Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Fête des mères

José Le Moigne

 

Mon rêve est celui-ci.

Aujourd’hui les autorités doivent me remettre une médaille et un diplôme pour l’ensemble de ma carrière éducative et le militantisme culturel qui l’a accompagné, militantisme mal venu à l’époque. J’étais là, me disait-on, pour apprendre à de jeunes délinquants ou en voie de le devenir à se réinsérer. L’accès à la culture, l’universelle, pas celle qui se contente des colifichets à la mode, ne faisait pas partie du jeu.  Je m’étais obstiné et j’avais réussi. Si bien qu’aujourd’hui, avec l’hypocrisie des Grands qu’on connaît bien, on avait décidé de me mettre à l’honneur. Les escaliers et les allées du jardin du château historique où devait se tenir la cérémonie débordaient de public. Il y avait du monde partout. Seulement, ma mère n’était pas là, et, de l’endroit où je me tenais, je pouvais voir notre maison et ses volets clos avec ostentation.

 

Photo Christine Le Moigne-Simonis.

José

Ne courrez pas aux conclusions faciles.

Ma mère était aimante, quelquefois avec exagération comme le sont très souvent les mamans de nos îles, celles que nous nommons avec tendresse nos manman kréyol. Que veut dire ce rêve? Surtout la veille de la Fête des Mères? Je n’en ai pas l’explication et je ne la cherche pas. J’avais commis, c’est évident, je ne sais à quel moment de ma vie, une faute impardonnable. Une faute assez cruelle pour qu’elle se retire du jour qui aurait du être le plus gratifiant de sa vie de sacrifices, une sorte de couronnement et de consécration.

Je n’ai pas crié «Maman!» en me réveillant en sursaut, mais je me suis souvenu du jour où je suis rentré à la maison les deux baccalauréats en poche; car je suis de cette époque où il y avait un examen complet en fin de la classe de première et un autre en fin de terminale, époque où les récipiendaires n’étaient pas si nombreux et où ceux sortis de la classe ouvrière n’avaient aucun mal à se compter. Mon fils est bachelier! Mon fils est bachelier! Ma mère avait montré un enthousiasme qui avait débordé dans la rue.

Je ne chercherai donc pas à expliquer mon rêve. Je me contenterai de souhaiter, comme par le passé, une bonne fête à ma Maman en quel lieu qu’elle se trouve depuis quarante années déjà.

©José Le Moigne
24 mai 2014

 Viré monté