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Je suis un ara * Illustration de
Je suis un ara, Daniel Pujol • 2025 • Éd. Atlantiques déchaînés • |
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à propos de l’illustrateur
Ricardo Ozier-Lafontaine est né en 1973 à Fort-de-France, en Martinique. Titulaire d’un diplôme d’éducateur spécialisé, il exerce ce métier parallèlement à sa pratique d’artiste plasticien.
À la fois nourrie des rythmes rituels des tambours afro-caribéens et profondément marquée par l’impact esthétique de l’archéologie précolombienne, son expression plastique a fait l’objet d’un renouvellement continu au cours des dernières années, puisant dans la singularité de ses sources imaginatives.
Sa pratique du dessin et de la peinture automatiques le conduit à une transe graphique qui lui permet de verbaliser des rythmes, des sensations et des tensions intérieures.
En retranscrivant les contours de sa «topographie du monde intérieur», il offre un espace d’expression libre aux multiples influences qui animent sa création et qui, à travers les tracés de noirs et blancs bichromiques, révèlent les personnages hybrides jaillissant de son imagination syncrétique, qu’il nomme les «Intercesseurs».
Extrait
La mémoire poudroie,
Traces d’hommes répandues des deux côtés de la frontière,
Odeurs d’hommes, rumeurs, balancements d’une jambe sur
l’autre
Dans une posture interrogative qui ménage la virilité nécessaire.
Une impatience rieuse pour traverser la rivière, tout à coup
Débordante, tourbillonnante, véloce de plus en plus véloce,
accélérant à
La manière d’une vieille folle qui n’arrive plus à se taire
alors que depuis
Longtemps elle ne sait plus ce qu’elle raconte.
La pluie a cessé mais le tonnerre, rancunier, se fait encore
entendre.
« Il est naturel de se manger les uns les autres », proclament,
enthousiastes,
Les ombres disparates.
Leur chantonnement oriente les vols des colibris,
Des cimes les feuilles presque argentées
Nous envoient des signaux facétieux.
Pas de facéties pour nos yeux, s’il vous plaît : du feu.
Tout cela ne signifie pas grand-chose, ne nous attardons pas.
Et pourtant les domaines de nos rêveries, tôt désertés,
réclament des
Occupants, dommage que la rivière en convulsions
coupe le chemin,
Des deux rives les trépignements nous assaillent.
Le feu, le feu, le feu, le feu, sous nos talons le feu,
au bout de nos doigts,
Le feu dans les yeux, par notre souffle de feu, des ailes de feu
nous portent
Par tous les layons, la canopée, en plusieurs bandes de fuyards,
de marcheurs
Désespérés, de garçons en envol de feu dans l’air rare et soudain
cendreux, de filles
Volantes évaporées dans les souffles d’azur et de brume verte,
explorant les signes et les sons et les tremblements sous la cisaille
des branches qui giflent et giflent encore nos joues
De jeunes bêtes en feu, bégayantes bêtes en feu, bêlantes, balbutiement
de prières, d’incantations, d’appels aux reptiles de feu
qui veillent les profondeurs, aux guêpes, aux fourmis, vigilantes,
brûlantes, incandescentes, qui volent d’un vol de veille et d’attaque.
Aras en feu, aras partout, aras qui se déploient en plumages de
feu ne me laissez pas à terre.
Aras en feu, aras partout, aras qui se déploient en plumages de
feu ne me laissez pas à terre.___________
La patrie de la mort célèbre ses héros
En berne les drapeaux du tempsLes déchets colorient le sable de la plage
Débordent quelque peu vers la mousse jaunâtre
Elle aborde le rivageUne odeur de femme émane de la toile
Le petit homme hume et oublie
De contemplerIl mange absurdement des fraises
Vaguement il nourrit l’idée de se foutre en l’air
Comique de situation expression ambiguëElle plie déplie un mouchoir qu’elle n’avait
pourtant point
Emporté pour cet usage
La nouvelle attendue ne vient pasPendant ce temps d’Orient de doux dragons
diaphanes
À leur manière naïve et mélancolique
Planent au-dessus de nos jardins sans ombre
ni charitéBelliqueux au fond de leurs âmes
Leur apparence souriante et tendre
Les dévoile vainementPar bonheur de hautes tours-miroirs
Délivrent aux uns aux autres
Des images toujours des imagesAu fond du trou le temps de prendre
Son élan et voici que mille intentions
Traversent l’esprit affairé de l’enfant prodigeQuelles lueurs et scintillements de ces perles
Du kaléidoscope qu’innocemment il invoque
pour
Son usage solitaire d’étoiles losanges hexagonesPartout des couleurs tardent à apparaître mais
Promises à d’intenses adulations parmi les
Plus sagaces de la tribu et des clans elles
débordentPour le moment seul l’enfant en dispose
Souriant du contour tremblé des ombres et
Des éclairs au coeur des refletsPour en venir à ce qu’encore et encore
Les déchets aient achevé de colorier le
Sable de la plageQue la mousse jaunâtre ait effacé le rivage
Qu’il ne reste au petit homme rien à humer
Alors que contempler ne suffit à personneIl s’est foutu en l’air le mangeur de fraises
Las et amer à force de ne rien comprendre
Au comique de situationLa nouvelle arrive mais de mouchoir
Il n’en est plus question passé de mode
Comme tout ce qui se plie et déplieLes doux dragons diaphanes d’Orient
Ont cessé leur survol et nos jardins n’ont
Gagné ni en ombre ni en charitéPour autant la patrie de la mort n’en célèbre
Pas moins ses héros se passant de mettre
En berne les drapeaux du temps
*