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Roulez tam-tams

José Le Moigne

Roulez tam-tams

En 1969, en pays de Bretagne où je vivais, ma culture créole était loin d'être faite. Chamoiseau courait encore sur son chemin d'école, Confiant patrouillait dans ses ravines du devant jour, et la Lézarde de Glissant méandrait dans la mangrove du Lamentin. Restait Césaire dont ma mère me parlait depuis mes premiers pas ― qui aurait dit qu'un jour j'allais le rencontrer ― qui voisinait dans mes lectures avec Senghor, Langston Hugues, Bob Kaufman, Nicolas Guilhem, mais aussi Chester Himes et Richard Wright. J'adhérais aux idées de la négritude tout en sachant qu'elles ne s'accordaient que partiellement à ma réalité. J'avais les pieds posés sur deux cultures, deux identités très fortes, et j'entendais continuer à marcher droit. Alors j'ai écrit ce poème qui, à sa manière  ― très loin de moi l'idée de jouer au précurseur ―, me semble préluder à la créolité.

 

Roulez tam-tams
le cristal est brisé
ils nous ont trop vendu
de mots à écorner la vérité

Roulez tam-tams
la ville au regard glauque
espionne
ma marche errante de fourmi

Roulez tam-tams
sourds de l'Afrique
o jazz
écho de ma race perdue

Roulez tam-tams
serpents ne mordez plus
les yeux ouverts au rythme de mon sang
j'avoue ma négritude de demi-blanc

                         
José Le Moigne
Brest
1969

 

Viré monté