Avec Patrice Cujo, tout semble fait d’étranges coïncidences. Je l’ai rencontré pour la première fois, par hasard, vers 2010, à Port-Louis. Avec son épouse Blandine, il venait au Blue Penny Museum pour parler peinture. Il me semble que personne, alors, ne le connaissait ici; mais je réalise qu’il en va toujours de même aujourd’hui. J’étais tellement impressionné par son travail… On évoqua ensemble l’hypothèse d’une exposition de ses oeuvres au Musée, mais il s’avéra qu’il se trouvait sur le départ, choisissant de retourner dans son Roussillon d’origine.

Il me laissa en vitesse deux catalogues qui m’emplirent de regrets, à ne pouvoir repousser son départ déjà programmé. Avec lui s’envolaient toutes ses œuvres… Par la suite, on resta bien sûr en contact et il suivit mes pérégrinations muséales au fil des ans, autant que de mon côté, j’observais, de loin et avec délectation, les développements ô combien fructueux et novateurs de sa production en France.

C’est il y a six mois qu’il reprit contact plus formellement, par courriel, me demandant si le Blue Penny Museum était intéressé par l’acquisition d’un don de sept de ses œuvres, toutes relatives aux Mascareignes. Tout d’abord surpris, je ne pouvais qu’acquiescer aussitôt, réalisant la valeur d’un tel cadeau. J’imaginais également la possibilité d’une exposition digne de telles œuvres.

Un mois plus tard, toujours par un heureux hasard, Jean-Claude Castelain, un ami mauricien de plus de trente ans établi au Canada, passa à Maurice, m’apportant inopinément sa collection, unique au monde, de «timbres des îles». Depuis plus de cinquante ans, Jean-Claude se passionne pour la représentation des îles dans la philatélie mondiale. Incroyable, mais vrai…

Sur le coup, je lui parle de Patrice Cujo, qui, me semble-t-il, réfléchit sur le même sujet, de son côté, mais sur des formats bien différents dépassant parfois les trois mètres de long. Je lui montre les catalogues de Patrice…, et voilà comment est née l’idée d’une exposition sur les îles, alliant le gigantisme des œuvres du peintre aux minuscules vignettes du philatéliste.

C’est alors qu’en septembre, Blandine Cujo m’écrit un mail désespéré m’annonçant la mort de Patrice, décédé d’un accident de bicyclette aussi soudain que cruel. Me voilà donc, depuis, dans l’urgence, avec une mission toute réfléchie que je regarde comme un devoir: faire connaître Patrice Cujo, parier sur l’étonnement, le ravissement, la surprise… Comment ne pas voir que ce n’est là que justice pour tant de temps consacré à magnifier, amplifier l’écho géographique de nos îles.

Certes, «la carte n’est pas le territoire», mais elle n’est pas non plus simple réduction à minima, développant une esthétique et des choix touchant au politique. L’œuvre de Patrice Cujo, ainsi que l’immense variété de timbres existants sur les îles, témoignent d’une véritable et sincère fascination pour l’archipel qui nous unit tous, par-delà les multiples océans de toutes nos différences.

Une exposition originale, pour nous faire réfléchir sur nous-mêmes, notre identité insulaire. Comme me le disait un jour René Depestre, «nous, les insulaires, nous ne conjuguons pas le verbe ʺpartir ˮ sur le même mode que les continentaux». À méditer…

Blue Penny Museum | Le Caudan Waterfront | Port Louis | info@bluepennymuseum.mu

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Viré monté