Maslin ka fè ponch-koko tou. Sa pa ni ayen a wè épi ta sé endistriyel wonm-lan.
Maslin toujou resté dan lespri tan lontan. I ka pasé wob kréyol-li anlè’y, tout bijou an lò’y, zanno ponm-kannel-li, braslé’y, chenn fòsa’y, kolié chou’y.
Bijou ki sòti anba lanmen orfev dan bouk-la. I péyé sa épi lanmonné laswé fon’y ek lavant sowbé-a.
Tout plézi’y, sé pòté’y lò’y kon manman’y ek gran-manman’y té ka fè.
Mé an jou éti i té ka espéré kliyantel-li, asiz asou an ti-ban bò chimen-an, an bann isenlenp alé défonsé kay-li pou vòlé sé bijou-la.
Malfra? Menm pa. Jenn délenkan ki pa délika pies i ka di: «délikan». Jenn manmay kartié-a. Tjanmay Maslin wè toupiti té ka alé lékol, drivé bò lari ek pran mové chimen.
Telman yo kouyon, yo mété chenn malérez-la an kou-yo. Epi portab-yo, yo fè pòtré-yo ek yo simen sa toupatou asou dot téléfòn. Apré yo ka alé vann sa an bouk-la pou an bouché pen, dan an boutik ki matjé «Achat d’or».
Lapolis pa tadé mété lapat asou yo. Pli red-la, yenki minè ki pri adan nas sosiété konsomasion-an.
Sa pa rann Maslin sé bijou’y la i té genyen épi laswè fon’y.
I ka rété pou lapléré.
Mé i ni kouraj, i viré pati an travay. I ka kontinié vann sowbé koko asou lawout la ka mennen bò sé gran kaskad «Les chutes du Carbet»-a.
Si zot ka pasé pa la, souplé, pa palé’y di sa!
Jid