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Les deux roches

José Le Moigne

Pelée

Vue depuis la caldéra de la montagne Pelée (1200 m), vers le nord-ouest de la Martinique sur la gauche la base du dome centrale, sur la droite le mont Conil (895 m), vestige d'un ancien volcan, qui formait une petite île avant la naissance de la Pelée. Photo F. Palli

Qu’est-ce qu’une œuvre poétique sinon la mise en mots d’un éternel ressassement? Ma vieille tante de Schœlcher, ma marraine, ma maman puis des quatre sœurs elle reste la dernière, me disait l’autre jour au téléphone: «Je m’étonnais que mon neveu ne m’ai pas appelé». Pourquoi, après tout nous étions sept, même si je suis l’aîné, m’incombe-t-il un pareil devoir et surtout, pourquoi suis-je le seul à avoir maintenu ce lien charnel et nécessaire avec l’île-mère? Serais-je celui qui doit porter le poids des chaînes ancestrales et est-ce ce fardeau qui ferait un poète de moi? La question n’appelle pas de réponse. Une chose cependant est certaine. Dès mes premiers poèmes qui tenaient un peu debout ce thème est devenu recourant même si, en parallèle, je me suis pris d’une vraie passion pour la culture bretonne et qu’elle me le rend bien. Peut-on alors parler de métissage? Je n’en suis pas certain. Je suis l’un, je suis l’autre, conscient d’une déchirure intime qui brûlera jusqu’à ma mort mais qui me fait ce que je suis.

Les Deux roches

Pour mon père et pour ma mère

Il est là-bas, au fond de l’Atlantique
une roche de feu où je naquis un jour;
elle est belle, et c’est la Martinique
derrière moi pour toujours

Il est ici, au bord de l’Atlantique
une terre rêvée qui me donna la poésie;
elle est belle aussi la rude roche celtique
où j’ai ancré ma vie

Il est aux bords de l’Atlantique, deux roches;
l’une m’apporta un corps vigoureux;
l’autre me dit — «Poète, voici les rives proches,
où sont les rêves heureux»

José Le Moigne
Brest 1962

 

Viré monté